Faible visibilité américaine

Comme prévu, la banque centrale américaine a abaissé son taux directeur de 25 points de base la semaine dernière. C’était acquis. En revanche, la baisse de décembre est loin d’être automatique. Nous pensons que l’inflation américaine va demeurer structurellement plus élevée qu’avant la Covid, ce qui va compliquer la tâche de J. Powell.

Comme prévu, la Réserve Fédérale américaine (Fed) a abaissé son taux directeur de 25 points de base. Mais l’évolution de la politique monétaire à court terme est incertaine. D’où la prudence de la banque centrale. Trois facteurs doivent être pris en compte, faisant qu’une nouvelle baisse des taux en décembre n’est pas automatique.
1. La dernière série de réductions de taux est intervenue alors que les créations d’emplois ralentissaient durant l’été. Ce fléchissement est surtout lié à des contraintes d’offre sur le marché du travail, accentuées par des politiques migratoires plus strictes que la Fed ne peut pas compenser en stimulant la demande. Les données ne montrent donc pas un véritable ralentissement cyclique de l’emploi, mais plutôt un manque d’offre de main-d’œuvre. Cela devrait être confirmé lorsque les statistiques publiques portant sur le marché du travail seront de nouveau communiquées.
2. La Fed estime que les droits de douane ont temporairement provoqué une hausse des prix à la consommation, mais que l’inflation devrait retomber sous la barre des 3% l’an prochain, une fois ces effets dissipés. Cependant, cette hypothèse reste fragile. Les États-Unis ne semblent pas revenir vers la période de faible inflation observée dans les années 2000 et 2010. Par ailleurs, l’inflation des services reste environ un point plus élevé que dans les décennies précédentes, même sans compter l’effet des tarifs. Le scénario d’une inflation persistante se dessine, selon nous.
3. L’argument principal de la Fed pour justifier les baisses de taux repose sur l’idée que la politique monétaire actuelle est restrictive. Or, les indicateurs financiers ne montrent pas de tension majeure : les actions américaines sont en hausse de 3% depuis la dernière réunion de la Fed, les écarts de crédit à haut rendement sont historiquement faibles et les conditions monétaires mesurées par la Fed de Chicago se situent à des niveaux comparables à ceux de 2022 – période de forte liquidité.
Conséquence de tout cela, nul besoin de se précipiter pour baisser massivement les taux. La Fed reste data-dependent et a tout intérêt à jouer la carte de la prudence. D’une certaine manière, la banque centrale américaine est un peu comme un conducteur qui roule sur une route enneigée : la visibilité est réduite et le sol glissant. Dans ces conditions, il vaut mieux relâcher légèrement l’accélérateur plutôt que de freiner brusquement. Bref, ne pas se précipiter ! C’est en revanche une mauvaise nouvelle pour le dollar américain. Le manque de visibilité de la politique monétaire américaine à court terme devrait empêcher un rebond durable. Trop d’incertitudes.

Le point technique

Sur le marché des changes, c’est plutôt calme en ce moment, avec une volatilité qui est réduite. Comme prévu, après des prises de bénéfices, l’euro a repris la main, en particulier face à la livre sterling et au yen japonais. Concernant la monnaie nippone, beaucoup d’analystes s’attendent à une hausse des taux par la Banque du Japon (BoJ). Nous doutons que cela se produise cette année – ce qui pourrait en théorie aider le yen à rebondir. Nous pensons au contraire que la paire EUR/JPY a de fortes chances d’atteindre le seuil de 180 d’ici la fin de l’année.

Du côté des devises d’Europe centrale et orientale, c’est également une période d’hibernation. Les spéculateurs et intermédiaires financiers sont globalement positionnés à l’achat, en particulier sur le CZK, le PLN et le HUF. Pour rappel, ces monnaies sont toujours très sensibles à l’évolution de l’aversion au risque. Pour l’instant, tout va bien. Mais si on assiste à des tensions au niveau du marché obligataire ou des actions, il n’est pas improbable qu’elles chutent un peu. Point important, elles sont soutenues à long terme par des taux directeurs qui ne devraient plus bouger. La phase d’assouplissement monétaire dans la région est terminée. Il faut reconnaître qu’elle avait commencé – particulièrement en Hongrie – bien plus tôt que dans la zone euro.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,14301,15151,17361,1780
EUR/GBP 0,86340,86900,89000,8934
EUR/CHF 0,91540,92010,93110,9401
EUR/CAD 1,61301,61831,63111,6388
EUR/JPY 173,88174,99180,00181,12

Les annonces à suivre

Du fait du shutdown qui continue, la visibilité économique américaine est faible. L’enquête ADP sur l’emploi pour octobre, qui est habituellement un indicateur mineur et peu fiable, va attirer toute l’attention des cambistes. Il faudra toutefois être très prudent sur l’interprétation des chiffres. Du côté britannique, la Banque d’Angleterre se réunit ce jeudi. Le marché des changes est partagé sur l’éventualité d’une baisse des taux. Nous sommes dans le camp de ceux qui optent pour le statu quo en raison de pressions inflationnistes qui demeurent et d’incertitudes sur le budget britannique. Nous pourrions avoir un peu plus de volatilité que d’habitude sur la livre sterling cette semaine.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 04/11/202504:30AustralieRéunion de la banque centraleSelon les données publiées la semaine dernière, l’inflation a connu sa plus forte hausse en deux ans. Pas de baisse des taux, selon nous.
Le 05/11/202514:15USAEnquête ADP (Octobre)Précédent à -32k.
Le 06/11/202513:00Royaume-UniRéunion de la banque centraleTaux directeur maintenu à 4%.

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