Déception

La baisse du dollar index est le principal fait marqueur sur le marché des changes ces dernières semaines. C’est surprenant. On pourrait croire que la résurgence du risque géopolitique aurait davantage soutenu le billet vert. En réalité, la baisse du dollar s’explique par un positionnement extrême des cambistes à l’achat. Nous assistons actuellement à un débouclage des positions et à des prises de profit. A moyen terme, la hausse du dollar devrait néanmoins perdurer.

C’est une période compliquée. Le mois d’octobre a abouti à une dégringolade des marchés actions mondiaux. Quasiment tous les secteurs ont été touchés. Cela reflétait une hausse de l’aversion au risque, en particulier du fait des tensions au Proche-Orient. L’aversion au risque a également pénalisé le marché des changes mais dans une moindre mesure, toutefois. Le mois de novembre n’est guère plus positif. Le risque géopolitique est désormais en arrière-plan. C’est maintenant la macroéconomie qui effraie. Depuis le début d’année, les opérateurs de marché espèrent percevoir des signes de reprise solide en Chine. Ils sont sans cesse déçus. Ce fut encore le cas la semaine dernière. Les statistiques portant sur la balance commerciale en Chine sont très mauvaises. La chute des exportations s’est accélérée en octobre, avec une dégringolade de 6,4% sur un an. Les importations de pétrole brut ont suivi une tendance similaire, ce qui explique la baisse du prix du pétrole la semaine dernière et la mauvaise tenue du dollar canadien. On peut tirer deux conclusions principales : (1) la relance chinoise tarde à se matérialiser dans les chiffres et il y a de plus en plus de doutes sur la capacité du pays à tenir son objectif de croissance de 5% sans avoir recours massivement à la dette ; (2) les exportations chinoises sont d’habitude un bon indicateur de la santé économique mondiale et, le moins qu’on puisse dire, c’est que ça n’augure rien de bon. Le ralentissement mondial tant redouté est en train de se produire. D’ailleurs, depuis le mois de juin dernier, les entreprises sont toutes plus prudentes dans leurs perspectives de croissance et alertent sur le retour à un monde de croissance faible. Finalement, le boom économique attendu par beaucoup dans la foulée de la Covid aura été de courte durée. Nous retrouvons rapidement des niveaux de croissance (et également de croissance potentielle) en ligne avec les niveaux d’avant-2020.

Sans surprise, lorsque l’économie montre des signes d’essoufflement, les cambistes s’empressent d’anticiper un assouplissement monétaire de la part des banques centrales. C’est le réflexe classique. Le marché monétaire prévoit que les premières baisses de taux par la Réserve Fédérale américaine, la Banque Centrale Européenne (BCE) et la Banque du Canada devraient intervenir en juin prochain. Ce sera un peu plus tard pour la Banque d’Angleterre (BoE) et pour la Banque du Canada, vraisemblablement en septembre prochain. Comme nous l’avons expliqué par le passé, ces anticipations de marché sont fluctuantes, en fonction des statistiques économiques et des discours des banquiers centraux. Elles exercent toutefois une influence sur l’évolution des taux de change à court terme. Par exemple, si le marché monétaire anticipe que la BCE baisse ses taux avant la BoE, cela peut donner un avantage à la livre sterling. Ce n’est évidemment pas le seul facteur qui compte. Maintenant que les principales banques centrales sont en mode pause (à l’exception de la Banque de Réserve d’Australie qui a adopté une stratégie originale de stop and go), il faudra suivre de près ces anticipations pour savoir quand le marché prévoit un revirement de politique monétaire. Cela conduira à un regain de volatilité sur le marché des changes et, avec certitude, à un ajustement des positions des cambistes sur les principales paires de devises. De notre point de vue, le calendrier du marché monétaire concernant les baisses de taux est certainement erroné. Nous voyons une baisse des taux en zone euro et aux États-Unis se matérialiser plutôt en deuxième partie d’année 2024, lorsque la croissance sera beaucoup plus lente.

Heureusement, tout n’est pas négatif au niveau macroéconomique. La crise de l’énergie en Europe, qui était crainte, ne va pas se produire. C’est désormais une certitude. En milieu de semaine dernière, l’Union Européenne (UE) a confirmé que ses stocks de gaz sont à un niveau maximum, à 99,6%. Peu importe l’évolution des conditions climatiques et des tensions géopolitiques avec la Russie (qui continue de fournir du gaz à l’UE dans des quantités infimes), l’Europe ne sera pas touchée par une crise énergétique similaire à celle de l’année 2022-23. C’est important étant donné que plusieurs économies de la zone euro sont à la traîne, en particulier l’économie allemande qui souffre du ralentissement du commerce international et de sa forte exposition au secteur manufacturier. L’absence de crise de l’énergie permet d’espérer un rebond économique pour la zone euro à partir du premier trimestre de l’année prochaine.

Le point technique

Sur le marché des changes, le dollar américain est en petite forme depuis environ un mois. C’est paradoxal au regard de la résurgence du risque géopolitique qui, logiquement, devrait avantager le billet vert. En réalité, la baisse du dollar s’explique par un positionnement extrême des cambistes à l’achat. Nous assistons depuis quelques semaines à un débouclage des positions et à des prises de profit. Notre conviction reste intacte concernant le dollar à moyen terme : la hausse devrait perdurer une fois cet épisode terminé. Le maintien d’un niveau élevé d’incertitude concernant la trajectoire macroéconomique et le différentiel de croissance qui est de manière évidente en faveur des Etats-Unis devraient contribuer à une hausse du dollar dans les mois à venir. Nous estimons que la juste valeur pour l’EUR/USD se situe autour de 1,05. Cela signifie que la baisse n’est certainement pas terminée.

En outre, nous avons de plus en plus de doutes sur la capacité des autorités nippones à soutenir le yen japonais. La baisse de la devise est marquée alors que le Japon vend des bons du Trésor américain pour soutenir sa monnaie. C’est un échec jusqu’à présent. Nous doutons que l’archipel opte pour une solution plus radicale (intervention massive et coordonnée avec les États-Unis afin d’acheter du yen). Seul un changement de politique monétaire par la Banque du Japon pourrait changer la donne. Cela pourrait se matérialiser dès le mois de décembre. Néanmoins, rien n’est certain. Pour le moment, on ne peut qu’être acheteur sur la paire EUR/JPY. C’est un choix de raison.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,04991,05321,07991,0834
EUR/GBP 0,85220,86100,88020,8899
EUR/CHF 0,94990,95020,97340,9899
EUR/CAD 1,44991,45441,48991,4933
EUR/JPY 156,99158,48161,93162,11

Les annonces à suivre

Cette semaine sera une nouvelle fois calme sur le front des statistiques avec essentiellement des données portant sur l’inflation au Royaume-Uni et aux États-Unis. Comme dans les deux cas la politique monétaire est en mode pause, nous doutons que les chiffres qui vont être publiés exercent une grande influence sur la trajectoire du dollar américain et de la livre sterling. Il est probable que les tendances de long terme demeurent. Comme toujours le risque géopolitique est en arrière-plan. C’est un point de vigilance à avoir à l’esprit dans les semaines à venir.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 14/11/202314:30USAIndice des prix à la consommation (Octobre)Précédent à 3,7% en variation annuelle.
Le 15/11/202308:00UKIndice des prix à la consommation (Octobre)Précédent à 6,7% en variation annuelle.
Le 15/11/202314:30USAIndice des prix à la production (Octobre)Précédent à 0,5% en variation mensuelle.
Le 16/11/202314:30USAIndice manufacturier de la Fed de Philadelphie (Novembre)Précédent à -9,0.

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