Hawk

C’est le mot de la semaine. En français, hawk signifie littéralement faucon. Ce terme a aussi une autre signification dans la sphère des banques centrales. Il fait référence à une personne favorable à une durcissement des conditions monétaires. En l’espace de seulement quelques jours, nous avons eu une accumulation de commentaires hawkish provenant de banquiers centraux aux Etats-Unis, au Canada, en zone euro et même en Suisse. Outre-Atlantique, Jim Bullard, qui est réputé être le membre le plus faucon du FOMC (l’organe qui fixe la politique monétaire), a plaidé pour une accélération du processus de hausse des taux afin que le loyer de l’argent atteigne 3,5% cette année (contre une fourchette comprise entre 0,75% et 1% actuellement). Beaucoup d’économistes considèrent qu’un tel taux pourrait effectivement faire baisser l’inflation durablement mais aussi précipiter l’économie américaine dans la récession. Pour l’instant, le scénario central pour la politique monétaire américaine est inchangé : hausse du taux directeur de 50 points de base en juin puis en juillet avant une pause possible en septembre, en fonction des dernières données macroéconomiques (à la fois portant sur l’évolution des prix mais aussi la croissance).
Au Canada, la banque centrale a augmenté comme prévu son taux directeur de 50 points de base, à 1,50%. Ce n’était pas une surprise pour les cambistes. Le communiqué diffusé dans la foulée de l’annonce était intéressant : il a ouvert la porte à un durcissement monétaire plus rapide. La prochaine fois que la banque centrale va augmenter son taux, elle pourrait décider de frapper plus fort en optant pour une hausse de 75 points de base. Le marché monétaire anticipe désormais que le taux directeur du Canada atteigne 3% d’ici la fin de l’année contre une prévision avant la réunion à 2,75%. Cela devrait continuer d’avantager à moyen terme le dollar canadien face à l’euro (en zone euro, la hausse des taux est en ligne de mire mais elle risque d’être moins prononcée qu’au Canada).
En Suisse, l’inflation est comparativement plus basse que dans la majorité des autres économies développées. L’indice des prix à la consommation (IPC) a atteint – seulement – 2,9% en mai en variation annuelle. Mais la Banque Nationale Suisse (BNS) ne cache pas son inquiétude quant à la dynamique actuelle. Elle craint de réagir trop tard. Elle ne veut pas attendre que l’inflation soit hors de contrôle (comme c’est le cas en zone euro, par exemple). Il est probable que la BNS opte pour une intervention sur les changes afin de contenir les pressions inflationnistes (c’est un canal d’intervention qu’elle connaît bien). A rebours de ce qu’elle a fait au cours des dernières années, elle pourrait décider de vendre des devises étrangères (EUR et USD en particulier) afin d’acheter des francs suisses. Cela aurait pour effet de renforcer le taux de change du CHF et, par corollaire, de réduire l’inflation importée. Nous en avons déjà parlé précédemment. Etant donné le contexte macroéconomique qui a drastiquement changé en l’espace de quelques mois, nous ne serions pas surpris que la BNS voit d’un bon œil une chute de l’EUR/CHF au niveau de la parité à moyen terme. C’était un scénario complètement exclu il y a encore quelques mois de cela.
Enfin, le dernier chiffre de l’inflation en zone euro a de quoi affoler. Le consensus des économistes s’attendait à ce que l’IPC atteigne 7,8% en mai en variation annuelle. Ce fut 8,1% – soit un nouveau record. De nombreux analystes commencent à critiquer l’inaction de la Banque Centrale Européenne (BCE). Cette inaction est aussi désormais critiquée ouvertement par les membres qui appartiennent à la minorité faucon du Conseil des gouverneurs. Immédiatement après la publication de l’inflation, Robert Holzmann a plaidé pour une hausse du taux directeur de 50 points de base en juillet prochain (le consensus prévoit une hausse de seulement 25 points de base qui ne devrait pas objectivement avoir beaucoup d’effet pour contrer la flambée des prix). Tout porte à croire que les tensions vont s’accroître entre membres du Conseil dans les mois à venir sur la trajectoire de hausse des taux à suivre. Une politique monétaire moins lisible signifie, a minima, un regain de volatilité sur l’euro.

C’est d’ailleurs ce qui s’est produit ces dernières séances. La volatilité implicite à une semaine sur l’euro a fortement augmenté, pour passer à 9.0 contre 7.0 fin mai. Nous nous attendons à ce que la monnaie unique continue d’être volatile à court terme. Notre vision reste baissière sur l’EUR/USD. La paire a échoué à plusieurs reprises depuis un mois à franchir durablement le seuil des 1,08 qui aurait pu permettre un changement de tendance de fond. Tant que l’EUR/USD est sous les 1,08, un retour vers les 1,05 est envisageable. L’euro est toujours orienté à la baisse face au dollar canadien également (chute de 1,44% la semaine écoulée et de 5,92% depuis le début de l’année). La combinaison entre une politique monétaire très restrictive au Canada et la poursuite de la hausse du prix des matières premières énergétiques (le prix du pétrole a bondi de 11% en un mois) devrait servir de soutien durable au CAD face à l’EUR dans les mois à venir. Une baisse de l’EUR/CAD sous les 1,34 n’est désormais plus exclue.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD1,05501,03901,08001,0870
EUR/GBP 0,84000,83700,86360,8724
EUR/CHF 1,01681,00461,04101,0532
EUR/CAD 1,34001,33031,36321,3771
EUR/JPY 134,85130,74141,68143,07

+33 (0)1 48 09 09 83

La réunion de la BCE sera le principal point d’attention cette semaine. Une minorité d’analystes du marché des changes n’exclut pas que la BCE, du fait de pressions en interne de la part des faucons, puisse décider d’accélérer son calendrier et d’augmenter son taux directeur dès ce jeudi. Cette hypothèse nous paraît aberrante. Cela irait complètement à l’encontre du forward guidance mis en œuvre par l’institution ces dernières années (qui consiste à communiquer aussi clairement que possible sur la politique monétaire à court terme afin de canaliser les anticipations des acteurs du marché). Nous pensons que la réunion de cette semaine va simplement consister à préparer le terrain à une hausse du taux directeur en juillet prochain. Pour la petite histoire, les deux seules fois où la BCE a augmenté son taux directeur en juillet, c’était à deux reprises juste avant l’entrée en récession de la zone euro…

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
07/0610:30Indicateurs PMI d’activité dans les services et le secteur manufacturier (Mai)Il s’agit d’une seconde estimation – impact nul sur le marché des changes.
09/0513:45Réunion de la banque centraleLa BCE va préparer le terrain à une hausse de son taux directeur de 25 points de base le mois prochain. C’est déjà en grande partie intégré par le marché.
10/0614:30Indice des prix à la consommation (Mai) L’enjeu est simple : est-ce que le pic d’inflation a déjà été atteint comme l’indiquent plusieurs analystes ? C’est ce que croit le consensus qui table sur une baisse de l’inflation à 8,1% en variation annuelle en mai contre 8,3% en avril.

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