Ça grimpe encore

Le message délivré la semaine dernière par la Banque Centrale Européenne (BCE) a de quoi provoquer des sueurs froides. L’économie va mal (en particulier l’Allemagne) et l’inflation, même si elle régresse, va durablement rester élevée en 2024. C’est le scénario redouté d’une stagflation qui se précise. Le marché des changes a bien compris que c’est une mauvaise nouvelle en vendant immédiatement l’euro. Dans les circonstances actuelles, on ne voit pas ce qui pourrait inverser la trajectoire de la monnaie unique.

A la surprise générale (ou presque), la Banque Centrale Européenne (BCE) a augmenté son taux directeur de 25 points de base lors de sa réunion de jeudi dernier. C’est la dixième hausse consécutive. Le loyer de l’argent en zone euro est désormais à un point haut depuis 1999. La banque centrale en a profité pour mettre à jour ses projections macroéconomiques. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le panorama économique pour l’Union n’est pas réjouissant. La croissance au deuxième trimestre a été révisée à la baisse à 0,1% après une stagnation au premier trimestre. Le commerce international et la consommation intérieure sont les deux points faibles économiques du moment. Seul l’investissement des entreprises semble tenir. Mais ce sera sûrement de courte durée étant donné la hausse inexorable du coût du capital. La prévision de croissance pour 2024 a été revue à la baisse également tandis que l’inflation est attendue en hausse à 3,2%. Vous l’avez peut-être déjà compris, c’est le scénario d’une stagflation qui se dessine pour la zone euro (croissance faible avec potentiellement des pays en récession, comme l’Allemagne, avec un niveau d’inflation qui est supérieur à la normale). C’est le pire des scénarios pour une banque centrale et pour les acteurs économiques. La stagflation, si elle perdure, est synonyme d’appauvrissement. Il n’y a pas de bonne solution sur le plan monétaire pour lutter contre elle. Si la stagflation se précise, il est probable que la banque centrale aura les mains liées, ce qui va se traduire par une longue pause de politique monétaire.
Le marché des changes a accueilli fraîchement la hausse des taux et la mise à jour des projections économiques. L’euro, qui est déjà engagé depuis plusieurs semaines dans une tendance de fond baissière, s’est effondré face au dollar à des niveaux qui n’ont pas été atteints depuis six mois (sous la zone située autour de 1,06). Il semble de plus en plus évident que les prochains mois vont être très compliqués au niveau macroéconomique en zone euro. La baisse immédiate de l’euro constitue également un signal de marché important, selon nous. Cela signifie que les cambistes considèrent que la BCE est allée trop loin dans le cycle de durcissement du loyer de l’argent et que cette dernière hausse n’est probablement pas nécessaire. Si on se base uniquement sur la dynamique économique et la divergence à l’œuvre entre les Etats-Unis (où l’économie est résiliente) et la zone euro, on peut estimer que la paire EUR/USD devrait certainement être plus proche de la parité. Certains sont même plus pessimistes que nous. L’Institut de la Finance Internationale (qui est très respecté) considère que le juste prix pour la paire se situe autour de 0,90 (oui, vous avez bien lu !). Cela ne signifie pas pour autant que l’euro puisse chuter sous la parité à court ou à moyen termes. C’est peu probable de notre point de vue. En revanche, il semble acquis que la dépréciation de la monnaie ne va pas s’arrêter de sitôt. D’ailleurs, on observe que la baisse de l’euro n’est pas uniquement face au dollar américain (qui sert logiquement de valeur refuge). Elle est aussi perceptible face à quasiment toutes les autres monnaies majeures. Nous sommes probablement face à une crise de confiance de la part des investisseurs étrangers à l’égard de l’Union monétaire qui a toutes les chances de s’accentuer au cours des prochains mois. En effet, on ne voit pas comment la zone euro pourrait se relever alors qu’une éventuelle relance budgétaire est au point mort (la BCE a même recommandé aux Etats européens de mettre fin aux mesures de soutien pour lutter contre la crise énergétique) et que l’Allemagne, principale économie de la zone euro, est face à des défis conjoncturels et structurels qui vont prendre plusieurs années à surmonter. Chez Mondial Change, nous nous attendons à une croissance atone voire en contraction sur la deuxième partie de l’année et à un redémarrage économique très poussif à partir du premier trimestre de l’année 2024 (sans que cela implique obligatoirement une baisse des taux par la BCE car, du fait de la persistance d’une inflation élevée, ce n’est pas la solution la plus optimale).

Le point technique

La paire EUR/USD pourrait chuter à court terme vers la zone de support située à 1,0515. Une grande partie des mauvaises nouvelles est déjà intégrée dans les prix du marché, donc nous doutons que la paire puisse aller beaucoup plus bas dans l’immédiat. A plus long terme, les prévisionnistes sont pessimistes pour l’EUR/USD. Danske Bank (basé au Danemark) a une cible à 1,03 à six mois, par exemple. Même s’il faut être prudent concernant ces prévisions sur la longue durée, elles ont le mérite de montrer l’état d’esprit général des acteurs du marché.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,05151,05901,08011,0987
EUR/GBP 0,83870,84100,86450,8699
EUR/CHF 0,93990,94330,96660,9722
EUR/CAD 1,4111,42091,44011,4560
EUR/JPY 153,91155,13157,14158,01

Les annonces à suivre

C’est au tour d’une nouvelle banque centrale d’être sous les projecteurs cette semaine. La Réserve Fédérale américaine doit se réunir. Nous nous attendons à ce qu’elle maintienne son taux directeur inchangé en septembre, notamment du fait de la dynamique favorable observée au niveau du processus de désinflation, avant qu’elle n’augmente de nouveau les taux en novembre de 25 points de base. Cette dernière hausse de taux n’est toutefois en rien acquise. Cela dépendra de l’évolution des statistiques portant sur le début du quatrième trimestre.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 20/09/202320:00USARéunion de la banque centralePause de politique monétaire attendue
Le 21/09/202314:15CHRéunion de la banque centraleHausse du taux directeur de 25 points de base
Le 21/09/202313:00UKRéunion de la banque centraleHausse du taux directeur de 25 points de base

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