STAGFLATION

La rentrée est difficile. Nous sommes entrés dans un monde de dollar durablement fort en raison de la dégradation économique. Le mouvement est très perceptible face à l’euro mais également face au yen et au yuan. A court terme, le biais baissier sur l’EUR/USD pourrait ainsi perdurer. Nous n’excluons pas des interventions des banques centrales pour soutenir le yen et/ou le yuan, ce qui signifie que nous pourrions connaître des mouvements erratiques sur ces deux monnaies. Si vous êtes exposés, pensez à revoir votre stratégie de couverture de change.

Stagflation, voici le terme qu’il va falloir garder en tête en cette fin d’année 2023. Le scénario d’une croissance en berne (avec un risque de récession) allant de pair avec une inflation durablement élevée (supérieure à 2%) est de plus en plus présent dans la bouche des experts économiques. Il faut dire que les dernières statistiques publiées un peu partout ont de quoi inquiéter. L’Europe est la zone économique qui fait face à la situation la plus compliquée. L’estimation finale des indicateurs d’activité PMI en zone euro au mois d’août est bien pire que l’estimation initiale qui elle-même était pire que ce qu’attendait le consensus et que l’estimation du mois de juillet. Les chiffres sont à un point bas de novembre 2020 (au moment du confinement Covid). Dit autrement, on voit mal comment la zone euro pourrait échapper à une récession technique (deux trimestres consécutifs de contraction du PIB) avec un tel ralentissement des services et du secteur manufacturier. L’Europe (Royaume-Uni compris) est la région qui fait certainement face au risque le plus élevé de stagflation.
De l’autre côté du globe, les indicateurs sont tout aussi mauvais. En Chine, la plupart des statistiques sont bien plus basses qu’en 2019. Il semble que la puissance économique chinoise a atteint son point culminant. C’est peut-être la fin d’un miracle économique qui a durée presque 30 ans (l’année 1994 est l’année de la rupture dans le modèle économique chinois). Cela entraîne deux conséquences immédiates. La première, c’est que la Chine ne sera pas un relais de croissance pour l’économie mondiale, contrairement à ce qui a pu être le cas depuis environ 10 ans. C’est en particulier une mauvaise nouvelle pour l’Europe qui a accru sa dépendance à la Chine depuis la Covid. Deuxièmement, on ne parle plus de l’hypothèse que la Chine dépasse à court terme l’économie américaine. Selon Bloomberg, cela ne devrait survenir qu’en 2040 (au mieux) et être éphémère. L’économie chinoise semble être confrontée à un scénario redouté par beaucoup d’économistes : elle a atteint son pic économique avant de devenir pleinement une puissance économique développée. C’est en partie lié à l’évolution démographique défavorable (facteur de long terme). C’est également lié à l’accumulation de dette dans des secteurs non productifs après qu’elle a ouvert grand les vannes du crédit en 2009 pour éviter une récession (facteur de court et de moyen terme). Selon un nombre croissant d’économistes, on peut désormais considérer que la Chine est en récession (selon les standards chinois, évidemment).
Le ralentissement économique à l’œuvre au niveau mondial entraîne des conséquences sur la politique monétaire. Sans surprise, de plus en plus de pays décident d’assouplir leur politique monétaire (même lorsque la bataille contre l’inflation n’a pas été complètement gagnée) afin de soutenir la croissance économique. La semaine passée, le Chili a baissé de nouveau son taux directeur de 75 points de base (c’est massif), à 9,50%. La Pologne lui a emboîté le pas avec une baisse surprise de 75 points de base. Les analystes s’attendaient à ce que la banque centrale polonaise fasse une pause au moins jusqu’à la fin de l’année afin de baisser ses taux. La perspective d’une baisse des taux se précise également dans les pays développés. Le Canada et l’Australie ont décidé de faire une pause de politique monétaire lors de leur réunion de la semaine dernière. Même si l’éventualité d’une baisse des taux n’est pas encore évoquée officiellement, tout le monde y pense. Dans le cas australien, c’est certainement encore plus urgent qu’ailleurs étant donné l’évolution inquiétante de la bulle immobilière. A la suite de la prolongation de la pause de politique monétaire en Australie, l’AUD s’est effondré face à ses principales contreparties. Cela montre que l’incertitude autour de l’évolution de la politique de taux réactive la volatilité sur le marché des changes. Nous nous attendons à ce que les devises puissent connaître des mouvements erratiques dans les semaines à venir au fur à mesure que la dégradation économique s’accentue.

Le point technique

Il y a toutefois une économie mondiale qui fait exception, ce sont les Etats-Unis. Il n’y a pas de récession en vue. Et tout porte à croire que la croissance économique sera meilleure que prévu cette année, sauf accident de parcours au quatrième trimestre. La conséquence directe de tout cela, c’est que les investisseurs se replient sur le dollar américain. Le billet vert est la monnaie privilégiée du moment et qui affiche la meilleure performance mensuelle parmi les devises des économies du G10 (les dix principales économies mondiales). La hausse du dollar est évidemment perceptible face à l’euro (qui a atteint un point bas de trois mois la semaine dernière dans la foulée des indicateurs d’activité PMI en zone euro). C’est aussi visible face aux devises émergentes. Elles ont connu un fort recul qui va poser de sérieux problèmes macroéconomiques. En effet, leur faiblesse renchérit les emprunts en USD, ce qui provoque de l’inflation importée et réduit la performance des actifs en devises locales. Cela accroît aussi le risque d’une intervention directe sur les taux de change par certains pays (accroissant au passage la volatilité). La Chine et le Japon sont certainement les deux économies qui sont les plus susceptibles d’intervenir sur le FX à court terme. Il faudra donc être très vigilant si vous avez une exposition au CNH et/ou au JPY dans les semaines à venir.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,05501,06331,08901,1001
EUR/GBP 0,83880,84030,86100,8699
EUR/CHF 0,93900,94320,96120,9709
EUR/CAD 1,43901,44301,47001,4877
EUR/JPY 155,91156,99158,90159,12

Les annonces à suivre

Comme nous l’avons indiqué, la politique monétaire est moins prévisible qu’il y a deux mois de cela en raison de la forte baisse de l’activité économique au cours de l’été. Étant donné le risque évident de récession en zone euro, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité d’une nouvelle baisse des taux par la Banque Centrale Européenne (BCE) cette semaine. Le marché monétaire estime qu’il y a seulement 40% de chances pour que la BCE augmente de nouveau son taux directeur (c’est un niveau très faible !). De notre côté, nous pensons que la probabilité est plus proche de 60%. Si la BCE souhaite conserver un ton hawkish (comme ce fut le cas dernièrement), il serait plus logique d’augmenter le loyer de l’argent que de faire une pause. Une hausse des taux est plus crédible. Il est, en revanche, probable que ce soit la dernière du cycle économique. Nous nous attendons à un regain de volatilité sur les paires en EUR. La conférence de presse de la BCE jeudi sera, comme toujours, le point d’attention principal des opérateurs de marché (avec probablement des mouvements erratiques sur l’euro).

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 13/09/202314:30USAIndice des prix à la consommation (Août)Précédent à 3,2% en variation annuelle et 0,2% en variation mensuelle.
Le 14/09/202314:15EURRéunion de la banque centralePrécédent à 1,5%. Ce n’est pas 100% garanti, mais il est probable qu’une dernière hausse des taux soit annoncée.
Le 14/09/202314:30USAIndice des prix à la production (Août)Précédent à 0,3% (en variation mensuelle)

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