Se préparer à agir

Les retombées de la guerre en Ukraine sur la zone euro sont de plus en plus perceptibles. L’indice Sentix de confiance des investisseurs s’est effondré en avril, à -9,35 contre -7,0 en mars. Les investisseurs s’inquiètent aussi que la Banque Centrale Européenne (BCE) ne soit pas en mesure de contrôler l’inflation sur le court terme. En réaction aux crimes de guerre commis par l’armée russe en Ukraine (notamment dans les villes limitrophes de Kiev), les Européens ont décidé un nouveau train de sanctions économiques. Toutefois, l’Allemagne est encore réticente à sortir l’arme nucléaire de l’interdiction des importations de gaz russe. Selon plusieurs experts (comme le politologue Ian Bremmer qui est très respecté aux Etats-Unis), une telle interdiction pourrait coûter au PIB de l’Allemagne jusqu’à trois points de pourcentage (en renchérissant le coût de l’énergie et du fait de potentielles pénuries d’approvisionnement). Le pays serait alors en récession et certains autres pays de l’EU également. On voit bien qu’une interdiction des importations de gaz russe a peu de chances d’aboutir. Pour l’Europe, cela signifierait accepter une récession. C’est inenvisageable.
Aux Etats-Unis, la vice-présidente de la Réserve Fédérale (Fed), Lael Brainard, a indiqué qu’il faut s’attendre à un renforcement significatif du processus de durcissement monétaire en mai (à l’occasion de la réunion du FOMC du 4 mai prochain). Dit autrement, la banque centrale américaine devrait annoncer une hausse de son taux directeur de 50 points de base, après une première hausse de 25 points de base il y a quelques semaines de cela. Ce scénario est déjà intégré dans les cours du dollar américain depuis un moment. Le compte-rendu de la dernière réunion de la Fed, publié mercredi dernier, a également confirmé ce scénario. Les membres du FOMC se sont abstenus d’être plus hawkish (en faveur d’une hausse des taux rapide) en mars du simple fait des incertitudes inhérentes à la guerre en Ukraine. Une réduction du bilan (qui constitue un autre levier de durcissement monétaire) est aussi sur la table. Le FOMC projette prochainement une baisse du bilan de l’ordre de 95 milliards USD par mois. La direction de la politique monétaire aux Etats-Unis est limpide pour le marché des changes. C’est une bonne nouvelle. A long terme, cela devrait plutôt avoir tendance à soutenir le taux de change du dollar américain face aux autres contreparties.
Dans les pays émergents, le processus de hausse des taux afin de lutter contre l’inflation suit son cours. La banque centrale polonaise a, une nouvelle fois, surpris les cambistes en annonçant un durcissement plus important que prévu. Le taux directeur principal a été porté à 4,50% contre 3,50% précédemment et 4,0% attendu par le consensus des analystes. D’autres hausses des taux sont à venir. Le pays fait face à une inflation incontrôlable, à 10,6% en variation annuelle en mars. C’est un plus haut niveau depuis une décennie. La prochaine réunion de la banque centrale, programmée le 5 mai prochain, pourrait de nouveau aboutir à une hausse de 100 points de base. Le durcissement monétaire n’a pas vraiment permis d’endiguer les pressions inflationnistes pour le moment (c’est normal, cela prend du temps). En revanche, il a permis de soutenir un peu la monnaie locale, le zloty polonais, face à l’euro (baisse de près de 6% en variation mensuelle). Comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises ces dernières semaines, la période des taux bas est belle et bien terminée.

Sur le marché des changes, l’euro était sous pression la semaine dernière. La paire EUR/USD a perdu 1,8% et la paire EUR/JPY 0,50%. Certains analystes attribuent le repli de la monnaie unique européenne au risque ‘Le Pen’. Objectivement, c’est difficile à dire. Nous ne sommes pas dans la configuration de 2017. On peut tout aussi bien attribuer la baisse de l’euro aux craintes des cambistes concernant la trajectoire de l’inflation et de la croissance en zone euro. Il est probable que tous ces facteurs s’additionnent. Dans tous les cas, cela signifie que la chute de l’euro pourrait continuer dans les séances et les semaines à venir. Il faut s’attendre également à ce que les interventions sur les changes de la part de la Banque Nationale Suisse se poursuivent. Le consensus table sur le fait que l’EUR/CHF pourrait consolider au-dessus du seuil de la parité à court terme.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD1,05801,06501,11251,1375
EUR/GBP 0,80480,81080,84400,8620
EUR/CHF 0,99401,00101,02851,0400
EUR/CAD 1,31801,34401,39551,4210
EUR/JPY 129,79132,11136,29137,68

+33 (0)1 48 09 09 83

Toute l’attention se portera sur la réunion de la BCE cette semaine. Aucun changement de politique monétaire n’est prévu à court terme. Mais la pression s’accentue sur la banque centrale pour qu’elle agisse. Plusieurs membres du Conseil des Gouverneurs (dont Fabio Panetta la semaine dernière) ont clairement laissé entendre qu’une hausse des taux pourrait mettre en péril la croissance économique en zone euro, étant donné les problématiques économiques liées à la guerre en Ukraine. Nous sommes plutôt d’accord avec cela. Pour l’instant, le mieux à faire est certainement de ne rien faire.
A titre d’information, plusieurs grandes banques de la place envisagent néanmoins une action de la BCE dans les mois à venir. La banque helvétique UBS prévoit que la BCE va annoncer la fin de son programme de rachats d’actifs (abrégé APP) lors de sa réunion du 9 juin prochain. En outre, la banque s’attend à ce que la banque centrale augmente son taux directeur pour la première fois en décembre prochain, de l’ordre de 25 points de base. C’est un horizon très lointain. Cela n’a pas d’influence réelle à ce stade sur les taux de change. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’une majorité d’intervenants du marché des devises table sur une hausse des taux en zone euro, à un certain stade cette année (généralement en septembre ou en décembre). Nous y reviendrons le moment venu.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
12/0411:00Indice ZEW du sentiment économique (Avril)Après une forte chute à -39,3, le consensus des analystes prévoit un rebond à 10,0.
14:30Indice des prix à la consommation (Mars)Ce sera un chiffre douloureux : 8,3% en variation annuelle contre 7,9% précédemment.
13/0414:30Indice des prix à la production (Mars)Nouvelle hausse attendue de 1,0% en variation mensuelle contre 0,8% en février.
15:00Réunion de la banque centrale du CanadaLe consensus des analystes prévoit une augmentation de 25 points de base du taux directeur principal.
14/0413:45Réunion de la banque centrale européenneAucun changement de politique monétaire mais on peut s’attendre à ce que certains membres du Conseil des Gouverneurs s’inquiètent sérieusement de la trajectoire de l’inflation.

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