Populisme et banque centrale

La semaine dernière a été écourtée à cause de Thanksgiving. Sans surprise, les principales paires de devises ont fait du surplace. Nous nous attendons à ce qu’il y ait un peu plus de mouvements dans les séances à venir, notamment parce que l’inflation en zone euro sera publiée pour le mois de novembre. Nous doutons que cela change la direction de la politique monétaire de la BCE. Mais c’est toujours une statistique importante qui devrait, selon nous, confirmer le processus de désinflation à l’œuvre.

Le populisme fait son retour. Et ce sera certainement encore pire l’an prochain. En Argentine, le candidat atypique Javier Milei a remporté le scrutin présidentiel, mettant un terme définitif au péronisme – ce mouvement politique né dans les années 1950. A l’époque, l’Argentine comptait parmi les principales puissances économiques. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le péronisme ne lui a pas réussi. L’Argentine oscille entre le 71ème et la 73ème place des économies mondiales aujourd’hui. C’est un échec. En France, on parle souvent de déclassement. L’Argentine est, malheureusement, un bon exemple en la matière. Milei prévoit de renverser la table : suppression de plusieurs ministères, de la banque centrale et dollarisation de l’économie. Si cette politique de dollarisation est menée, alors le pays ne pourra plus battre monnaie et n’aura plus la main sur son économie. C’est en général un choix risqué. Mais, dans le même temps, le peso argentin n’a déjà plus de réelle valeur du fait de la perte totale de confiance dans cette monnaie de la part de la population.
Milei, c’est un peu un avant-goût de ce que nous réserve 2024. Le risque politique devrait être élevé, en particulier du fait du cycle intense d’élections dans les pays émergents (en Inde, par exemple). Mais aussi parce que l’élection présidentielle américaine se profile. Pour l’instant, le marché des devises ne réagit pas vraiment. L’attention se porte sur l’amorce du cycle de baisse des taux par les banques centrales. Tous les opérateurs de marché y vont de leur pronostic. Au niveau du marché monétaire, la première baisse des taux par la banque centrale américaine est prévue pour le mois de mai (pas de changement par rapport à la semaine dernière). Du côté de la Banque Centrale Européenne (BCE), c’est au mois de juin 2024. Ce n’est toutefois en rien certain. Plusieurs membres de premier plan du Conseil des gouverneurs (qui est chargé de la politique de taux en zone euro) ont laissé entendre que les anticipations du marché sont un peu erronées et que les prochaines baisses de taux, lorsqu’elles surviendront, auront lieu plus tard que prévu.
Nous pensons que la politique pourrait rapidement prendre le dessus sur les banques centrales comme premier point d’attention des cambistes. Et nous savons même quand cela pourrait survenir. Le processus de sélection des candidats du Parti Démocrate et du Parti Républicain pour la présidentielle américaine commence le 15 janvier prochain, avec le Caucus dans l’Iowa. Si Donald Trump arrive en tête, ce qui est probable au regard des derniers sondages, les investisseurs vont de nouveau regarder de plus près son programme économique. La semaine dernière, nous évoquions les grandes lignes de son programme de retour du protectionnisme. Il faut aussi compter avec des mesures farfelues comme un décret licenciant des milliers de fonctionnaires récalcitrants au niveau du gouvernement fédéral (peu probable que cela soit faisable) et la construction de dix « villes de la liberté » de la taille de Washington où « on ira au bureau en voiture volante ». C’est le volet consacré à la mobilité de son programme. Là encore, c’est peu probable que ce soit faisable sur quatre ans (durée du mandat présidentiel). On peut en tout cas redouter que plus nous allons nous rapprocher du scrutin de novembre 2024, plus les investisseurs vont s’inquiéter de l’état de la démocratie et de l’économie des États-Unis en cas de victoire de Trump. A minima, cela va entraîner un regain de volatilité sur les actifs financiers et certainement un repli sur les valeurs refuge (il est trop tôt selon nous pour savoir si le dollar américain en bénéficiera). Il faut s’attendre à ce que l’année 2024 soit très rythmée sur le marché des devises.

Le point technique

Le marché des changes a connu une évolution latérale lors de la semaine passée en raison des fêtes de Thanksgiving qui ont réduit les volumes échangés sur le Forex. Il n’y a pas que les marchés actions qui ont été impactés. En se basant sur le taux de change réel effectif, qui permet de mesurer si une devise est survalorisée ou sous-valorisée par rapport à une autre, l’euro et la livre sterling sont parmi les monnaies principales les plus survalorisées. A l’inverse, ce sont le yen japonais (sans surprise) et la couronne norvégienne qui sont les plus sous-valorisés. Cela ne veut pas automatiquement dire qu’il va y avoir un rebond du cours du yen, par exemple. Mais si on cherche à se positionner à l’achat ou à la vente sur une monnaie sur du long terme, il est toujours intéressant de connaître ce paramètre important dans la prise de décision. A court terme, l’EUR/USD reste dans une situation de range, autour de 1,09. L’absence de nouvelles économiques de premier ordre explique cette apparente stabilité. Nous considérons toujours que le potentiel de baisse à moyen terme est intact. L’euro est trop cher par rapport aux fondamentaux de la zone euro.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,07201,08011,10431,1090
EUR/GBP 0,84990,85230,87990,8812
EUR/CHF 0,94880,95110,97110,9809
EUR/CAD 1,46141,47881,50991,5122
EUR/JPY 160,20161,41163,99164,49

Les annonces à suivre

C’est encore une fois l’inflation qui va être le principal point d’attention cette semaine avec la publication de l’indice des prix à la consommation en zone euro en novembre. Il s’agit de la première estimation. Nous nous attendons que la publication confirme que le processus de désinflation est engagé. Aucun impact à avoir sur la BCE qui a atteint le taux terminal, selon nous. Enfin, en temps normal, nous ne regardons pas attentivement la confiance des consommateurs outre-Atlantique. Mais après la baisse des ventes au détail, nous avons quelques inquiétudes concernant les ménages américains. Cette publication nous permettra de savoir si nous devons nous inquiéter davantage ou pas. Aucun effet notable à prévoir sur les paires en USD, toutefois.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 28/11/202316:00USAConfiance des consommateurs du Conference Board (Novembre)Précédent à 102,6.
Le 30/11/202311:00EURIndice des prix à la consommation (Novembre)Précédent à 2,9% en variation annuelle.
Le 30/11/202314:30USAIndice des prix à la consommation des ménages – PCE core (Octobre)Précédent à 3,7% en variation annuelle et à 0,3% en variation mensuelle.

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