Réveil difficile

Lorsque nous nous sommes quittés, la direction de la politique monétaire en zone euro semblait limpide. L’économie était en phase de ralentissement mais sans qu’il ne faille paniquer pour autant. Nous entamons la rentrée avec une incertitude élevée concernant la prochaine décision de politique monétaire de la Banque Centrale Européenne, une récession aux portes de la zone euro et des inquiétudes croissantes à propos de l’économie chinoise. Pour l’euro, tout cela constitue un cocktail explosif qui explique la baisse de la devise depuis quelques semaines.

Le retour des vacances est un peu difficile. On aurait aimé vous annoncer qu’un soleil radieux plane sur l’économie mondiale. Mais nous aurions dû vous mentir. La réalité, c’est qu’en l’espace de deux mois, le panorama économique s’est fortement dégradé. En cause : la politique monétaire restrictive menée dans le cadre de la lutte contre l’inflation qui commence à porter ses fruits et, au cas par cas, la levée des mesures de soutien aux entreprises (en France, par exemple). Les indicateurs d’activité PMI pour les services et le secteur manufacturier au mois d’août confirment la possibilité d’une récession en zone euro au troisième trimestre. Cela fait plusieurs mois que ce risque est bien identifié. Il semble désormais se matérialiser. Jusqu’à présent, le ralentissement de l’activité était surtout limité au secteur manufacturier. La mauvaise nouvelle de la dernière enquête PMI c’est que cela se propage rapidement au secteur des services (rappelons que c’est le segment d’activité qui contribue le plus à la croissance). Les chiffres qui ont été publiés étaient désastreux dans tous les pays mais c’est en Allemagne que la situation est la plus inquiétante. Le pays fait face à la fois à une faiblesse conjoncturelle mais aussi à des difficultés structurelles inquiétantes (retard dans le processus de digitalisation, secteur automobile à la traîne dans le cadre de la transition énergétique, faiblesse de la R&D dans les secteurs autres que l’automobile etc.). Un seul chiffre permet de montrer à quel point la situation est mauvaise : l’indice PMI services allemand s’est effondré à 46,7 le mois dernier (un chiffre sous le niveau de 50 traduit une contraction de l’activité). Sans surprise, le ralentissement en zone euro touche aussi d’autres économies. De l’autre côté de la Manche, l’activité est aussi très nettement en repli. Les indices PMI britanniques ont atteint leur plus bas niveau depuis janvier 2021 (au pire moment du confinement Covid). Le PMI composite s’est effondré à 47,9 en août alors qu’il était encore en expansion en juillet. Si la conjoncture ne s’améliore pas en septembre (ce qui est peu probable), cela corrobore l’hypothèse d’une contraction de la croissance britannique de 0,2% au troisième trimestre (soit nettement plus que le niveau prévu par la Banque d’Angleterre sur la même période).
Evidemment, la perte de vitesse de l’économie pose un réel problème pour les banquiers centraux. Lors de leur réunion annuelle à Jackson Hole (dans le Wyoming, aux Etats-Unis), ils ont tous unanimement porté le même message : il ne faut surtout pas fléchir dans le cadre de la lutte contre l’inflation. Pour autant, leur mission s’est, d’un seul coup, compliquée. Ce n’était déjà pas facile de faire revenir l’inflation proche de la borne des 2% (seuls les Etats-Unis ont presque réussi !). Maintenant, il va falloir aussi potentiellement soutenir l’activité économique qui dans certaines zones est au bord de la récession. Le problème, c’est qu’à moins d’un miracle, on sait qu’en économie il n’est pas possible à la fois de lutter contre l’inflation et de soutenir la croissance. Les deux objectifs sont contradictoires. Dans le cas de la zone euro, le marché parie sur une pause de politique monétaire. Seuls 37% des intervenants du marché monétaire envisagent une hausse des taux en septembre alors qu’ils étaient 55% avant la publication des indicateurs PMI. Une pause n’est pas synonyme de la fin du processus de hausse des taux. C’est plus le moyen de gagner du temps et d’analyser l’ampleur du ralentissement économique à l’œuvre. Il y a beaucoup d’incertitudes sur l’évolution de la conjoncture dans les mois à venir. Mais on sait déjà que le ralentissement qui est amorcé va s’aggraver et que cela va conduire à une augmentation sensible des faillites d’entreprises. La hausse du loyer de l’argent commence à faire mal.
Dans le cas français, les faillites d’entreprises concernent surtout les TPE, et certains segments dans les services comme la coiffure ou la restauration. Mais on voit de plus en plus d’entreprises de tailles plus importantes (y compris des ETI) qui sont étranglées à la fois par la baisse de la demande, la hausse des coûts (pas uniquement des intrants mais également du capital) et les PGE (ils auraient dû être indolores mais dans la réalité bien souvent l’accumulation de PGE a conduit à la détérioration de la situation financière à long terme de beaucoup d’entreprises). Les prochains mois vont être difficiles.

Le point technique

Sur le marché des changes, il n’y a pas eu de mouvements importants sur les paires principales la semaine passée. L’EUR/USD est en phase de consolidation dans la zone située autour de 1,07-08. Selon nous, la pression baissière est intacte du fait des incertitudes importantes pesant sur la trajectoire économique en zone euro. S’ajoute à cela le débat sur la réaction de la Banque Centrale Européenne aux mauvais chiffres de l’été. On voit mal dans ces conditions comment l’euro pourrait renouer avec le niveau de 1,12 (mis en avant comme objectif de fin d’année par beaucoup d’analystes Forex). On observe également une baisse de l’euro face au yuan chinois qui s’explique à la fois par les mauvais chiffres européens et probablement également par des interventions de la Chine pour stabiliser le yuan. Il semble évident au moins à court terme que la Chine souhaite jouer la carte de la stabilité et ne veut pas miser sur une dépréciation prononcée du yuan pour hypothétiquement relancer les exportations (une dépréciation importante a pour conséquence négative d’accroître la fuite des capitaux). Dans les semaines à venir, il faudra rester vigilant concernant la direction de la monnaie chinoise.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06501,07011,09901,1120
EUR/GBP 0,83600,84020,86120,8734
EUR/CHF 0,9390,94330,96900,9844
EUR/CAD 1,43341,45021,47991,4901
EUR/JPY 154,91156,02157,90158,99

Les annonces à suivre

Sur le plan économique, cette première semaine du mois de septembre est plutôt calme. Il n’y a pas d’indicateurs de premier ordre (à part peut-être l’évolution des services aux Etats-Unis en août mercredi). Les cambistes vont continuer de garder un œil sur les attentes de marché concernant l’évolution des taux (en particulier pour la zone euro puisque c’est là où l’incertitude est la plus grande). Ils vont surveiller aussi la situation macroéconomique en Chine qui a provoqué quelques sueurs froides pendant les vacances. Le ralentissement à l’œuvre est inquiétant et le gouvernement chinois n’a pas de solution miracle pour inverser la tendance. Une politique de relance peut-être utile mais elle peut également accentuer les bulles présentes dans l’économie. Bref, ce qui se passe en Chine est également une mauvaise nouvelle pour nous, Européens.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 06/09/202316:00USAISM non manufacturier (Août)Précédent à 52,7.
Le 08/09/202301:50JAPPIB au deuxième trimestrePrécédent à 1,5%.
Le 08/09/202308:00ALLIndice des prix à la consommation (Août)Précédent à 0,3% (en variation mensuelle)

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