L’euro s’est fortement apprécié face au dollar américain la semaine passée (+1,93% en variation hebdomadaire). Mais nous doutons que ce mouvement soit durable. Le marché anticipe une première baisse des taux de la Fed en mai prochain – c’est certainement trop tôt. En outre, le différentiel de croissance plaide toujours en faveur du dollar.
Vous connaissez certainement ce conte popularisé par les frères Grimm au 18ème siècle. Dans sa version la plus répandue, une jeune fille aux cheveux blonds (« Boucle d’or ») entre dans une maison habitée par une famille de trois ours qui se sont absentés. Elle va alors goûter les trois bols de porridge, préférant celui de l’ourson, ni trop chaud comme celui du père, ni trop froid comme celui de la mère. En économie, le scénario « boucle d’or » fait référence à une situation optimale où la croissance est modeste, mais bien réelle, et l’inflation modérée. Le tout, sans récession évidemment. C’est désormais ce scénario qui domine sur les marchés financiers après la publication de l’inflation aux États-Unis. En octobre, l’indice des prix à la consommation (la mesure la plus surveillée de l’inflation) a de nouveau reculé à 3,20% contre un pic à 9,1% en juin 2022. En variation mensuelle, la variation des prix est même nulle. L’économie américaine renoue avec son niveau d’inflation moyen de longue durée qui est à 3,30% sur la période allant de 1914 à 2023. L’énergie, les soins médicaux et les ventes automobiles sont les segments qui affichent le repli le plus important. Seuls les transports sont à un niveau supérieur à celui de juin 2022. Cela a eu trois conséquences immédiates sur les marchés financiers :
Le dollar américain s’est très nettement replié face à ses principales contreparties. La paire EUR/USD a renoué avec ses niveaux de fin août au-dessus du seuil de 1,09, par exemple. Des prises de bénéfices sont intervenues en fin de semaine dernière, mais de manière mesurée.
Les États-Unis n’ont aucun intérêt à augmenter de nouveau les taux directeurs. Cela risque d’entraîner des frictions non souhaitées au niveau du crédit et de la stabilité de l’ensemble du système financier. Le taux terminal pour ce cycle économique a certainement été atteint.
Sans surprise, le marché monétaire bruisse déjà de rumeurs concernant une possible baisse des taux afin de donner un coup de fouet à la croissance attendue modeste de l’économie. Initialement, la première baisse des taux était anticipée pour le mois de juin 2024. C’est désormais prévu pour mai 2024. Ce léger changement de calendrier n’entraîne aucune conséquence majeure sur les actifs financiers. Comme nous l’avons souvent expliqué ici, les anticipations de marché concernant l’évolution des taux sont très volatiles et dépendantes à la fois des messages des banquiers centraux et des statistiques économiques.
De ce côté-ci de l’Atlantique, le taux terminal est également atteint, selon toute vraisemblance. La présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE), Christine Lagarde, a indiqué dans une interview au Financial Times que les taux étaient désormais à un niveau approprié et qu’une baisse des taux n’a pas vocation à survenir au moins dans les deux prochains trimestres. Le marché monétaire prévoit une première baisse en zone euro en juin 2024 – là encore, cette anticipation est amenée à évoluer. Pour la Banque du Canada, la Banque Nationale Suisse et la Banque d’Angleterre, ce n’est qu’en septembre 2024 que l’amorce du cycle d’assouplissement monétaire est attendue par les cambistes.
Ce n’est pas encore un sujet de marché. Et pourtant, lorsque cela va le devenir, il faut s’attendre à d’importants remous sur les taux de change et, en particulier sur le billet vert. La semaine dernière, l’ancien président et candidat Donald Trump a dévoilé les grandes lignes de son programme économique : hausse de la production de combustibles fossiles, élimination sur une période de quatre ans des importations chinoises d’acier, d’électronique et de produits pharmaceutiques et taxe douanière de 10% sur tous les produits importés aux États-Unis. Que des idées qui risquent de provoquer l’émoi des investisseurs ! Il a, en outre, promis de régler le conflit entre l’Ukraine et la Russie en 24 heures. Pas un mot en revanche sur la situation au Proche-Orient. Tout cela peut prêter à sourire mais, au regard des derniers sondages, il a de bonnes chances d’obtenir l’investiture républicaine en dépit de ses déboires judiciaires. Nous entrons décidément dans le pandémonium – un monde de désordre et de chaos (voir notre note du lundi 23 octobre).
Le point technique
Sur le marché des changes, le principal fait marquant est la baisse du dollar américain du fait des anticipations de baisse des taux par la Réserve Fédérale américaine (Fed). Cela a permis à l’EUR/USD d’effectuer une envolée au-dessus de 1,09 la semaine passée. Mais nous doutons que ce mouvement de hausse soit durable. Le différentiel économique entre la zone euro et l’économie américaine est toujours favorable à cette dernière. En outre, la probabilité que le marché se trompe sur le timing de la première baisse des taux de la Fed est élevé. Dans ces circonstances, nous voyons mal comment l’euro pourrait s’échapper durablement au-dessus de 1,10-1,12 à court terme. Face au yen japonais, l’euro poursuit en revanche son ascension et il n’y a pas de débat majeur sur le fait que cela se poursuive. La paire évolue désormais autour de 163 – un nouveau record. Nous doutons de plus en plus que les autorités japonaises interviennent pour limiter la dépréciation du yen. Elles l’auraient sinon déjà fait. Nous restons donc positionnés à l’achat sur l’EUR/JPY, même si des prises de bénéfices peuvent survenir à court terme après un gain de plus de 3,7% en l’espace d’un mois.
Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.
Supports | hebdo | Résistances | hebdo | |
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S2 | S1 | R1 | R2 | |
EUR/USD | 1,0620 | 1,0740 | 1,0990 | 1,1050 |
EUR/GBP | 0,8530 | 0,8611 | 0,8805 | 0,8855 |
EUR/CHF | 0,9444 | 0,9501 | 0,9712 | 0,9898 |
EUR/CAD | 1,4501 | 1,4677 | 1,4888 | 1,4912 |
EUR/JPY | 159,20 | 160,48 | 164,99 | 165,89 |
Les annonces à suivre
C’est encore une semaine calme du côté des statistiques économiques. Il y a néanmoins deux points d’attention majeur à court terme :
– Le sommet Chine-Union Européenne des 7-8 décembre. C’est surtout un sujet macroéconomique. Les points de tension sont nombreux entre les deux zones économiques, notamment l’intelligence artificielle (domaine considéré comme stratégique par la Commission Européenne), l’Ukraine et le secteur automobile. En septembre dernier, l’Union Européenne a ouvert une enquête sur le soutien et les subventions des autorités chinoises aux constructeurs nationaux d’automobiles électriques ;
– Les fuites de capitaux dans les pays émergents. C’est un sujet qui peut directement avoir des effets sur le marché des changes. Ces dernières semaines, sur fond de risque géopolitique, on a observé une fuite des capitaux importante au niveau des pays émergents. Cela pourrait nuire aux devises de cette zone, en particulier le real brésilien et le peso mexicain. Les flux se recyclent, sans surprise, aux États-Unis et, dans une moindre mesure, sur le marché des actions du Japon.
Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.
Jour | Heure | Pays | Indicateur | À quoi s'attendre ? |
---|---|---|---|---|
Le 22/11/2023 | 14:30 | USA | Commandes de biens durables (Octobre) | Précédent à 0,4% en variation mensuelle. |
Le 24/11/2023 | 08:00 | ALL | PIB au troisième trimestre | Précédent à -0,1%. |
Le 24/11/2023 | 10:00 | ALL | Indice IFO du climat des affaires (Novembre) | Précédent à 86,9. |
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