En mode guerre

Incroyable rebond de l’euro la semaine passée. Pourquoi ? De très bonnes nouvelles sur les fronts économiques et politiques en zone euro. Attention, après une telle performance, il faut s’attendre à des prises de bénéfices. En outre, gardez un œil sur la volatilité qui reste toujours anormalement élevée sur les devises.

Le momentum est clairement du côté européen. Les bonnes nouvelles s’accumulent. L’inflation continue de ralentir à 2,4% sur un an en zone euro tandis que le secteur manufacturier français se redresse fortement. La perspective d’une hausse des dépenses militaires en Europe génère aussi beaucoup d’optimisme. Seul petit bémol : les taux de rendement sur le marché obligataire se tendent. Il y a une semaine, le taux à 10 ans de l’Allemagne – qui fait référence sur le marché – a dépassé 2,5% pour la première depuis février 2021. Pour l’instant, ces tensions sur l’obligataire n’ont aucun impact ni sur les actions européennes qui sont toujours très demandées ni sur l’euro qui est plutôt résilient.

Prudence toutefois concernant les espoirs suscités par « l’économie de guerre ». C’est l’expression à la mode du moment. Il y a eu des efforts. Depuis 2022, l’UE a accru de 100 milliards d’euros ses dépenses militaires. De nouvelles dépenses sont prévues dans les mois à venir. Mais nous sommes loin du compte. Seuls cinq pays de l’UE consacrent plus de 2% de leur PIB à la défense, comme l’exige en principe l’OTAN à ses pays membres, tandis que les États-Unis ont un budget militaire de 3,4% du PIB.

Pire, l’UE n’a pas aujourd’hui les capacités de production pour développer rapidement une industrie de défense. La guerre en Ukraine a montré que nous sommes incapables de détecter les insuffisances de matériel et d’ordonner aux sociétés privées de répondre aux commandes publiques – un problème qui a été résolu par les Américains dès 1950 avec Le Defense Production Act.

La leçon du jour : restons prudents avec les effets d’annonce.

Du côté américain, le pessimisme l’emporte. Les dernières statistiques sont un peu décevantes. L’indicateur GDPNOW de la Réserve Fédérale d’Atlanta, qui donne une idée de l’évolution du PIB en temps réel, s’est effondré la semaine dernière. Il y a un mois, il était à 3,9% puis il a chuté à 2,3% il y a une semaine et est désormais à -1,5%…en contraction. Attention toutefois à ne pas surinterpréter cet indicateur qui a été beaucoup commenté sur les marchés financiers. Il est très volatil et fluctue en fonction des dernières statistiques. En outre, la contraction constatée reflète surtout une dégradation forte de la balance commerciale. Les importations ont considérablement bondi en janvier, les entreprises américaines faisant logiquement des stocks en prévision de la guerre commerciale. Historiquement, une hausse des importations n’a jamais entraîné une contraction du PIB et encore moins une récession.

On ne peut pas exclure que l’économie américaine va ralentir. Sa croissance sur 2025 sera probablement un peu inférieure au consensus à 2,3%. Nous estimons qu’elle pourrait être autour de 2%. Mais, objectivement, c’est toujours mieux qu’en zone euro où la croissance devrait être à 1,1% selon le consensus des analystes de Bloomberg.

Le marché est très fébrile et a tendance à tout surinterpréter. Regardons plutôt les chiffres avant de tirer des conclusions hâtives sur la dynamique économique en cours.

Un mot sur la Chine. Les Deux Sessions – qui ont réuni les plus hauts dignitaires chinois – ont défini les objectifs pour l’année à venir. La politique industrielle y occupe une place majeure et fait partie de ce que Pékin appelle « les nouvelles forces productives de qualité ». L’ambition affichée est de développer davantage l’intelligence artificielle, notamment en favorisant des coopérations avec les BRICS. La Mongolie intérieure ou encore Shanghai et Shenzhen ont été présentés comme des hubs majeurs d’innovation, à la fois pour construire des centres de données et des chaînes de valeur dans l’IA pleinement efficaces. À surveiller.

Le point technique

Sur le marché des devises, le fait marquant est, évidemment, le rebond impressionnant de l’euro face à quasiment toutes ses contreparties. Les bonnes nouvelles européennes que nous avons évoquées en introduction expliquent en partie la performance de la monnaie unique. Des facteurs plus techniques sont également à prendre en compte, notamment l’inversion de la corrélation entre les rendements des Bunds allemands et des bons du Trésor américain. Ils ont tendance à évoluer de manière relativement parallèle, et toute divergence se répercute en général sur le marché des changes. Cette fois, nous avons assisté à une énorme hausse des rendements des Bunds, tandis que les bons du Trésor sont restés stables. C’est rare. Mais cela a aussi aidé à la hausse de l’euro. Après une telle augmentation en l’espace de quelques séances, il faut évidemment s’attendre à des prises de bénéfices sur les paires en EUR. Prudence en ce début de semaine.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,006781,07001,09881,1011
EUR/GBP 0,81880,82900,83880,8412
EUR/CHF 0,93900,94220,96020,9650
EUR/CAD 1,52091,53531,55551,5590
EUR/JPY 157,99158,10162,02163,30

Les annonces à suivre

La volatilité devrait continuer d’être élevée, essentiellement à cause des annonces tonitruantes de l’administration Trump. Du côté des statistiques, l’inflation américaine pour le mois de février sera le chiffre le plus important à surveiller cette semaine. Elle est ressortie à 3% sur un an en janvier. Le marché a besoin d’une bonne nouvelle alors que les tensions inflationnistes perdurent. Par exemple, selon Bloomberg, le prix du petit-déjeuner d’un Américain (œufs, bacon, fromage et café) a augmenté de 3% sur un an. Du côté des banques centrales, la Banque du Canada devrait de nouveau abaisser son taux directeur de 25 points de base. Les futures baisses de taux seront dépendantes de la politique commerciale américaine. La banque centrale pourrait s’abstenir de baisser le loyer de l’argent dans les mois à venir si les taxes douanières américaines se traduisent par un regain de l’inflation. Tout cela pourrait en outre accroître la volatilité sur les paires en CAD.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 12/03/202513:30USAPrix à la consommation (Février)Précédent à 3% sur un an.
Le 12/03/202514:45CANRéunion de la banque centraleBaisse du taux directeur de 25 points de base.
Le 13/03/202513:30USAPrix à la production (Février)Précédent à 0,4% sur un mois.

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