Pause sur les taux

La Réserve Fédérale américaine devrait opter pour le statu quo monétaire cette semaine, à l’instar de la Banque Centrale Européenne. Il est probable que le processus de hausse du loyer de l’argent soit terminé dans les grandes économies développées. Cela signifie que le différentiel de taux, qui a tant influencé les devises ces derniers mois, devrait désormais jouer un rôle mineur. Place à la macroéconomie !

La Banque du Canada (BoC) a maintenu son taux directeur principal inchangé à 5%. Ce fut aussi le cas de la Banque Centrale Européenne (BCE) jeudi dernier. Dans le cas canadien, la crainte d’un effondrement des prix de l’immobilier a incité la banque centrale à la prudence. En zone euro, le risque élevé de récession technique (deux trimestres consécutifs de contraction du PIB) et la pentification des taux (processus de hausse des taux d’intérêt sur le marché obligataire) ont certainement contribué à la pause de politique monétaire. Les deux banques centrales n’excluent pas catégoriquement de nouvelles hausses des taux, en fonction de la conjoncture. Mais au regard des derniers indicateurs, c’est peu probable à court terme. C’est certainement une bonne nouvelle quand on voit la flambée des taux longs sur le marché obligataire européen. Quatre des principales économies de la zone euro font face à une situation budgétaire complexe. L’Allemagne est évidemment un cas à part avec une marge de manœuvre budgétaire conséquente. L’Italie est, sans surprise, le point d’attention principal des marchés financiers. C’est toujours le maillon faible. Le pays a un stock élevé de dette à refinancer à court terme, dans des conditions de marché défavorables. En outre, il enregistre un déficit budgétaire beaucoup plus important que prévu. Toutefois, nous doutons que cela entraîne une crise de la dette similaire à celle de 2012. La configuration du marché est différente. Les banques centrales sont là, même si elles se retirent progressivement via le processus de quantitative tightening (vente d’actifs obligataires pour alléger leur bilan). Surtout, elles disposent toujours des outils nécessaires pour endiguer tout risque de panique financière durable – comme le programme OMT (Outright Monetary Transmission) de la BCE de rachats d’actifs souverains de manière illimitée. Le problème, c’est plutôt que la charge de la dette ne cesse d’augmenter, ce qui va entraîner des arbitrages budgétaires difficiles (rembourser la dette plutôt qu’investir). A long terme, une dette élevée dans un tel contexte de marché est souvent synonyme de croissance faible. C’est le principal risque à l’avenir, surtout pour la zone euro.

Le risque géopolitique est toujours en toile de fond. Mais son impact sur le marché des changes est réduit. Il faut faire la distinction entre ce dont on parle beaucoup et ce qui a de réelles conséquences sur les marchés. Typiquement, les derniers événements au Proche-Orient n’ont pas entraîné de déflagrations sur les marchés financiers, ou alors de manière très éphémère sur le baril de pétrole. Le cours du baril avait temporairement rebondi lorsque l’Iran avait menacé de mettre en place un blocus pétrolier contre Israël (peu probable dans les faits). Le prix du WTI est désormais autour de 84 dollars. C’est un niveau inférieur de près de 10 dollars au prix de fin septembre – avant les attaques terroristes du Hamas. Cela montre bien que le risque géopolitique n’est pas un facteur déterminant de moyen terme sur les marchés. Cela étant dit, il est probable que nous entrions dans une période marquée par une plus grande volatilité, non pas tant à cause du risque géopolitique qu’à cause de l’incertitude économique. On le voit déjà sur les marchés actions où les investisseurs réagissent négativement aux résultats trimestriels des entreprises qui confirment le scénario de baisse prononcée de la croissance. Il n’est pas exclu que la volatilité sur les actions se diffuse à d’autres marchés, en particulier le Forex.

Le point technique

Sur le marché des changes, les grandes tendances sont inchangées par rapport aux semaines précédentes. Le risque géopolitique a soutenu à la marge le franc suisse. Mais ce n’est pas le facteur principal. La force du franc suisse est plutôt liée au fait qu’il sert de devise de couverture pour se protéger contre le risque de récession en zone euro. La tendance de fond est toujours haussière pour l’EUR/JPY tant que la Banque du Japon (BoJ) ne change pas de politique monétaire. Cela ne devrait pas survenir en novembre puisque la BoJ ne se réunit pas. Une sortie très lente des taux négatifs pourrait intervenir en décembre d’après le consensus de marché. C’est à ce moment-là que le yen japonais pourrait reprendre de la vigueur. Enfin, l’EUR/USD est toujours dans un mouvement de baisse. Il y a beaucoup trop de facteurs négatifs qui pèsent sur l’EUR/USD (en particulier la macroéconomie européenne). Aucune perspective de rebond n’est possible à court terme tant que la paire reste sous la zone de résistance située à 1,0750, selon nous.
Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,03121,04511,07501,0799
EUR/GBP 0,85000,85450,87240,8799
EUR/CHF 0,93210,93770,96220,9699
EUR/CAD 1,43231,44011,46771,4701
EUR/JPY 155,01156,99160,00161,44

Les annonces à suivre

Les banques centrales seront de nouveau à l’honneur cette semaine. Nous nous attendons à un statu quo monétaire à la fois du côté de la Banque d’Angleterre (BoE) et de la Réserve Fédérale américaine (FED). Dans le cas des États-Unis, la banque d’investissement Goldman Sachs a publié une étude intéressante la semaine dernière montrant que les conditions financières se sont durcies de 80 points de base depuis la réunion du FOMC de septembre. C’est un signal positif important puisque la Fed regarde de près l’évolution des conditions financières pour ajuster sa politique de taux. Elle souhaite qu’elles se durcissent afin d’accélérer le processus de désinflation. On dirait bien que c’est en partie gagné. Dans ces circonstances, on voit mal la Fed augmenter de nouveau ses taux, peut-être trop, au risque de faire plonger l’économie américaine en récession. La BoE est confrontée à une situation un peu différente. L’économie britannique est en moins bonne santé que celle des États-Unis, comme l’a prouvé le fort recul des derniers indicateurs PMIs (plus forte chute de l’activité dans les services depuis le mois de janvier). Le processus de désinflation est également loin d’être terminé. Mais la BoE a tout intérêt à attendre un peu avant d’effectuer une potentielle nouvelle hausse des taux. En politique monétaire, se précipiter conduit généralement à commettre des erreurs (exemple : Jean Claude Trichet qui augmente les taux en pleine crise financière mondiale du fait d’une hausse temporaire du pétrole). Avec des banques centrales qui sont en position attentiste ou qui ont atteint le taux terminal, tout porte à croire que le différentiel de taux devrait jouer un rôle mineur dans l’évolution des taux de change à l’avenir…du moins, jusqu’à ce qu’on évoque la possibilité de baisse des taux.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 31/10/202303:30CHIPMI manufacturier (Octobre)Précédent à 50,2.
Le 31/10/202312:00EUIndice des prix à la consommation (Octobre)Précédent à 4,3% sur un an.
Le 01/11/202314:15USAEnquête ADP (Octobre)Précédent à 89k.
Le 01/11/202314:30USARéunion de la banque centraleMaintien du taux directeur principal à 5,50%.
Le 02/11/202314:00UKRéunion de la banque centraleAucun changement attendu au niveau des taux directeurs.
Le 03/11/202314:30USARapport sur l’emploi du Département du Travail (Octobre)Précédent à 336k et taux de chômage à 3,8%.
Le 03/11/202316:00USAISM non manufacturier (Octobre)Précédent à 53,6.

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