Montagnes russes

En ce moment, il y a plus de questions que de réponses sur les marchés financiers. Nous n’excluons pas de nouvelles secousses sur les actions. Mais notre inquiétude se porte plutôt sur le dollar et le yuan. Un risque de dévaluation de ces deux monnaies existe. Pour l’instant, ce risque est faible…mais pas négligeable. Prudence.

Ce fut une nouvelle semaine chahutée sur les marchés financiers. Beaucoup a été dit, parfois un peu trop vite. Par exemple, il y a moins d’une semaine, la banque d’investissement Goldman Sachs prédisait une récession brutale de l’économie américaine à cause de la nouvelle vague protectionniste. Puis, quelques jours plus tard, à la suite du moratoire décidé par la Maison Blanche, nous sommes passés d’une récession à un ralentissement économique. Essayons de démêler le vrai du faux.

1/ Après le « Jour de la Libération », les droits de douane américains ont été multipliés par 10 par rapport à leur niveau d’avant Trump. S’ils devaient se maintenir à ce nouveau niveau – c’est-à-dire si des négociations encore incertaines ne s’engagent pas et ne se concluent pas rapidement – ??l’impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs, les marges des entreprises et, par conséquent, l’investissement pourrait pousser l’économie américaine vers une croissance zéro en deuxième partie d’année. Évidemment, l’ampleur du ralentissement dépendra de l’attitude de la Réserve Fédérale américaine (Fed). Nous ne doutons pas qu’une fois que le marché du travail américain aura montré des signes évidents de faiblesse, la Fed va agir. En revanche, elle ne devrait pas pousser les taux très bas, en raison de la nécessité de prendre en compte les tensions inflationnistes liées à la guerre commerciale et au marché de l’immobilier (fortes tensions sur les prix). Les opérateurs de marché et les analystes ont tort de penser que la banque centrale va agir en urgence pour sauver l’administration Trump, selon nous. Il en va de sa crédibilité. Elle ne doit pas surréagir aux évènements tant qu’il n’y a pas de problème de liquidité sur les marchés financiers.

2/ L’Europe sera également durement touchée quoi qu’on en dise. Même si le choc est moins important qu’aux États-Unis, l’économie de la zone euro était déjà fragile avant le « Jour de la Libération ». Le coup supplémentaire porté aux exportations et à la confiance pourrait pousser la croissance vers zéro en deuxième partie d’année. La Banque Centrale Européenne (BCE) dispose toutefois d’une plus grande marge de manœuvre que la Fed pour intervenir. L’inflation ralentit et même si des pressions inflationnistes peuvent survenir, le processus de désinflation devrait continuer.

3/ La décision américaine d’augmenter les droits de douane rappelle naturellement des précédents historiques inquiétants, comme les droits de douane Smoot-Hawley de 1930, qui ont prolongé la Grande Dépression et entravé le commerce mondial. Cependant, la spirale protectionniste des années 1930 s’expliquait en grande partie par les contraintes de l’étalon-or. Les gouvernements ont aujourd’hui plus de choix, et plus de marge de manœuvre. S’ils gardent leur sang-froid, il y aura encore une place pour que le libre-échange persiste et qu’on évite une spirale récessionniste ou une entrée dans la stagflation.

4/ La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis a de fortes chances de durer très longtemps. Pour l’instant, elle concerne les droits de douane et le contrôle de certaines routes commerciales, comme le Canal de Panama. Mais ce conflit va s’étendre et peut avoir d’importantes répercussions sur les taux de change. Le gouvernement chinois a été le premier à menacer d’influer durablement sur le taux de change du yuan face au dollar qui est, comme on le sait, administré. La semaine dernière, Pékin a demandé aux banques publiques de cesser temporairement d’acheter des dollars. À court terme, notre principal sujet d’inquiétude concerne la paire USD/CNY. D’un côté, Washington évoque de plus en plus la possibilité d’une dévaluation du dollar (qui entraînerait des conséquences sur tous les marchés financiers). De l’autre, Pékin n’a pas fermé la porte à une dévaluation très contrôlée de sa devise, si nécessaire.

Comment réagir dans ces circonstances ? Gardez votre sang-froid, évitez de tirer des conclusions hâtives (en ce moment, il y a plus de questions que de réponses) et pensez absolument à couvrir votre risque de change en cas d’exposition au dollar et au yuan.

Le point technique

Le fait marquant de la semaine passée, c’est clairement l’envolée de l’euro et l’incroyable volatilité sur les devises majeures qui est totalement inhabituelle. Lors de la séance de jeudi dernier, l’EUR/USD a bondi de 2,6% – une progression que nous n’avons pas connue depuis des années. Résultat, la paire est désormais à un point haut de trois ans. Ce n’est peut-être que le début, tant les marchés sont devenus imprévisibles. Des fluctuations d’ampleur similaire sont également perceptibles sur l’EUR/GBP ou la plupart des paires en USD. C’est un nouveau paradigme. Dans ces circonstances, il faut être humble et reconnaître qu’il est très difficile de faire des prévisions sur le long terme. Beaucoup de banques américaines s’attendent à ce que l’EUR/USD consolide autour de 1,09-1,11. Mais il suffit que l’administration Trump annonce une nouvelle mesure inattendue pour que la paire s’envole vers 1,15. Prudence. Ce sont les montagnes russes.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,10901,11901,15001,1598
EUR/GBP 0,84090,84550,87000,8734
EUR/CHF 0,91880,92110,93230,9345
EUR/CAD 1,56001,56431,57881,5890
EUR/JPY 157,23159,90162,99163,40

Les annonces à suivre

La certitude que nous avons en ce début de semaine c’est que la volatilité sera encore une fois au rendez-vous. La thématique des droits de douane va rester un point d’attention majeur pour les opérateurs. Initialement, le marché monétaire était plutôt sceptique concernant une nouvelle baisse des taux de la BCE. C’était avant que plusieurs membres de l’institution plaident en faveur d’un assouplissement de 25 points de base en avril (Rehn, Villeroy). C’est certainement un moment opportun pour le faire. Cela enverra un signal très positif au marché et permettra sûrement de soutenir à court terme l’euro qui – assez bizarrement depuis quelques semaines – semble être considéré comme une valeur refuge par les cambistes.

Du côté de la Banque du Canada (BoC), le statu quo monétaire devrait l’emporter même si la probabilité d’une baisse des taux a augmenté ces derniers jours du fait de la politique tarifaire de l’administration Trump. L’équation pour la BoC est toutefois plus compliquée que pour la BCE car elle doit faire face à des pressions inflationnistes déjà existantes. Baisser les taux pourrait les renforcer. Nous restons toujours très prudents concernant le dollar canadien. Nous considérons que c’est la devise majeure qui risque d’être le plus affectée par la guerre commerciale. C’est aussi l’avis des spéculateurs. Les positions vendeuses sur le CAD augmentent de jour en jour.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 16/04/202504:00CHIPIB (T1)Précédent à 5,4% sur un an
Le 16/04/2025EURInflation (Mars)Précédent à 2,2% sur un an
Le 16/04/2025CANRéunion de la banque centraleAucun changement de politique monétaire
Le 17/04/2025EURRéunion de la banque centralePossible nouvelle baisse du taux directeur de 25 points de base

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