Une Fed divisée

Tout le monde se focalise sur l’EUR/USD. À tort. C’est du côté du franc suisse que nous pourrions avoir des mouvements importants dans les mois à venir, alors que la Banque Nationale Suisse risque de laisser filer la monnaie helvétique face à l’euro.

Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Et c’est d’autant plus normal en raison de l’absence de données économiques du fait du shutdown qui s’est éternisé et qui est, heureusement, terminé. Les membres du FOMC (l’organe chargé de décider du niveau des taux directeurs américains) sont partagés sur la décision à prendre en décembre. Stephen Miran, proche de l’administration Trump, continue de plaider en faveur d’une baisse des taux de 50 points de base – comme il l’a fait depuis septembre. Il considère que le marché du travail montre des signes d’essoufflement – ce qui est confirmé par l’enquête ADP. Celle-ci a montré que l’économie américaine a perdu 11,250 emplois sur la semaine allant au 25 octobre. C’est nettement plus qu’en temps normal. Il faudra toutefois voir si cela concerne tous les secteurs d’activité ou uniquement certains, plus impactés par l’IA. Il y a toutefois peu de chances pour que le FOMC vote en faveur d’une baisse des taux aussi importante. Miran fait partie de la minorité.

La représentante de la Fed de San Francisco, Mary Daly, est moins jusqu’au-boutiste que Miran mais plaide aussi en faveur d’une baisse des taux (-25 points de base). Elle a indiqué dans une interview accordée la semaine dernière que l’économie américaine fait face à un choc de demande négatif et que l’inflation reste pour l’instant bien ancrée. Elle représente la vue majoritaire au sein du FOMC.

À l’autre bout de la table, on retrouve Alberto Musalem, président de la Fed de Saint Louis, qui plaide pour le statu quo, estimant que l’économie américaine va fortement rebondir l’an prochain.

Point intéressant, personne au sein du FOMC anticipe que l’inflation va rebondir ou qu’elle est trop élevée. C’est un changement de discours intéressant par rapport au printemps.

Notre avis : nous pensons comme Musalem que l’économie américaine va rebondir en 2026, notamment sous l’effet de l’impact économique des baisses de taux et des gains obtenus par les ménages américains en bourse qui vont stimuler la consommation. Ajoutons aussi que l’administration Trump étudie la possibilité d’envoyer des chèques aux ménages – comme pendant la Covid – afin de soutenir l’activité économique. Tout ceci devrait permettre de soutenir la croissance. Même si le panorama économique est dans l’ensemble positif, une nouvelle baisse des taux en décembre nous paraît opportune (même inévitable), étant donné que la banque centrale américaine n’est pas encore arrivée au taux neutre. C’est également l’avis du marché monétaire. En dépit des discours parfois contradictoires des membres du FOMC, les attentes de baisse de taux sont stables, autour de 70%.

En Europe, la conjoncture est un peu moins bonne. Au Royaume-Uni, le taux de chômage a augmenté au-dessus de 5%. Ce n’est pas alarmant. Mais c’est un signal négatif. En Allemagne, la confiance des agents économiques, mesurée par le ZEW, a chuté en novembre. En cause, des inquiétudes à propos de la politique économique allemande et de la lenteur de mise en œuvre du plan de relance de 1,000 milliards d’euros annoncé en début d’année. Sauf surprise, l’Allemagne devrait encore être en stagnation économique cette année. Ce n’est que l’année prochaine que la croissance pourrait redémarrer…tout en demeurant faible.

Enfin, la Chine évoque de nouvelles pistes pour relancer la consommation. Outre les habituels chèques aux ménages qui n’ont qu’un effet faible sur la croissance, le politburo (l’organe décisionnel chinois) étudie la possibilité de mettre en place des filets de sécurité sociaux plus protecteurs à destination des chômeurs et des retraités. Attention, l’idée n’est en rien d’adopter le modèle européen qui est souvent considéré comme oisif par les Chinois. En revanche, une petite amélioration pourrait restaurer la confiance et, par ricochet, la consommation.

Le point technique

Sur le marché des changes, nous ne pensons pas que c’est sur l’EUR/USD qu’il va y avoir le plus de mouvements dans les semaines et mois à venir. Nous réitérons notre objectif à 1,18 pour la fin d’année. En revanche, il y a un risque élevé de regain de volatilité sur l’EUR/CHF. La Banque Nationale Suisse (BNS) a des raisons d’arrêter de défendre le taux plancher informel de 0,92 franc contre l’euro sur lequel le franc avait déjà rebondi à l’été 2024 puis à l’été 2025. Les conditions macroéconomiques restent favorables en Suisse et ne nécessitent plus de manipuler la devise. En outre, intervenir massivement sur le marché des changes est mal vu par les États-Unis dans un contexte de tensions commerciales qui peuvent, à tout moment, s’intensifier. Comme toujours avec la BNS, laisser filer le franc va se faire progressivement. Mais cela risque d’être significatif, surtout si vous êtes exposés en tant qu’entreprise à la devise. Il est donc impératif de revoir votre stratégie de couverture pour se prémunir contre ce risque – encore négligé par le marché.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,13901,14451,17201,1788
EUR/GBP 0,86500,86900,89000,8913
EUR/CHF 0,91590,91900,93340,9400
EUR/CAD 1,61001,61121,63001,6345
EUR/JPY 173,90175,99180,00181,90

Les annonces à suivre

Avec la fin du shutdown américain, les statistiques vont être de nouveau publiées – souvent avec beaucoup de retard, donc l’impact sur le marché pourrait être faible. Bien que ce ne soient pas habituellement des chiffres importants, les indicateurs PMI qui seront communiqués vendredi vont permettre d’avoir un premier aperçu de l’état de l’économie américaine en novembre. Lors de leur dernière publication, ils étaient en phase d’expansion – confirmant que les services et le secteur manufacturier se portent bien. Il est peu probable qu’on assiste à une dégradation en l’espace d’un mois.

Enfin, l’inflation en zone euro sera publiée cette semaine. Sauf surprise, elle devrait continuer d’évoluer autour de 2%. Nous ne pensons pas qu’une nouvelle baisse des taux par la Banque Centrale Européenne (BCE) soit envisageable dans l’immédiat. Cela ne changerait rien à la situation macroéconomique.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 19/11/202511:00Zone euroInflation en octobrePrécédent à 2,1% sur un mois.
Le 21/11/202515:45USAPMI manufacturier et des services en novembre (1ère estimation)Attendu toujours en zone d’expansion (> à 50).

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