Deux visions opposées

La semaine dernière a été écourtée par les célébrations de Thanksgiving aux Etats-Unis. Cela a conduit à une baisse des volumes échangés sur les principaux marchés financiers, y compris le Forex. En revanche, il y avait beaucoup d’actualité sur le front macroéconomique et au niveau des banques centrales. La banque centrale de Nouvelle-Zélande a augmenté son taux directeur de 75 points de base dans l’espoir de faire baisser l’inflation. Celle-ci reste ancrée depuis près de deux trimestres au-dessus des 7%. C’est douloureux, évidemment. Cela a apporté un soutien bienvenu au dollar néo-zélandais qui affiche une hausse de plus de 4% en variation mensuelle face à l’euro. D’autres hausses de taux sont à venir.

C’est en particulier le cas en zone euro et aux Etats-Unis. Les comptes-rendus des dernières réunions de la Banque Centrale Européenne (BCE) et de la Réserve Fédérale américaine (Fed) ont confirmé que des hausses de taux sont inéluctables en décembre prochain. Mais elles ne seront pas de la même ampleur des deux côtés de l’Atlantique. Les membres du Conseil des gouverneurs de la BCE ont exprimé de fortes inquiétudes sur la récession à venir (et notamment son effet sur le marché de l’immobilier et sur le marché du travail). Néanmoins, ils considèrent que la priorité à court terme reste la lutte contre l’inflation. Une majorité de membres plaide en faveur d’une hausse des taux de 75 points de base le mois prochain. Le discours est un peu différent de l’autre côté de l’Atlantique. Le compte-rendu de la Fed ouvre clairement la porte à un futur ralentissement du rythme de normalisation de la politique monétaire (passage de 75 points de base à 50 points de base). Cela pourrait survenir dès la réunion du 14 décembre prochain (qui sera aussi l’occasion pour la banque centrale de mettre à jour ses projections macroéconomiques pour les deux années à venir). Si le ralentissement est confirmé (ce qui n’est pas encore certain), cela pourrait pénaliser davantage le dollar américain sur le marché des changes. Depuis fin septembre et son pic au-dessus des 114, le dollar index (qui mesure la variation du billet vert face aux devises de ses principaux partenaires commerciaux) est engagé dans un cycle de baisse. Il évolue actuellement autour du niveau des 105. Nous pourrions potentiellement aller plus bas, vers la zone de support des 100 selon nous (qui n’a pas été atteinte depuis avril dernier). Il est certainement encore trop tôt pour savoir si la baisse observée (qui n’est pas mineure) est un renversement durable de tendance. Cela va dépendre des annonces de politique monétaire qui seront faites dans les semaines à venir et de l’ampleur du ralentissement économique aux Etats-Unis (y aura-t-il récession ou pas en 2023 ?).

De l’autre côté du globe, en Asie, l’économie reste déprimée dans plusieurs pays, en particulier la Chine et le Japon. Au Japon, l’activité dans le secteur manufacturier a fortement décroché en novembre. Il s’agit de la plus forte contraction depuis deux ans. Sans surprise, la demande internationale diminue du fait de l’inflation persistante, ce qui pénalise la base industrielle de l’archipel nippon. La contraction de l’activité reflète aussi les difficultés de l’économie chinoise (les économies de la Chine et du Japon sont fortement imbriquées en dépit des divergences politiques entre les deux pays). La recrudescence de cas de Covid en Chine et la mise en vigueur de mesures plus fermes de confinement font craindre un ralentissement important de la croissance du pays au quatrième trimestre. En 2009-10, la Chine avait pris le relais des économies développées qui étaient confrontées à la crise financière mondiale. Cela avait permis un retour rapide de la croissance. Ce n’est plus le cas. La contribution positive de la Chine à la croissance mondiale est désormais minime. Selon la Banque Mondiale, le pays ne représente que 10% de l’impulsion de la croissance mondiale contre 30% en 2019 (c’était l’équivalent de la contribution combinée des Etats-Unis et de la zone euro). Ce qui est inquiétant, c’est que face à la crise actuelle, il n’y a pas de relais de croissance évident pour l’économie mondiale (à moins que les Etats-Unis échappent à la récession).

Sur le marché des changes, l’EUR/USD a connu une pente ascendante presque toute la semaine dernière. Mais la progression de l’euro a été stoppée nette en approche de la zone de résistance située à 1,0505. Tant que ce niveau technique n’aura pas été franchi, cela limite le potentiel haussier de la paire. De notre point de vue, une annonce de la part d’une banque centrale est le seul levier permettant une échappée durable au-dessus des 1,05. La volatilité sur la paire était assez élevée vendredi (en l’absence des cambistes américains qui étaient loin de leurs écrans du fait de Thanksgiving). L’EUR/USD a ainsi perdu plus de 40 pips en moins de vingt minutes sans que cela soit justifié par une quelconque annonce. C’est certainement la faute aux algorithmes de trading (probable un débouclage de positions importantes). D’où l’importance d’avoir une bonne stratégie de couverture quand les volumes se raréfient.

De son côté, l’EUR/CAD continue son ascension (qui a cours depuis environ six mois). En début d’année, la politique monétaire restrictive de la Banque du Canada (BoC) avait aidé le dollar canadien. C’était sans compter sur la baisse du cours des matières premières. Le pétrole WTI (qui est la référence pour le marché américain) a perdu encore 0,87 % en variation hebdomadaire et évolue désormais nettement sous le niveau des 80 dollars le baril. Cela pénalise à long terme la devise canadienne (corrélation positive importante avec les matières premières). Nous sommes long (c’est-à-dire acheteurs) sur la paire EUR/CAD. Le prochain seuil technique à surveiller est la zone de résistance située à 1,3974.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD1,02741,03411,05051,0587
EUR/GBP 0,83650,84800,86770,8756
EUR/CHF 0,96300,97220,99040,9999
EUR/CAD 1,34611,36571,39741,4050
EUR/JPY 142,25143,73146,22147,80

+33 (0)1 48 09 09 83

La semaine qui débute va être importante au niveau du diagnostic économique. C’est cette semaine qu’est publié le rapport sur l’emploi aux Etats-Unis (vendredi). Il s’agit du dernier rapport avant la réunion de la Fed de décembre. Les derniers indicateurs du marché du travail (en particulier les revendications hebdomadaires au chômage) vont dans le sens d’une hausse du chômage à venir mais dans des proportions encore limitées. Cela ne devrait pas trop influer sur la politique monétaire de la Fed à court terme. En revanche, si l’indice ISM manufacturier ressort à 50 en novembre (c’est le seuil qui sépare la contraction de l’activité), cela risque d’accentuer les craintes de récession outre-Atlantique. Évidemment, cela sera surveillé de près par les membres du FOMC. Vendredi soir, il est certain que nous aurions une meilleure visibilité sur l’état réel de l’économie américaine.

Du côté européen, il y a peu de statistiques. Demain, l’Allemagne publie son estimation d’inflation pour le mois de novembre. Elle devrait toujours être trop élevée (au-dessus du seuil des 10% en variation annuelle). La bonne nouvelle, c’est qu’elle devrait un peu chuter.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
29/1114:00Indice des prix à la consommation (Novembre)Baisse amorcée (10,1% contre 10,4% en octobre)
16:00Indice de confiance des consommateurs du Conference Board (Novembre) Hausse à 103,0 contre 102,5 en octobre selon le consensus.
30/1114:15Enquête ADP sur l’emploi privé (Novembre)Repli à 203k contre 239k en octobre (chiffre susceptible d’être révisé)
01/1216:00Indice ISM manufacturier (Novembre)Les analystes prévoient un ISM pile au niveau de 50 qui sépare la contraction de l’expansion. Risque de récession accru aux Etats-Unis ?
02/1214:30Rapport sur l’emploi du Département du Travail (Novembre)A scruter de très près. C’est le dernier état des lieux du marché de l’emploi aux Etats-Unis avant la réunion de mi-décembre de la Fed.

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