Un mauvais moment

La Chine inquiète et quand la Chine provoque des sueurs froides au reste du monde, c’est souvent bénéfique au dollar américain. C’est exactement ce qui s’est produit la semaine passée sur le marché des changes. Les cambistes ont augmenté leurs positions nettes acheteuses sur la devise américaine. Cela a notamment poussé l’EUR/USD vers ses points bas d’il y a encore deux mois. A court terme, la tendance est baissière sur la paire.

En règle générale, il est préférable de voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. Parfois, c’est impossible. Il n’y a littéralement que des mauvaises nouvelles sur le front économique la semaine dernière. L’année 2023 devrait être une année plutôt morne du point de vue économique, sans trop de risques, essentiellement grâce à la forte reprise chinoise. Peine perdue, la reprise chinoise tant attendue est atone. Selon les données PMI du mois de mai, l’activité dans le secteur manufacturier – un des poumons économiques de la Chine – est toujours en contraction et a même renoué avec son niveau de décembre 2022 lorsque la Chine appliquait encore la politique zéro Covid. Même si l’expansion demeure de mise, l’activité ralentit également dans les secteurs des services et de la construction. Cela a entraîné un ajustement à la baisse des prix sur les matières premières et explique en partie la performance médiocre de certaines devises fortement liées aux matières premières comme le dollar canadien et le dollar australien au cours des dernières semaines. Les analystes, qui se sont déjà trompés une fois, attendent désormais que la reprise économique en Chine s’étoffe après l’été. Ce serait logique. Mais ce n’est en rien certain. A ce stade, il apparaît de plus en plus évident que le relais économique chinois n’en sera pas un cette année. Avec un durcissement global des conditions financières, une demande qui commence à fléchir nettement partout dans le monde et des marges de manœuvre budgétaires qui se réduisent (les agences de notation ont abaissé la note souveraine de plusieurs pays au cours des derniers mois), il est désormais évident que le ralentissement économique va être marqué à court terme. C’est ce que nous évoquions dans notre point hebdo de la semaine dernière.
En France, la situation se dégrade également. Pendant longtemps, la consommation des ménages a résisté malgré l’inflation élevée. Ce n’est plus le cas désormais. Les derniers chiffres de l’INSEE montrent que la consommation de produits alimentaires en volume (on peut considérer qu’il s’agit de biens de première nécessité) a retrouvé ses niveaux de…2004 ! Concrètement, les ménages consomment moins et se privent même pour l’alimentation. C’est à mettre en parallèle avec une autre statistique qui est tombée la semaine dernière : un tiers des Français se retrouve avec 100 euros de reste à vivre le 10 mois, essentiellement du fait de l’inflation élevée. Ce n’est évidemment pas un phénomène franco-français. Tous les pays européens, sans exception, sont concernés par cette problématique. Du fait d’une inflation élevée et qui est en partie structurelle (dans le débat public, on commence à reconnaître à demi-mot que l’inflation ne reviendra jamais vers le niveau cible de 2%), une grande partie de la population européenne fait face à un risque d’appauvrissement durable. Dans beaucoup de pays européens, la classe moyenne a été réduite à portion congrue au cours des quinze dernières années. Du fait de l’inflation, cette proportion va encore se réduire. L’inflation, qui était jusqu’à présent surtout un problème économique, risque de devenir un sérieux problème social. Il est évident que les banquiers centraux en ont conscience. C’est pour cela que la Banque Centrale Européenne (BCE) n’a cessé de répéter au cours des dernières semaines que le cycle de durcissement des taux n’est pas encore terminé. Notre sentiment : si on veut combattre l’inflation, il va certainement falloir augmenter les taux réels beaucoup plus en territoire positif que jusqu’à présent. Ce n’est pas du tout intégré par le marché des changes.
Enfin, les statistiques américaines sont également médiocres. Elles confirment que le risque de récession s’accentue (mais cela ne signifie pas qu’elle soit déjà là comme l’indiquent beaucoup d’analystes). L’indice d’activité PMI pour la région de Chicago s’est effondré en mai à 40,4 contre 48,6 en avril. Tous les sous-composants (production, nouvelles commandes, emploi etc.) sont en chute libre. La seule bonne nouvelle, c’est que les prix ont augmenté à un rythme un peu moindre. C’est normal. Si la demande ralentit, les prix augmentent moins voire diminuent.

Le point technique

Sur le marché des changes, l’euro reste faible mais cela reflète plus un renforcement généralisé du dollar américain qu’autre chose. La macroéconomie européenne n’est pas très bonne (en particulier en Allemagne). Mais il n’y a rien eu de très nouveau au cours des dernières séances pouvant justifier un regain de pressions à la vente sur l’euro. En fait, les inquiétudes portant sur la Chine ont été le moteur principal d’évolution du Forex. Sans surprise, cela a entraîné une baisse du CNH/CNY et une hausse du dollar. Le billet vert a endossé son rôle traditionnel de valeur refuge. Nous estimons que l’EUR/USD pourrait continuer de chuter à court, avec une cible de prix autour de 1,0573 (principal support pour la paire). L’EUR/GBP est également dans une dynamique similaire (baisse de près de 1,3% en l’espace de cinq séances). Nous visons un retour vers la zone de 0,8500-8511. Enfin, en ce qui concerne l’EUR/JPY, les dernières séances n’ont pas été très positives mais la tendance de fond est toujours à la hausse. Le différentiel de politique monétaire entre la Banque du Japon et la BCE, qui n’est pas près de s’estomper, est le principal marqueur de la paire.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,04901,05731,08301,0989
EUR/GBP 0,84390,85110,87390,8934
EUR/CHF 0,94890,95900,99021,0040
EUR/CAD 1,42031,43201,47601,4802
EUR/JPY 145,90147,80151,90152,12

Les annonces à suivre

C’est une semaine très calme du point de vue des statistiques qui commence. La Banque du Canada (BoC) est la seule réunion de banque centrale à l’ordre du jour. Nous ne prévoyons pas de hausse de taux à cette occasion (c’est en ligne avec le consensus). En revanche, il est probable que la BoC n’en a pas fini avec le durcissement monétaire. L’inflation reste un casse-tête (en particulier au niveau des produits alimentaires et de l’immobilier). Au moins une nouvelle hausse de 25 points de base est donc probable avant l’automne. La BoC a la chance que l’économie se porte plutôt très bien, comme en témoignent les chiffres du PIB au premier trimestre, ce qui lui permet de se focaliser uniquement sur la lutte contre l’inflation. Toutes les autres banques centrales ne peuvent pas en dire autant. A long terme, cela pourrait bénéficier au dollar canadien, à condition que les prix des matières premières augmentent de nouveau (ce qui n’est pas encore le cas).

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 05/06/202316:00EURISM non manufacturier (Mai)Consensus à 51,8 (en phase d’expansion).
Le 07/06/202316:00CANRéunion de la banque centraleAucun changement de politique monétaire.
Le 08/06/202301:50JAPPIB au premier trimestre Confirmation probable que l’archipel nippon est sorti de la récession. 

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