De pire en pire

La semaine passée, plusieurs banques centrales sont intervenues en urgence sur le marché des changes pour freiner la chute de leur monnaie face au dollar américain. La banque centrale indienne a racheté en grande quantité pendant plusieurs séances des roupies. La Banque du Japon (BoJ) poursuit sa politique de soutien au yen. Pour l’instant, les traders semblent réticents à spéculer contre la monnaie japonaise. La paire USD/JPY reste proche du seuil des 145 – la zone de prix fixée par la BoJ. Toujours en Asie, la banque centrale chinoise a élevé la voix pour contrer la dépréciation du yuan. Dans un premier temps, elle a rappelé l’impératif de stabilité du taux de change du yuan et invité les banques étatiques chinoises à faire davantage en la matière (on parle d’intervention verbale). Ce ne fut pas suffisant. Dans un second temps (à partir de jeudi dernier), elle est intervenue plus agressivement en rachetant des yuans et en vendant des dollars sur le marché (vraisemblablement par l’intermédiaire des banques étatiques). Cela a permis de soutenir le taux de change de la devise chinoise.

Toutes les interventions ne sont pourtant pas couronnées de succès. De l’autre côté de la Manche, la livre sterling est toujours en berne face au dollar américain (et est nettement dépréciée face à l’euro). Après avoir fait le dos rond pendant plusieurs jours, la Banque d’Angleterre (BoE) a été contrainte d’intervenir en urgence mercredi dernier et de dégoupiller un programme d’assouplissement quantitatif exceptionnel pour atténuer la spéculation sur les obligations souveraines du Royaume-Uni. Mercredi matin, juste avant l’annonce, plusieurs traders ont noté un niveau de tension sur le marché du crédit au Royaume-Uni qui n’était pas sans rappeler ce qui s’est produit en 2008 au moment de la faillite de Lehman Brothers (cela avait provoqué une grave crise financière par la suite et, indirectement, la crise de la dette souveraine en zone euro). La livre sterling a temporairement remonté la pente face au dollar américain immédiatement dans la foulée de l’annonce de la BoE. Mais ce fut éphémère (de l’ordre de quelques heures). La monnaie britannique apparaît toujours en difficulté en raison des inquiétudes portant sur l’accroissement de la dette publique britannique qui va résulter du mini-budget de crise présenté par le gouvernement de la Première ministre Liz Truss. On ne peut pas exclure de nouveaux pics de tensions sur la livre sterling à court terme. Ce qui est certain, c’est que la volatilité va rester élevée dans les semaines à venir. Dans le pire des scénarios, nous pourrions voir la paire EUR/GBP atteindre la parité. Début septembre, cela était inimaginable.

Pour ne rien arranger, la situation sur le front de l’énergie continue de se détériorer en Europe. Nord Stream 1 et Nord Stream 2, qui approvisionnent en gaz l’Europe depuis la Russie, ont fait l’objets d’actes de sabotage. Pour Nord Stream 2, ce n’est pas vraiment un problème puisque le gazoduc n’a jamais été opérationnel (à cause de la guerre en Ukraine). En revanche, Nord Stream 1 reste un canal de distribution de gaz important pour plusieurs pays européens. Dans la foulée, les prix du gaz ont effectué un rebond à deux chiffres. Cela va se répercuter sur l’inflation en septembre (qui sera publiée en octobre). Il faut s’attendre à ce que les dysfonctionnements au niveau des gazoducs reliant l’Europe à la Russie soient monnaie courante cet hiver. Pour l’Europe, importer du gaz naturel liquéfié est la seule solution. Le problème, c’est que c’est cher et que cela va alourdir la facture énergétique (surtout dans les pays européens où il n’existe pas un bouclier tarifaire aussi protecteur qu’en France).
Il y a au moins une chose qui ne change pas dans ce monde en ébullition, c’est le positionnement de la Réserve Fédérale américaine (Fed). Plusieurs membres du FOMC (l’organe qui décide de la conduite de la politique monétaire aux Etats-Unis) se sont exprimés au cours des derniers jours (Neel Kashari, James Bullard et Charles Evans pour ne citer qu’eux). Ils ont plaidé unanimement en faveur d’une poursuite du processus de durcissement monétaire afin de lutter contre l’inflation. Même s’il est probable que le pic d’inflation soit déjà dépassé aux Etats-Unis, il faut durcir davantage les conditions financières pour s’assurer de renouer rapidement avec des niveaux de hausse de prix plus tolérables (en étant réaliste, cela n’implique probablement pas de revenir à la cible de 2% prochainement mais plutôt autour de 4-5% d’inflation). Le ton ‘hawkish’ (en faveur d’une hausse continue des taux) de tous les membres du FOMC est un élément de soutien indéniable du dollar américain.

Sur le marché des changes, l’euro a fait les frais des déboires de la livre sterling. Dans un mouvement de panique, la monnaie unique s’est effondrée sous les 0,96 face au dollar américain en début de semaine dernière. Par la suite, l’EUR/USD a effectué un rebond en direction des 0,99 mais celui-ci n’a pas fait long feu, sans surprise. La tendance reste fondamentalement baissière sur la paire en raison des nombreux risques que nous évoquons chaque semaine (récession, crise énergétique etc.). Le premier niveau à surveiller se situe à 0,9619 (zone de support). Nous estimons qu’une cassure de la borne des 0,95 pourrait potentiellement entraîner la paire vers les 0,92. Pour l’instant, aucun facteur ne permet d’espérer une inversion de tendance sur la paire (malgré le fait que l’euro soit très clairement sous-évalué par rapport aux fondamentaux économiques de la zone euro). La phase d’affaiblissement prolongé de l’euro est vouée à perdurer.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD0,94230,96191,00401,0348
EUR/GBP 0,84430,86350,94570,9710
EUR/CHF 0,91470,93340,97100,9898
EUR/CAD 1,28431,31461,37561,4213
EUR/JPY 135,03138,69143,65145,44

+33 (0)1 48 09 09 83

La macroéconomie va être en arrière-plan cette semaine. Les chiffres de l’emploi américain (mercredi et vendredi) sont importants mais ils devraient être en ligne avec les attentes. L’emploi est un indicateur en retard par rapport au cycle économique. Dit autrement, les employeurs ajustent avec un certain retard par rapport à la conjoncture leurs perspectives d’embauche. Dans le contexte actuel, où on essaie de savoir si les Etats-Unis vont entrer en récession ou pas, les chiffres prévus cette semaine ne nous aident pas beaucoup. En revanche, il est évident qu’il faudra surveiller de très près la communication des banques centrales et les interventions possibles sur le marché des changes qui devraient continuer. Le dollar américain est encore trop élevé par rapport à quasiment toutes les devises. Nous sommes parfois arrivés à des points de rupture. Les banques centrales n’ont pas d’autres choix que d’intervenir. Cela va entraîner la volatilité à la hausse et provoquer potentiellement des mouvements erratiques sur les monnaies. La livre sterling est celle qui est le plus en position de faiblesse. En cas d’exposition à cette devise, pensez à adapter votre stratégie de couverture. Sans cela, vous risquez d’avoir de mauvaises surprises.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
03/1016:00Indice ISM non manufacturier (Septembre)Stable à 52,8 (en territoire d’expansion).
04/1016:00Rapport JOLTS sur les nouvelles offres d’emplois (Août)Baisse à 10,450M. Le marché de l’emploi américain reste toutefois très dynamique et n’est en aucune façon en récession.
05/1014:15Créations d’emplois non agricoles ADP (Septembre) Précédent à 132k. La méthodologie de calcul a récemment changé. Mais ce n’est toujours pas un bon indicateur avancé pour anticiper l’évolution du rapport NFP.
07/1014:30Rapport sur l’emploi – NFP (Septembre)Le taux de chômage est annoncé stable à 3,7% de la population active et les créations d’emplois en recul en variation mensuelle à 250k contre 315k en août (chiffre susceptible d’être révisé).

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