C’est fait. La Réserve Fédérale américaine est en mode pause jusqu’à nouvel ordre. Ce n’est pas officiellement la fin du processus de hausse des taux. Mais ça en a tout l’air. Désormais, ce n’est plus tant le différentiel de taux qui risque d’influencer la trajectoire des devises que le différentiel de croissance. Il est clairement à l’avantage du dollar américain. Attention à la géopolitique qui est en arrière-plan. Cela peut rapidement changer !
Au regard de la fébrilité des places financières en ce moment, ce n’est pas le bon moment pour prendre les investisseurs par surprise. La Réserve Fédérale américaine (Fed) l’a bien compris. Comme prévu, elle a maintenu son taux directeur inchangé à un point haut de vingt-deux ans. Le taux principal reste compris dans la borne entre 5,25 et 5,5%. Ce n’est toutefois pas la fin du processus de durcissement monétaire. La banque centrale se réserve le droit d’intervenir de nouveau en fonction de l’évolution des conditions financières. Elle dispose de deux outils principaux pour les durcir : les taux directeurs (ce qui ouvre la porte à une nouvelle hausse des taux en décembre ou en janvier, si nécessaire) et le bilan. De notre point de vue, la Fed ne va plus bouger les taux directeurs. En revanche, elle devrait continuer le processus de dégonflement de son bilan (quantitative tightening, en anglais) qui est tout aussi efficace que les taux pour obtenir des conditions financières restrictives. Pour vous donner un exemple, selon une étude de Goldman Sachs, la réduction du bilan entre fin septembre et fin octobre a représenté l’équivalent d’une hausse des taux de 80 points de base. Il est donc probable que la Fed continue d’actionner plutôt ce levier si elle juge nécessaire de maintenir une politique monétaire restrictive. Pour les marchés financiers, la réduction du bilan se traduit par une baisse de la liquidité. C’est une mauvaise nouvelle pour tous les actifs risqués. Cela peut aussi provoquer ou contribuer à l’émergence d’accidents sur le marché (ex : baisse soudaine de la liquidité sur certains actifs engendrant d’importantes fluctuations de prix). De tels accidents sont plus fréquents sur les actions mais il y en a eu quelques-uns sur les devises par le passé. Il convient d’être vigilant.
Sur le plan macroéconomique, nous avons une bonne nouvelle à vous partager. Le processus de désinflation se poursuit en zone euro, y compris en France. Si on a un peu de chance, il est probable que l’objectif de croissance du gouvernement à 1% cette année soit atteint. Il faut juste que la croissance au quatrième trimestre soit de 0,4% – c’est atteignable. Bien sûr, ce n’est pas une raison pour se réjouir. Mais nous faisons toujours mieux que notre voisin allemand qui est en récession.
Enfin, la situation géopolitique continue de se dégrader rapidement. Pour l’instant, cela n’influence pas les marchés financiers. Le yen, qui habituellement bénéficie d’un regain de risque géopolitique, suit toujours une tendance baissière. Les choses peuvent toutefois rapidement dégénérer. La semaine dernière, le Yémen, qui est en partie sous la coupe de l’Iran, a officiellement déclaré la guerre à Israël. Plusieurs missiles ont été lancés depuis l’Iran vers le territoire israélien. Plus l’opération terrestre à Gaza durera, plus il est probable que l’Iran décide d’avancer ses pions dans la région (le Yémen mais aussi le Hezbollah au Liban). Enfin, dans le pire des scénarios, l’Iran pourrait toujours décider de bloquer le détroit d’Ormuz où transitent environ 25% de la consommation mondiale de pétrole. Pas un seul coin de la planète ne serait épargné par le blocus pétrolier. L’économie mondiale sombrerait dans un nouveau paradigme : flambée des prix du baril de pétrole, retour de l’inflation, probable récession mondiale. Un tel scénario a, a priori, peu de chances de se produire. Mais on ne peut pas complètement l’exclure. Après tout, personne n’aurait cru il y a quelques années de cela qu’un confinement mondial soit possible ou que la Russie puisse envahir l’Ukraine. Malheureusement, on ne peut jamais exclure le pire des scénarios. C’est une période bien sombre. Comme l’écrivait Voegelin en 1938 à propos de la montée du nazisme : « il faut admettre que le Mal existe comme une véritable substance et une force effective ». L’horizon géopolitique n’a rien de réjouissant.
Le point technique
Pour l’instant, la géopolitique n’est pas le marqueur principal du marché des changes. Les choses peuvent changer, évidemment. Ce sont en revanche les différentiels de croissance qui semblent expliquer le plus les mouvements sur les taux de change. La force de l’économie américaine continue d’attirer les capitaux étrangers ce qui soutient le dollar américain. A l’inverse, les déboires européens sur le plan macroéconomique (très faible activité au niveau de la zone euro) continuent d’affaiblir l’euro. Il est probable que la paire EUR/USD connaisse un point bas autour de 1,0350-1,0400 dans les semaines et mois à venir. Face à quasiment toutes ses principales contreparties, l’euro suit plutôt une trajectoire baissière. Mais il y a une exception. C’est face au yen japonais. La semaine dernière, la Banque du Japon (BoJ) a semblé vouloir abandonner sa politique de contrôle de la courbe des taux (dispositif qui vise à éviter une envolée des taux sur le marché obligataire). C’est un premier pas timide vers une normalisation de la politique monétaire nippone. Le marché n’a toutefois pas été convaincu puisque l’euro a flambé face au yen en dépassant le seuil des 160 yens pour un euro (un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2008). Tant que la politique monétaire nippone ne s’aligne pas davantage sur celle des autres pays développés, la faiblesse du yen va persister. Les analystes FX considèrent qu’une première hausse des taux par la BoJ pourrait avoir lieu, au mieux, en décembre prochain. C’est à garder en tête si vous avez une exposition au JPY.
Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.
Supports | hebdo | Résistances | hebdo | |
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S2 | S1 | R1 | R2 | |
EUR/USD | 1,0344 | 1,0411 | 1,0712 | 1,0798 |
EUR/GBP | 0,8499 | 0,8509 | 0,8799 | 0,8845 |
EUR/CHF | 0,9325 | 0,9433 | 0,9655 | 0,9698 |
EUR/CAD | 1,4399 | 1,4500 | 1,4788 | 1,4890 |
EUR/JPY | 155,50 | 156,44 | 161,90 | 162,33 |
Les annonces à suivre
Cette semaine sera très calme sur le marché des changes. Pour ainsi dire, il n’y a aucune statistique importante. L’indice des prix à la consommation en Allemagne et l’estimation du PIB britannique au troisième trimestre ne sont pas susceptibles de provoquer beaucoup de volatilité. Il est donc probable que les tendances de fond sur le marché des changes subsistent en l’état. Attention à la géopolitique. C’est le principal point d’incertitude sur les devises à court terme maintenant que la politique monétaire dans les grandes zones économiques est en mode pause.
Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.
Jour | Heure | Pays | Indicateur | À quoi s'attendre ? |
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Le 08/11/2023 | 08:00 | ALL | Indice des prix à la consommation (Octobre) | Précédent à 0,3% en variation mensuelle. |
Le 10/11/2023 | 08:00 | UK | PIB (T3) | Précédent à 0,6% en variation annuelle. |
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