Joyeux bordel sur les devises

Un petit air de guerre des devises souffle en Asie alors que le marché des changes attend avec fébrilité la mise en place de nouveaux tarifs douaniers par l’administration Trump. C’est un cocktail parfait pour avoir une hausse durable de la volatilité. Dans ce contexte défavorable, l’euro résiste. Mais c’est essentiellement lié aux flux de capitaux entrants sur le marché des actions européennes qui structurellement soutiennent la devise. Attention, ça risque de ne pas durer !

Semaine mouvementée sur les devises émergentes. La lire turque continue d’être chahutée malgré les interventions de la banque centrale alors que les investisseurs s’inquiètent de l’état de droit dans le pays. Mais c’est surtout du côté de l’Asie que les remous sont les plus importants. En début d’année, nous mettions en garde contre un semblant de guerre des devises en Asie. C’est en train de se produire. La force du dollar américain pose un problème à de nombreux pays de la région. Ce fut au tour de l’Indonésie la semaine dernière. Lors de la séance du 25 mars, la roupie indonésienne s’est effondrée à 16 642 contre le dollar – son plus bas niveau depuis la crise asiatique de 1998. Depuis le début de l’année, la devise a perdu près de 3% de sa valeur – l’une des pires performances au niveau des pays émergents. La banque centrale a été contrainte d’intervenir en urgence sur trois marchés : le forex spot, les contrats à terme non livrables domestiques et les obligations pour stabiliser la devise. Cela montre à quel point la crise est grave. Il est certain que d’autres interventions vont être nécessaires dans les jours et les semaines à venir. Les Philippines, l’Inde sont parmi les autres grands pays de la région qui font face à des difficultés similaires.

Une baisse du dollar, qui est d’ailleurs souhaitée par la Maison Blanche, ne serait pas une mauvaise nouvelle pour ces pays. Le Dollar Index a bien reflué depuis quelques mois, en raison de la guerre commerciale. Mais ce reflux s’est surtout produit face aux devises majeures. À l’inverse, le billet vert joue toujours son rôle de valeur refuge en période d’incertitudes face aux devises émergentes. Nous voyons mal ce qui pourrait inverser cette tendance.

Au niveau des statistiques, la semaine dernière était plutôt calme. Le marché monétaire estime à 90% la probabilité d’un maintien des taux inchangés par la Réserve Fédérale américaine (Fed) en mai. C’est également notre point de vue. Il est peu probable que la Fed agisse tant qu’elle n’a pas une meilleure visibilité sur l’impact économique des taxes douanières. On sait que c’est négatif pour la croissance et inflationniste. Mais une fois dit cela, c’est très difficile de quantifier étant donné que les consommateurs et surtout les entreprises s’adaptent face aux taxes douanières. Ce fut le cas avec la Chine. Les entreprises ont mis en place des mesures de contournement pour éviter les taxes américaines à l’égard de la Chine qui avaient été introduites lors du premier mandat de Donald Trump. Prudence donc sur la trajectoire de la croissance. L’enjeu à ce stade est surtout de savoir de quelle ampleur sera le ralentissement économique – une récession est hors de question.

Le point technique

Sur le marché des changes, l’euro reste structurellement soutenu par les flux de capitaux entrant sur les actions européennes. Le différentiel de performance entre ces dernières et les actions américaines est à un niveau record au premier trimestre. Attention, il y aura tôt ou tard un retour sur les actions américaines qui sont désormais devenues abordables, ce qui sera fera au détriment de l’euro. Cela peut survenir dès le trimestre prochain. Il faut donc être prudent concernant la résilience de l’euro. Elle n’est probablement pas durable. Nous confirmons notre objectif pour l’EUR/USD à 1,0650-1,07.

Du côté de la livre sterling, la tendance est toujours haussière face à l’euro. La monnaie britannique continue d’être portée par de bonnes perspectives économiques au Royaume-Uni. Les derniers chiffres de l’inflation et des hausses de salaire ouvrent la porte à une baisse des taux par la Banque d’Angleterre en mai – c’est déjà intégré dans les prix du marché.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06501,07001,08341,0899
EUR/GBP 0,82200,82810,84100,8500
EUR/CHF 0,93990,94220,96000,9619
EUR/CAD 1,52341,52901,54551,5533
EUR/JPY 157,99158,99162,24163,00

Les annonces à suivre

Le marché va évidemment surveiller les chiffres de l’emploi américain pour le mois de mars. Ils devraient cependant peu influer sur la politique monétaire américaine et sur le dollar dans l’immédiat.

Le vrai point d’attention de la semaine sera le « Jour de la Libération ». C’est demain. Le président Donald Trump a annoncé l’introduction de nouveaux tarifs douaniers réciproques. Finalement, ils ne concernent pas tous les pays. Ils vont viser spécifiquement les 15% de pays considérés comme les plus problématiques dans les échanges commerciaux. En d’autres termes, l’Union Européenne, le Mexique, le Japon, la Corée du Sud, le Canada, l’Inde et la Chine. Il s’agit d’une approche plus ciblée mais qui va continuer d’accroître la volatilité sur les marchés financiers. Il faut évidemment s’attendre à l’introduction de mesures de rétorsion. L’Union Européenne a déjà annoncé que des mesures seront mises en place vers la mi-avril, sans que le détail ne soit dévoilé. La Chine et le Canada, qui sont dans un bras de fer entamé depuis fin janvier, devraient faire de même rapidement. Nous considérons que les pays asiatiques vont avoir une approche plus mesurée, cherchant surtout à négocier rapidement avec Washington. Prenons l’Inde. Le pays qui fait face à l’effondrement de sa devise ne peut pas se permettre une guerre commerciale. Quant au Japon, il est très dépendant militairement des Américains donc l’archipel à tout intérêt adopter une approche collaborative. Ce qui est certain, c’est que la volatilité va demeurer à des niveaux anormalement élevés, ce qui complique la tâche des entreprises confrontées à un risque de change de plus en plus complexe à analyser.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 01/04/202510:00EURInflation (Mars)Précédent à 2,3% sur un an.
Le 03/04/202515:00USAIndice ISM non manufacturier (Mars)Précédent à 53,5.
Le 04/04/202513:30USARapport sur l’emploi et le chômage (Mars)Précédent à 151k.

Les informations présentées sur cette publication, vous sont communiquées à titre purement informatif et ne constituent ni un conseil d’investissement, ni une offre de vente, ni une sollicitation d’achat, et ne doivent en aucun cas servir de base ou être pris en compte comme une incitation à s’engager dans un quelconque investissement.