Retour à la plage

Dur retour à la réalité pour l’EUR/USD. Oui, la Fed va certainement faire une pause de politique monétaire alors que la BCE pourrait continuer d’augmenter ses taux, au moins à court terme. Mais ce n’est pas le différentiel de politique monétaire qui va être le marqueur principal pour la paire EUR/USD au deuxième semestre. Ce sera le différentiel de croissance. Côté américain, la croissance est résiliente. Côté zone euro, c’est la récession qui guette. Le marché a été trop optimiste ces dernières semaines concernant les perspectives pour l’euro. Elles ne sont, en réalité, en rien réjouissantes. D’où la baisse marquée de l’euro la semaine dernière.

Vous pouvez partir l’esprit tranquille à la plage. Les grandes réunions de banques centrales sont déjà presque toutes derrière nous. Il n’y a pas eu beaucoup de surprise du côté de la Réserve Fédérale américaine (Fed) et de la Banque Centrale Européenne (BCE). Dans les deux cas, la hausse des taux fut de l’ordre de 25 points de base (c’était attendu). Dans les deux cas, la porte est ouverte pour une hausse de taux supplémentaire en septembre. Il y a toutefois une différence de taille : la porte est entrouverte aux Etats-Unis alors qu’elle est grande ouverte en zone euro. Du côté américain, le processus de désinflation est parfaitement entamé (avec une inflation qui est désormais proche de la cible) et une croissance économique qui reste soutenue. La Fed n’a aucun intérêt à chercher à gripper cette machine bien rodée en faisant une hausse de taux en trop. C’est d’ailleurs bien ce qu’a compris le marché des changes. A l’issue de la réunion de la Fed, le marché table sur une pause de politique monétaire qui va perdurer jusqu’en mars 2024. Ce n’est qu’à partir de ce moment que la Fed pourrait entamer un cycle de baisse des taux (en fonction de l’évolution de la conjoncture). Evidemment, ces anticipations sont amenées à changer. Mais cela montre que personne ne s’attend, sauf accident de dernière minute, à un nouveau durcissement monétaire. Cela entraîne bien-sûr d’importantes répercussions sur les taux de change. Nous allons y revenir dans un instant.
Du côté de la zone euro, la situation est plus compliquée à la fois sur le terrain de l’inflation et de la croissance. La BCE a clairement indiqué que le niveau d’inflation est encore trop élevé même s’il y a des signaux encourageants. On ne peut pas la contredire sur ce terrain. D’où la très forte possibilité que la BCE décide d’augmenter son taux directeur au moins une fois en septembre prochain. Cela ne fait toutefois pas l’unanimité chez les économistes et les analystes. Les derniers chiffres d’activité et d’évolution du crédit en zone euro sont au rouge, ce qui fait craindre une récession. En juin, l’activité dans les services (qui était encore un segment résilient et un fort pourvoyeur de croissance) s’est effondrée dans les principaux pays. Les enquêtes de consommation montrent que les ménages ont une capacité à dépenser moindre. S’ajoute à cela un quasi-arrêt de la distribution de crédit en zone euro. L’enquête de la BCE sur le crédit montre que la hausse des taux commence à mordre sur l’investissement production en zone euro. La demande de crédit des entreprises continue de chuter et une grande partie de cette chute est motivée par de moindres investissements. Ce n’est décidément pas glorieux pour la croissance future qui est étroitement dépendante de l’investissement présent. En outre, la conjoncture en Allemagne continue de se dégrader. Le climat des affaires mesuré par l’institut Ifo s’est dégradé en juillet pour le troisième mois de suite. Hors pic Covid, la situation présente outre-Rhin n’a pas été jugée aussi négativement depuis 2010 (lorsque l’Europe faisait face à une crise bancaire qui s’est transformée en crise de la dette souveraine). Cela permet de planter le décor. Même si une nouvelle hausse des taux en zone euro semble nécessaire au regard de l’inflation élevée, celle-ci risque d’entraîner des conséquences hautement indésirables en termes d’activité économique et de précipiter la zone euro dans la récession.
Il y a un peu moins d’un an de cela, le scénario central sur le marché des changes était celui d’une récession aux Etats-Unis. Finalement, cela n’aura pas lieu à court terme. Même la Fed exclut désormais une récession. En revanche, c’est bien la zone euro qui flirte de nouveau avec ce risque. Quant bien même nous parviendrions par miracle à échapper à une récession, nous sommes certainement condamnées à subir une période d’appauvrissement (croissance molle) accompagnée par une inflation tendanciellement plus élevée qu’aux Etats-Unis (même si nous devons reconnaître que les méthodes de calcul de l’inflation diffèrent entre les deux bords de l’Atlantique).

Le point technique

La réunion de la Fed a confirmé certaines anticipations du marché des changes. Les cambistes parient sur une pause de politique monétaire. Si c’est le cas (et c’est objectivement le scénario le plus probable), cela serait un élément de soutien en moins pour le dollar américain. Cela pourrait soulager certaines devises qui baissent parce que leurs politiques monétaires sont accommodantes (yuan chinois, yen japonais). On observe déjà un repricing à l’œuvre du côté des devises émergentes, avec une remontée face au dollar américain. La paire EUR/USD est un cas à part. Comme nous l’avions indiqué au cours des dernières semaines, le marché était certainement un peu trop optimiste concernant les perspectives pour l’euro. Les derniers indicateurs en zone euro soulignent (sans surprise) que la croissance sera moins bien orientée qu’aux Etats-Unis. Le différentiel de croissance (et non plus de politique monétaire) pourrait être le marqueur principal pour la paire EUR/USD au deuxième semestre.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,07991,09011,12121,1301
EUR/GBP 0,84220,84900,87010,8880
EUR/CHF 0,9390,94330,96900,9844
EUR/CAD 1,43991,44221,46901,4788
EUR/JPY 152,91153,90156,9157,80

Les annonces à suivre

C’est la dernière semaine importante avant la pause estivale. Au menu, la réunion de la Banque d’Angleterre (BoE) ce jeudi. C’est l’événement de la semaine. Selon la dernière enquête réalisée par Reuters, 42 économistes sur 62 interrogés s’attendent à une hausse de 25 points de base. Seulement 20 d’entre eux anticipent une hausse de 50 points de base. Pour une fois, nous sommes dans la minorité. Nous pensons que la BoE va continuer de frapper fort étant donné le niveau d’inflation. Une hausse de 50 points de base cette semaine ferait sens avant un ralentissement du rythme de hausse de taux à 25 points de base en septembre. Même s’il y a une incertitude assez élevée concernant l’issue de la réunion, il est peu probable que la paire EUR/GBP bouge beaucoup. Sur les dernières années, cette paire est quasiment en mort cérébrale.
Il faudra également regarder les chiffres de l’emploi aux Etats-Unis en juillet. L’enquête ADP publiée mercredi est sans intérêt. Seul le rapport officiel du Département du Travail est observé par les cambistes et la Fed. L’enjeu est d’avoir une confirmation du ralentissement du marché du travail, ce qui validerait le scénario d’une pause de politique monétaire.

Comme tous les ans, nous faisons une pause au mois d’août. C’est l’occasion de vous remercier chaleureusement pour votre fidélité. Nous vous retrouvons, avec un brin d’impatience, le 4 septembre !

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 02/08/202314:15USACréations d’emplois non agricoles ADP (Juillet)Précédent à 497k. Faible corrélation avec le rapport officiel sur l’emploi (encore moins depuis le changement récent de méthodologie)
Le 03/08/202313:00UKRéunion de la banque centraleNotre avis : hausse du taux directeur principal de 50 points de base puis 25 points de base en septembre.
Le 04/08/202314:30USARapport sur l’emploi du Département du Travail (Juillet)Précédent à 209k.
Le 10/08/2023714:30USAPrix à la consommation (Juillet)Précédent à 3% en rythme annuel.
Le 11/08/2023714:30USAPrix à la production (Juillet)Précédent 0,1% en rythme mensuel.

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