On entre dans le dur

On a tendance à considérer que le mois de mai est habituellement plutôt favorable au dollar américain. Le mois n’est pas encore tout à fait fini, mais c’est vraisemblablement le cas. Les cambistes se sont repositionnés à l’achat sur le dollar (ce qui remet un peu en cause les prévisions à court terme sur beaucoup de paires). L’enjeu est maintenant de savoir si ce repositionnement est durable. C’est encore trop tôt pour le dire.

Les marchés financiers sont passés par deux phases. Fin 2022, c’était le catastrophisme qui l’emportait pour 2023. La crise énergétique en zone euro allait entrainer l’économie européenne vingt ans en arrière. Il n’en fut rien. Ce fut coûteux mais l’Europe a réussi péniblement à diversifier ses sources d’approvisionnement. Le climat nous a aidé aussi. Assez logiquement, le marché a revu drastiquement à la hausse ses anticipations économiques, peut-être un peu trop au regard des chiffres publiés la semaine dernière. L’Allemagne, qui est souvent présentée à tort comme un modèle économique à suivre de ce côté-ci du Rhin, est officiellement entrée en récession après une contraction du PIB de 0,3% au premier trimestre et de 0,5% au quatrième trimestre de l’année dernière. La récession technique ne devrait pas durer. En revanche, ce n’est pas un rebond économique qui attend l’Allemagne selon les économistes, mais plutôt une phase de stagnation économique. Ce n’est pas réjouissant.
En France, la situation est meilleure. Mais les nuages s’accumulent. Jeudi dernier, les enquêtes de conjoncture de l’INSEE ont envoyé des messages bien sombres. Voici les titres des différentes enquêtes : « en mai 2023, le climat des affaires se dégrade nettement dans le commerce de gros », « le climat de l’emploi s’assombrit de nouveau », « le climat des affaires dans l’industrie passe sous sa moyenne de long terme » etc. Nous nous dirigeons vraisemblablement vers un gros ralentissement voire un léger recul de l’activité. Cela intervient à un moment intéressant puisque paradoxalement les pressions inflationnistes diminuent, en particulier au niveau des matières premières.
En revanche, la diminution n’est pas suffisante dans bien des cas pour complètement estomper l’effet de l’inflation. D’où la nécessité de poursuivre le durcissement monétaire. Le gouverneur de la Banque de France, Villeroy de Galhau, a dit s’attendre à ce que le taux terminal en zone euro soit atteint cet été (autrement dit entre juin et septembre). Cela laisse à la Banque Centrale Européenne (BCE) trois occasions pour augmenter les taux (il n’y a pas de réunion en août). Le marché prévoit encore une hausse de 56 points de base des taux directeurs dans l’Union. Nous pensons que c’est peut-être un peu bas, au regard des pressions inflationnistes qui perdurent. La seule bonne nouvelle pour la zone euro c’est que les hausses de salaires continuent (même si cela alimente en retour l’inflation). L’indicateur de salaires négociés de la BCE (qui est un excellent indicateur de la dynamique salariale fondamentale en zone euro) a accéléré à 4,3% au premier trimestre. Il est probable qu’il atteigne un point haut à 5% sur l’ensemble de l’année. Attention, c’est positif mais ce n’est qu’un rattrapage partiel de l’inflation.
Hors Europe, l’attention est tournée sur les Etats-Unis et la Chine, sans surprise. L’agence de notation Fitch a mis sous perspective négative la note souveraine des Etats-Unis en raison des turpitudes autour du relèvement du plafond de la dette. Une telle action signifie que l’agence pourrait à court terme abaisser la note triple A (meilleure note possible) du pays. Tous les observateurs s’accordent à dire que les Etats-Unis ne méritent dans tous les cas pas une telle note. En cas de perte du triple A, nous doutons que cela provoque un électrochoc sur les marchés financiers.
Enfin, vous avez peut-être noté que le prix des matières premières (en particulier des métaux industriels) ne cesse de chuter depuis plusieurs mois. Après avoir été bien trop optimistes quant à la reprise économique chinoise, le marché ajuste ses attentes. Il est évident que la politique zéro Covid a certainement fait baisser le niveau de PIB potentiel du pays. Ce sera compliqué. Ajoutons également qu’on commence à parler d’une nouvelle vague de Covid en Chine (le taux d’immunité de la population est bas comparé aux autres économies de niveau similaire). Il faut donc s’attendre à ce que la macroéconomie chinoise puisse provoquer quelques sueurs froides à court terme.

Le point technique

Sur le marché des changes, l’EUR/USD continue d’évoluer autour de la borne de 1,07. C’est un niveau stratégique pour avoir une idée de la direction à court terme de la paire. Si dans les prochaines séances, la paire s’enfonce durablement sous ce niveau, il est probable que la baisse l’emporte dans un premier temps. En revanche, si on reste au-dessus de 1,07, on peut toujours espérer un rebond. Evidemment, cela dépendra de nombreux facteurs, en particulier des annonces sur le front macroéconomique qui ne sont pas excellentes en ce moment. A plus long terme, nous pensons que l’EUR/USD est dans une tendance haussière, du moins tant que la paire ne s’enfonce pas sous les 1,0460-50. Au niveau des autres paires, il n’y a pas de changement de direction. L’EUR/GBP est comme depuis de nombreux mois dans une situation de range. En ce qui concerne l’EUR/JPY, la tendance est toujours à la hausse tant qu’il n’y a pas de changement du côté de la Banque du Japon.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,05401,06501,09891,1120
EUR/GBP 0,85010,85300,87450,8991
EUR/CHF 0,95300,96090,98800,9940
EUR/CAD 1,42501,45091,47031,4900
EUR/JPY 144,30145,40151,25152,90

Les annonces à suivre

C’est une semaine américaine qui commence. Il y a encore quelques semaines de cela, nous vous aurions dit que l’emploi américain (prévu vendredi) ne va pas être d’un grand intérêt. Mais certains membres du FOMC de la Réserve Fédérale américaine (Fed) ont envoyé des signaux contradictoires concernant la trajectoire de la politique monétaire à court terme. Nous pensions que la Fed était en mode pause. Mais une minorité de membres du FOMC milite pour une poursuite du durcissement du loyer de l’argent. Il est peu probable qu’ils aient gain de cause. Toutefois, ils baseront leurs arguments en particulier sur le marché du travail. Il faudra donc surveiller de près les chiffres qui vont tomber vendredi à 14h30.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 01/06/202311:00EURNouvelle estimation de l’indice des prix à la consommation (Mai)Consensus à 7,00%.
Le 01/06/202314:15USAEnquête ADP sur l’emploi privé (Mai)Ce n’est pas une statistique prompte à faire bouger le marché. Précédent : 296 000 en avril.
Le 01/06/202316:00USAIndice ISM manufacturier (Mai) Consensus à 47,0 contre 47,1.
Le 02/06/202314:30USARapport sur l’emploi du Département du Travail (Mai)C’est la statistique certainement incontournable cette semaine. Le taux de chômage est annoncé en hausse à 3,5% et les créations d’emplois en recul à 180 000. C’est logique au regard du cycle économique.

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