Une nouvelle approche

La Banque Centrale Européenne (BCE) est restée droite dans ses bottes en augmentant son taux directeur principal de 50 points de base jeudi dernier. C’est maintenant au tour de la Réserve Fédérale américaine (Fed). Le marché est partagé entre une hausse de 25 ou de 50 points de base. C’est un événement à fort potentiel de risque pour le marché des devises cette semaine.

« Il est impossible de déterminer l’évolution de la hausse des taux ». Cette phrase résume à elle seule la conférence de presse de jeudi dernier de la présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE), Christine Lagarde. Depuis plus de quinze ans, les banques centrales nous ont habitué à un pilotage fin de la politique monétaire reposant sur une canalisation précise des anticipations des opérateurs de marché (le forward guidance). C’est désormais fini. Il va falloir naviguer à vue. La raison ? L’horizon économique et financier s’est très nettement complexifié en l’espace de quelques semaines. La croissance économique montre des signes d’essoufflement, l’inflation ne chute pas assez rapidement (en février elle était à 8,5% en variation annuelle en zone euro) et on ajoute à cela les déboires du secteur bancaire (faillite de trois banques américaines positionnées sur des niches de marché et renouveau des inquiétudes à propos de la santé de Crédit Suisse). En toute objectivité, étant donné le contexte inhabituellement compliqué, toute prévision formulée aujourd’hui a de fortes chances d’être invalidée demain. C’est pourquoi, après avoir augmenté son taux de dépôt de 50 points de base, comme prévu, la BCE s’est abstenue de prendre un engagement sur l’amplitude des prochaines hausses de taux à venir. A la place du forward guidance, elle semble adopter une approche duale reposant à la fois sur la nécessité d’atteindre l’objectif de stabilité des prix à 2% (on en est très loin) et un objectif de stabilité financière. Elle a ainsi réaffirmé disposer des outils nécessaires si elle devait approvisionner le secteur financier en liquidité pour faire face à la hausse des taux d’intérêt. Ce n’est pas un sujet immédiat mais cela a permis de réduire les inquiétudes de certains opérateurs de marché. L’un des outils qu’elle pourrait actionner sont les TLTRO – programmes de refinancement à très long terme auprès des banques (que nous avons déjà évoqué ici). Le programme en cours arrive à expiration en juin prochain. Il pourrait être prolongé. Cela permettrait aux banques de pouvoir se refinancer à bas coût, dans de bonnes conditions. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’exercice auquel était confronté C. Lagarde n’était pas facile. Elle s’en est plutôt bien sortie. Cela a permis de stabiliser un peu l’EUR/USD qui a connu une très forte volatilité la semaine dernière (range de fluctuations de plus de 200 points).

De l’autre côté de l’Atlantique, l’inflation était aussi au menu. L’indice des prix à la consommation (IPC) pour le mois de février a été publié. Disons-le, c’était mitigé. L’IPC a chuté de 0,4 point à 6% en variation annuelle. C’est le plus bas niveau depuis septembre 2021. En revanche, l’inflation sous-jacente (qui exclut les éléments les plus volatils) ne reflue pas vraiment (baisse de seulement 0,1 point à 5,5% en variation annuelle). C’est justement l’inflation sous-jacente qui est surveillée de près par les banquiers centraux car elle est plus représentative de la réalité et de la persistance des pressions inflationnistes. Dans le détail, ce sont le secteur des services et le secteur de l’immobilier qui contribuent le plus à la hausse de l’inflation. En un mois, la hausse des loyers est de 0,8%, celle des chambres d’hôtel de 2,6% et celle des billets d’avion de 6,4%. Tout cela confirme que la baisse de l’inflation ne va pas être un long chemin tranquille, qu’il y aura des secousses et qu’il va falloir faire preuve de patience. Cela va sans dire, il faudra certainement aussi durcir davantage la politique monétaire à l’avenir. Nous allons y revenir dans un instant. Du côté de l’emploi, il n’y a pas de changement notable. La dynamique reste favorable. Les revendications hebdomadaires au chômage, qui ont été publiées jeudi dernier, sont ressorties inférieures aux attentes à 192 000 contre un chiffre prévu par le consensus à 205 000.
Un mot rapide à propos de l’Asie. Les nouvelles commandes de machines ont fortement rebondi en janvier au Japon (+4,5% en variation annuelle et +9,5% en variation mensuelle). C’est assez inattendu. Cet indicateur est important (il est souvent utilisé par les économistes) car il sert de baromètre du commerce international. Les données du mois de janvier sont en contradiction avec d’autres statistiques portant sur le commerce international (qui a plutôt tendance à ralentir). Il faudra certainement attendre encore quelques mois afin d’y voir plus clair.

Le point technique

Le mot de la semaine était volatilité sur le marché des changes (en lien avec les déboires du secteur bancaire). Juste pour vous donner quelques exemples : l’EUR/USD a évolué dans un range de plus de 200 points, l’EUR/CAD dans une range de 220 points et l’EUR/CHF dans un range de 160 points. C’est évidemment inhabituel. L’euro a surtout perdu du terrain face au yen japonais qui a retrouvé son statut de valeur refuge privilégiée en période d’incertitude (baisse de la paire EUR/JPY de 1,26% en une semaine). En revanche, après des pertes importantes, l’euro a repris du terrain face au dollar américain et face au franc suisse. Mais le rebond de fin de semaine dernière est fragile. Il y a encore beaucoup d’incertitude entourant la situation sur le front bancaire et la réaction possible des acteurs de marché. C’est pourtant nous aurons tendance à très court terme à accroître notre exposition aux valeurs refuge (surtout au JPY qui devrait être le grand gagnant si une détente n’intervient pas rapidement).

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,03911,05111,07551,0840
EUR/GBP 0,86350,86980,89250,9007
EUR/CHF 0,96400,97440,99871,0162
EUR/CAD 1,40701,43431,48791,5150
EUR/JPY 135,50138,44141,70144,35

Les annonces à suivre

C’est une semaine très chargée qui commence avec pas moins de trois réunions de banques centrales. Aux Etats-Unis, le marché est partagé sur l’ampleur de la hausse des taux qui sera annoncée ce mercredi. Les pressions inflationnistes sont toujours élevées. Cela plaide en faveur d’une hausse de 50 points de base. En même temps, les difficultés d’une partie du secteur bancaire invitent à la prudence et à une hausse d’ampleur moindre (25 points de base). Dans tous les cas, la décision de la Réserve Fédérale américaine (Fed) sera certainement critiquée par les acteurs de marché. Il faut s’attendre à un regain de volatilité sur les paires en USD et en particulier sur l’EUR/USD mercredi soir. Pensez à adopter la bonne stratégie de couverture si vous êtes exposé. Du côté de la Banque Nationale Suisse, il y a peu de doutes qu’une hausse du taux directeur de 50 points de base soit annoncée, ce qui devrait soutenir le cours du franc suisse. Enfin, l’incertitude est aussi présente concernant la décision que pourrait prendre la Banque d’Angleterre ce jeudi. La majorité des acteurs du marché anticipe une hausse de 25 points de base mais une minorité prévoit plutôt une pause de politique monétaire. C’est certainement prématuré, selon nous. Cette semaine va être agitée. C’est certain.

Nous en profitons pour vous annoncer un élargissement de nos capacités en devises. Dix-huit nouvelles devises d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie sont désormais traitables à l’achat ET à la vente avec des cours de change très favorables. Si vous avez des besoins en paiement et/ou en remontée de revenus dans ces devises, prenez contact avec notre salle de marché. Nous ne manquerons pas de vous faire partager l’actualité de ces devises dans notre bulletin hebdomadaire, lorsque c’est pertinent.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 21/03/202311:00EURIndice ZEW du sentiment économique en Allemagne (Mars)Repli à 22,0 contre 28,1 en février.
Le 22/03/202308:00UKIndice des prix à la consommation (Février)Consensus à 10,3% contre 10,1% en janvier
Le 22/03/202319:00USARéunion de la banque centrale Le marché est partagé entre une hausse de 25 points de base ou de 50 points de base.
Le 23/03/202309:30CHRéunion de la banque centraleHausse prévue de 50 points de base du taux directeur principal.
Le 23/03/202313:00UKRéunion de la banque centraleHausse attendue de 25 points de base du taux directeur.

Les informations présentées sur cette publication, vous sont communiquées à titre purement informatif et ne constituent ni un conseil d’investissement, ni une offre de vente, ni une sollicitation d’achat, et ne doivent en aucun cas servir de base ou être pris en compte comme une incitation à s’engager dans un quelconque investissement.