Un nouveau monde

On entend beaucoup parler d’un possible risque de récession ou d’une panique sur les actions. Mais le vrai problème, c’est la baisse de la liquidité qui touche quasiment tous les marchés financiers. C’est souvent la première étape vers une crise. Si la volatilité reste aussi faible, notamment sur le crédit, il y a tout intérêt à se replier sur les valeurs refuge du moment : l’euro et le franc suisse.

Du fait des inquiétudes liées à la politique protectionnisme américaine, la liquidité s’est effondrée sur quasiment tous les marchés financiers, à un rythme rarement vu. Les intervenants de marché ont tout simplement peur et craignent que le protectionnisme américain ne débouche sur une crise économique et/ou financière. Heureusement, nous n’y sommes pas encore…pour le moment.

Sur le segment obligataire, la liquidité est au plus bas. Par exemple, pour les obligations d’entreprises « off-the-run » (généralement émises depuis un moment), elle est à son niveau de mars 2020 – au moment du premier confinement mondial. Pour les obligations liquides récentes (émises il y a moins d’un an), la situation est meilleure avec des spreads serrés. En revanche, le marché du high yield (entreprises avec un risque de défaut plus élevé) est gelé des deux côtés de l’Atlantique. La liquidité est également très basse sur les actions. Pour le Forex, c’est différent même s’il y a des moments dans la journée où elle diminue drastiquement. Nous sommes clairement face à des marchés financiers qui ne fonctionnent pas normalement.

Il est probable qu’il n’y aura pas d’amélioration significative tant que la guerre commerciale battra son plein. À ce sujet, il faudra surveiller de près les négociations entre le Japon et les États-Unis. L’archipel nippon sert de cobaye au reste du monde. C’est le premier investisseur étranger aux États-Unis depuis cinq ans, et l’un des principaux détenteurs de bons du Trésor américain, pour 1100 milliards de dollars. Et pourtant, il est soumis à des droits de douane de 25% pour l’industrie automobile et de 24% pour les autres secteurs. Un précédent accord avait été signé en 2019 entre Tokyo et Washington qui avait permis d’assouplir les restrictions sur les produits agricoles américains. La situation est toutefois plus complexe aujourd’hui puisque la Maison Blanche souhaite aussi inclure dans les négociations le taux de change du yen. Ce sera un test pour les autres pays qui sont aussi soumis au protectionnisme américain.

En attendant un éventuel accord entre le Japon et les États-Unis, les marchés, y compris les devises, devraient continuer d’être volatils et erratiques. La défiance à l’égard du dollar a toutes les chances de perdurer, ce qui bénéficie sans surprise au franc suisse mais également à l’euro. C’est certainement la première crise où l’euro possède un rôle de valeur refuge. Il est encore trop tôt pour savoir si c’est durable.

Le protectionnisme américain provoque aussi des disruptions importantes au niveau du commerce international. Les surtaxes douanières imposées par l’administration américaine sur les produits chinois provoquent un net ralentissement du commerce transpacifique : les réservations de conteneurs entre la Chine et les États-Unis ont chuté de 25%  selon les données de SONAR Container Atlas. Cette nouvelle réalité a déjà fait une victime : Vasi, un opérateur de conteneurs singapourien, a fait faillite. À terme, cela risque aussi d’affecter le commerce entre les deux bords de l’Atlantique. Une onde de choc au niveau de la logistique est en train de se produire, avec de potentielles conséquences inflationnistes sur le coût du fret maritime…et donc pour le consommateur final. C’est un élément à surveiller de très près dans les semaines à venir car il pourrait constituer un sérieux casse-tête pour de nombreuses entreprises.

Enfin, il faut aussi mentionner le risque de change. Pour 2025, beaucoup de trésoriers d’entreprises avaient un objectif de 1,15 pour l’EUR/USD. Il pourrait être dépassé. Le marché des options, qui reste un indicateur pertinent, estime que la paire pourrait rapidement franchir le seuil situé à 1,20. Cela fait beaucoup de problèmes qui s’accumulent pour les entreprises exposées à l’international.

Le point technique

Sur le marché des changes, la réunion de la Banque Centrale Européenne a été le principal point d’attention la semaine passée. Sans surprise, elle a abaissé son taux directeur de 25 points de base, s’abstenant de s’engager en faveur de futures baisses des taux. L’impact sur les paires en EUR fut marginal. Tout avait déjà été intégré dans les prix depuis plusieurs semaines. La défiance à l’égard du dollar américain reste toujours élevée. C’est désormais une tendance de fonds sur le marché des changements. Cela s’explique par trois facteurs principaux : 1) la volonté des investisseurs, en particulier des institutionnels, de réduire leur exposition aux actifs libellés en dollar, qu’il s’agisse des actions ou des obligations ; 2) les inquiétudes sur le cycle économique américain, notamment les craintes de récession et 3) une politique budgétaire européenne qui semble plus accommodante, notamment en raison de la relance allemande. Tout ceci conduit à une baisse structurelle du dollar, en particulier face à l’euro. Du côté de la livre sterling, on observe une bonne résilience même si la variante est toujours élevée sur l’EUR/GBP. En raison de la baisse de l’inflation britannique confirmée la semaine dernière, nous sommes désormais certains que la Banque d’Angleterre va abaisser son taux directeur de 25 points de base le mois prochain. Là encore, c’est désormais intégré dans les prix du marché.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,10991,11911,15001,1598
EUR/GBP 0,84100,84520,87000,8690
EUR/CHF 0,91440,91900,93000,9335
EUR/CAD 1,56101,56421,57841,5810
EUR/JPY 157,11159,88162,90163,11

Les annonces à suivre

Cette semaine risque encore d’être très agitée, sans surprise.

La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a quasiment rien au niveau de l’agenda économique. Il faudra en revanche, comme on a l’habitude depuis le début du mois de février, gérer les nombreux sursauts de la Maison-Blanche.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 23/04/202516:00USAVente de logements neufs (Mars)Précédent à 676k
Le 24/04/202510:00ALLIndice IFO du climat des affaires (Avril)Précédent à 86,7

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