Entre fantasme et réalité

L’été est toujours propice à la propagation de contrevérités et de fantasmes sur les marchés financiers. L’an dernier, le Forex s’est affolé à cause d’un risque de récession américaine qui ne s’est pas matérialisé et à cause d’une hypothétique bulle de l’IA. Depuis le « Jour de la Libération » en avril, on ne cesse d’évoquer des ventes massives de bons du Trésor américain par la Chine, ce qui pousse le billet vert en baisse. La réalité est tout autre…

Sur les marchés financiers, les contrevérités et les fantasmes ont la vie dure. L’un d’entre eux revient fréquemment en ce moment. C’est le fait que la Chine puisse influer sur le dollar américain en vendant des bons du Trésor. Regardons ce que les chiffres disent. En se basant sur les données de fin 2024, la Chine détient effectivement une part non négligeable de la dette américaine, à hauteur de 800 milliards de dollars. Cela peut paraître beaucoup. Mais c’est moins de 3% de la dette totale. Cela permet déjà de relativiser un peu. Le Japon en possède davantage, autour de 1100 milliards de dollars, tandis que la Réserve Fédérale américaine (Fed) en détient autour de 7000 milliards de dollars à la suite des différents programmes de rachats d’actifs lancés depuis 2007 – soit dix fois plus que la Chine.

Les oiseaux de mauvais augure considèrent que le gouvernement chinois pourrait décider de vendre massivement les bons du Trésor, ce qui ferait augmenter les taux américains, baisser la valeur des obligations et, en théorie, peser sur le dollar. Des analystes soulignent que c’est justement ce qui s’est passé dans la foulée du « Jour de la Libération » en avril dernier.

Comme souvent en économie, ce n’est jamais aussi simple. Cette théorie pose trois problèmes principaux :

1. La Chine se pénaliserait elle-même en faisant chuter le prix de ses actifs, ce qui nuirait également à ses exportations (un yuan fort = produits chinois moins compétitifs).

2. La Chine dépend encore beaucoup du commerce global et des marchés financiers, qui sont adossés au dollar malgré les appels incessants à une dédollarisation du monde.

3. Le yuan n’est pas une alternative crédible : il reste partiellement contrôlé par l’État, peu liquide et peu utilisé à l’international.

En conclusion, on voit mal la Chine être en mesure d’exercer une influence durable et substantielle sur le dollar américain. En revanche, c’est un secret de Polichinelle que Pékin cherche à réduire son exposition au billet vert, comme l’a fait la Russie à partir de 2014 en raison de sa volonté de prendre possession de l’Ukraine. C’est d’ailleurs surtout pour des raisons géopolitiques que Pékin cherche à se dédollariser au cas où la situation avec Taïwan s’envenime. Mais cela va prendre du temps, se faire minutieusement, pour éviter des à-coups qui pourraient être dommageables pour l’économie chinoise.

Sans surprise, la théorie de l’influence chinoise sur le cours du dollar va revenir sur le devant de la scène, peut-être dans le courant de l’année ou plus tard. Méfiez-vous et gardez à l’esprit que ce n’est jamais aussi simple qu’on le pense. Il en va de même des théories sur la dédollarisation et des prédictions de récession américaine formulées quasiment chaque trimestre. Cela crée souvent beaucoup de bruit et de volatilité sur le marché des changes. Mais l’effet à moyen terme est quasiment nul. Il vaut mieux toujours se référer aux chiffres pour savoir où nous en sommes réellement. C’est ce qu’on a essayé de démontrer avec la détention finalement assez faible d’obligations souveraines américaines par la Chine lorsqu’on se réfère au stock total d’obligations.

Le point technique

Sur le marché des changes, la baisse de 25 points de base du taux directeur de la Banque Centrale Européenne, qui était largement attendu, n’a pas eu d’effet majeur. La paire EUR/USD consolide autour de 1,14. Du point de vue technique, la tendance est haussière, notamment soutenue par la moyenne mobile à 50 jours. L’euro a été soutenu au cours des dernières séances par un indicateur IFO du climat des affaires en Allemagne bien meilleur que prévu en mai. Nous nous attendons à ce que l’évolution à court terme de la paire dépendent essentiellement des indicateurs macroéconomiques européens et du sentiment de marché à l’égard du dollar. A ce sujet, ce n’est pas glorieux. Selon les dernières données du régulateur américain, la CFTC, les positions nettes vendeuses sur le billet de la part des spéculateurs et des intermédiaires financiers sont à leur point haut depuis 2023.9

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,11801,12501,15031,1590
EUR/GBP 0,83120,83660,85070,8538
EUR/CHF 0,91990,92400,93990,9439
EUR/CAD 1,54121,55091,57331,5788
EUR/JPY 160,29161,99164,35164,80

Les annonces à suivre

Cette semaine, l’agenda économique est peu chargé.

L’inflation américaine sera le principal point d’attention – les prix à la consommation sont attendus stables à 2,3% sur un an par le consensus. Il faudra regarder dans le détail si certains secteurs commencent à répercuter les taxes douanières sur les consommateurs. Ce sera un élément crucial pour que la Fed ajuste sa politique monétaire à la rentrée. Dans l’immédiat, nous considérons qu’elle devrait rester en mode pilotage automatique pour les deux prochaines réunions de juin et de juillet.

Il est également probable que la volatilité reste élevée en cas de nouvel esclandre du président Donald Trump concernant les taxes douanières. Prudence.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 11/06/202514:30USAPrix à la consommation (Mai)Précédent à 2,3% sur un an.
Le 12/06/202514:30USAPrix à la production (Mai)Précédent à -0,5% sur un mois.

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