Pivoter

Pivoter : verbe intransitif qui signifie tourner ou se rabattre autour d’un axe, autour d’un point fixe. Pendant des mois vous avez entendu parler de pic d’inflation. Maintenant, il va falloir s’habituer à entendre parler de pivot de la politique monétaire. Concrètement, cela signifie que les banques centrales qui ont, jusqu’à présent, été obnubilées par les risques inflationnistes commencent à prendre en compte les risques pesant sur la croissance qui sont liés à la hausse des taux d’intérêt. Cela peut les inciter à ralentir le rythme d’appréciation des taux, à faire une pause voire à abaisser les taux à plus long terme. C’est justement ce qui est en train de se produire.
Il y a quelques semaines de cela, la banque centrale australienne a été la première à pivoter. Elle a ralenti le rythme de hausse des taux à 25 points de base (alors que la nouvelle norme, c’est 50 points de base voire 75 points de base). La raison : la hausse des taux pourrait entraîner l’éclatement de la bulle immobilière australienne. Pendant un temps, beaucoup d’analystes du marché des changes ont pensé que c’était un cas isolé. La semaine dernière leur a prouvé qu’il avait tort. Ce n’est pas une mais deux banques centrales majeures qui ont pivoté. A la surprise générale, la Banque du Canada (BoC) n’a augmenté son taux directeur que de 50 points de base alors que le consensus tablait sur une progression de 75 points de base (qui faisait sens au regard de l’envolée des prix). Mais la BoC a jugé qu’une hausse trop importante risque d’entraîner le Canada en récession. La banque centrale du Mexique a également opté pour un changement de direction de la politique monétaire la semaine dernière en indiquant avoir atteint certainement le point haut du cycle au niveau des taux directeurs. D’autres suivront certainement. Le marché des changes bruisse déjà de rumeurs concernant un possible pivot de la Réserve Fédérale américaine (Fed). A court terme, c’est peu probable.
La Banque Centrale Européenne (BCE) n’est pas non plus disposée à ralentir le rythme d’appréciation des taux pour le moment. Lors de la réunion de la semaine passée, elle a augmenté son taux directeur comme prévu de 75 points de base. Il n’y avait quasiment pas de surprise. La discussion portant sur la réduction du bilan est reportée à plus tard (probablement à décembre) tandis que les banques commerciales sont lourdement incitées à rembourser les prêts à bas taux qu’elles ont contractés dans le cadre des opérations de refinancement à très long terme. La BCE s’est abstenue de donner des indications précises sur la suite de la politique monétaire. Les analystes s’attendent toutefois à un ralentissement de la hausse des taux à partir de décembre prochain (hausse de 50 points de base prévue par le marché). Ce n’est pas complètement certain. L’économie de la zone euro semble être un peu plus résiliente que prévu tandis que l’inflation continue d’être à des niveaux très problématiques dans certains pays (10,4% en variation annuelle en Allemagne par exemple). Il est probable que l’ampleur de la hausse des taux en décembre en zone euro dépendra étroitement des prochains indicateurs. En tout cas, l’euro n’a pas vraiment bénéficié de l’annonce de la BCE. Dans la foulée de la conférence de presse de Christine Lagarde, présidente de l’institution, la paire EUR/USD s’est effondrée. Cela s’explique également par la publication du PIB américain au troisième trimestre quasiment au même moment. Le PIB est ressorti meilleur que prévu à 2,6%. C’est une excellente performance qui confirme ce que nous disons depuis des mois, à savoir que l’économie américaine n’est pas encore au bord de la récession.
De l’autre côté de la Manche, un nouveau Premier ministre a pris ses fonctions depuis une semaine. L’ancien chancelier de l’Echiquier de Boris Johnson, Rishi Sunak, a pris le relais de l’éphémère Liz Truss. Il est encore difficile de savoir s’il aura une vraie marge de manœuvre pour faire face à la profonde crise que traverse le Royaume-Uni. Il doit présenter le 17 novembre prochain son projet de budget pour 2023. Pour rappel, c’est le mini-budget de Truss présenté en septembre dernier qui avait fait plonger la livre sterling pendant plusieurs semaines. Il est donc probable que la date du 17 novembre soit une nouvelle fois importante pour la devise britannique. Nous vous en reparlerons.

Sur le marché des changes, l’euro a fini la semaine dernière dans le vert face à toutes ses principales contreparties (à l’exclusion de la livre sterling qui bénéficie d’un rebond technique). Les traders se sont repositionnés à l’achat sur la monnaie européenne mais cela reflète surtout un rebond technique. Ce n’est en aucun cas le signal d’un retour durable de la confiance dans la zone euro. Notre stratégie sur l’EUR/USD reste identique à moyen terme. Nous tablons toujours sur une poursuite de la baisse. Les deux niveaux principaux de support à surveiller se situent à 0,9800 et 0,9663. Le rebond technique de la livre sterling est puissant (+1% en variation hebdomadaire face à l’euro). Il a peu de chances de perdurer de notre point de vue. Les investisseurs étrangers sont encore très inquiets concernant la situation au Royaume-Uni. Nous doutons que le nouveau Premier ministre puisse durablement restaurer la confiance. Surtout, la récession n’en est certainement qu’à ses débuts. Elle va être longue et profonde si on en croit la Banque d’Angleterre. Nous sommes toujours haussiers sur l’EUR/GBP par conséquent.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD0,96630,98001,01451,023
EUR/GBP 0,83410,85010,88170,8979
EUR/CHF 0,96240,97591,01651,0200
EUR/CAD 1,30231,32891,38201,4085
EUR/JPY 142,00144,37149,40150,07

+33 (0)1 48 09 09 83

Est-ce que la Fed et la Banque d’Angleterre (BoE) vont pivoter cette semaine suivant l’exemple de la BoC ? C’est peu probable. Les deux banques centrales devraient de concert annoncer une poursuite de la hausse des taux avec une progression attendue de 75 points de base dans les deux cas. L’inflation continue d’être volatile même si elle diminue aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, c’est pire puisqu’elle poursuit sa progression. Dans les deux cas, il va falloir certainement porter les taux réels (qui prennent compte de l’inflation) beaucoup plus hauts afin d’espérer avoir un repli durable de l’inflation. Nous ne croyons pas en l’état actuel des choses qu’un pivot soit opportun pour ces deux économies. Enfin, il y aura comme chaque début de mois les indicateurs portant sur le marché du travail aux Etats-Unis (enquête ADP et rapport sur l’emploi du Département du Travail). Ce sont des indicateurs en retard par rapport au cycle économique, donc avec un impact faible sur le marché des devises.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
01/1116:00Indice PMI manufacturier de l’ISM (Octobre)L’économie américaine résiste, contrairement à celle de la zone euro. Le consensus table sur un chiffre à 50,4 en octobre.
02/1114:15Créations d’emplois non agricoles ADP (Octobre) Précédent à 208k.
20:00Réunion de la banque centraleHausse du taux directeur de 75 points de base. Par la suite, l’amplitude de baisse des taux pourrait être révisée à la baisse.
20:30Conférence de presse de J. PowellC’est traditionnellement un moment de volatilité élevé sur les devises.
03/1114:00Réunion de la banque centraleConsensus à 3% contre 2,25% précédemment.
16:00Indice PMI non manufacturier de l’ISM (Octobre)Consensus des analystes à 56,0 contre 56,7 en septembre.
04/1114:30Rapport sur l’emploi du Département du Travail (Octobre)Taux de chômage en hausse à 3,6% de la population active et créations d’emplois à 200k contre 263k en septembre (susceptible d’être révisé).

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