La Réserve Fédérale a opté pour une pause de politique monétaire, comme prévu. Mais ce n’était pas le cas de la Banque Nationale Suisse et de la Banque d’Angleterre qui ont pris à revers le marché des changes. L’évolution de la politique monétaire à moyen terme est de plus en plus incertaine. En général, c’est synonyme de plus forte volatilité sur les taux de change, comme on a pu le constater sur le franc suisse jeudi dernier.
Dans le jargon des marchés financiers, on parle de « hawkish pause ». Cela signifie qu’une banque centrale décide de maintenir ses taux inchangés mais qu’elle laisse la porte ouverte, si nécessaire, à une nouvelle hausse. C’est la position adoptée par la Réserve Fédérale américaine (Fed) lors de sa dernière réunion de la semaine dernière. Le taux directeur reste dans le range compris entre 5,25-5,50%, sans surprise. Mais douze membres du FOMC (l’organe chargé de décider de l’évolution de la politique monétaire aux États-Unis) plaident en faveur d’une nouvelle augmentation du loyer de l’argent cette année, potentiellement en novembre. L’hypothèse d’inflation est inchangée pour 2024 par rapport à l’estimation initiale de juin dernier. Il est toutefois évident que le niveau des prix reste la préoccupation première à court terme de la Fed. Il faut s’attendre à ce que l’inflation reste volatile dans les mois à venir en raison de la flambée des prix de l’énergie. Le baril de pétrole a progressé de plus de 30% en trois mois. Cela s’explique à la fois par des problématiques structurelles, comme le fait que le marché soit traditionnellement en déficit d’offre en deuxième partie d’année, et conjoncturelles, comme la volonté de l’Arabie Saoudite et de la Russie de travailler main dans la main pour faire monter les prix.
Mais c’est l’évolution du marché de l’emploi aux États-Unis qui va être le paramètre le plus important à surveiller à long terme. La Fed prévoit une moindre hausse du taux de chômage l’an prochain. Bien qu’en ralentissement, le marché du travail est résilient avec des créations d’emplois qui sont en moyenne de 200 000 par mois actuellement contre 400 000 dans la période post-Covid. En principe, un taux de chômage bas n’empêche pas de baisser les taux directeurs en 2024. Néanmoins, il faudra que le ralentissement économique soit plus prononcé que celui que nous envisageons pour valider l’hypothèse d’une baisse des taux dans le courant du premier semestre 2024 (ce qui correspond aux attentes du marché monétaire).
De ce côté-ci de l’Atlantique, les banques centrales ont pris à revers le marché des changes. La Banque Nationale Suisse (BNS) a décidé de maintenir son taux directeur inchangé à 1,75% alors que le consensus tablait sur une hausse de 25 points de base (en ligne avec la hausse du loyer de l’argent opérée en zone euro en septembre). Traditionnellement, la politique monétaire de la BNS suit de près celle de la Banque Centrale Européenne (BCE). Ce n’est pas le cas cette fois-ci. La BNS a décidé de se focaliser sur la préservation de la croissance économique, dans un contexte de ralentissement généralisé, plutôt que de combattre les tensions inflationnistes qui sont comparativement beaucoup plus faibles dans la Confédération que dans n’importe quel autre pays européen. En résulte un différentiel de taux entre la zone euro et la Suisse qui est à un point haut historique de 275 points de base. C’est énorme. Jusqu’à présent, la hausse du franc suisse reposait en grande partie sur les anticipations que la BNS va durcir sa politique monétaire plus longtemps que la BCE (du fait d’un retard au démarrage). Il semble que ce soit désormais peu probable. Nous ne serions pas surpris d’observer dans les séances et les semaines à venir un débouclage des positions acheteuses sur le franc suisse (ce qui pourrait, en théorie, soutenir l’euro).
De son côté, la Banque d’Angleterre a aussi opté pour le statu quo de politique monétaire à une faible minorité (5 membres du comité de politique monétaire ont voté en faveur du maintien des taux inchangés et quatre membres en faveur d’une hausse de 25 points de base). La trajectoire de la politique monétaire britannique est hautement incertaine à moyen terme. Le Royaume-Uni est le parfait exemple d’une économie en situation de stagflation – croissance faible et inflation élevée. Même si les derniers chiffres de l’inflation étaient plutôt encourageants (6,7% en variation annuelle en août contre un consensus à 7%), il est évident que la bataille contre les prix élevés n’est pas encore gagnée. Mais si la croissance ralentit fortement, ce qui est un risque réel, on peut être confronté à une politique monétaire paralysée (sachant que la marge de manœuvre de la politique budgétaire britannique est réduite). C’est certainement le grand pays développé qui est dans la situation économique la plus complexe. Néanmoins, nous doutons que tout cela exerce une forte influence sur la livre sterling qui, depuis le référendum de 2016, affiche une impressionnante résilience face à l’euro.
Le point technique
Sur le marché des changes, la tendance de fond est toujours baissière sur l’EUR/USD. La réunion de la Fed n’a rien changé. En revanche, l’EUR/CHF a repris un peu de terrain, comme on pouvait l’attendre au regard de la décision de la BNS. La paire évolue désormais au-dessus de la zone de 0,96. On ne peut pas exclure une poursuite du mouvement haussier.
Un mot sur l’Inde puisque nous avons récemment élargi notre couverture de taux de change en incluant plus de devises asiatiques. La paire EUR/INR (euro/roupie indienne) est toujours très clairement sur une tendance haussière avec une progression de près de 12% sur un an. Néanmoins, la tendance pourrait s’inverser à l’avenir. La roupie indienne est clairement sous-évaluée par rapport aux fondamentaux économiques (croissance du PIB réel de 4,8% en rythme annualisé depuis 1951 et depuis 1992 de 5,9%). Surtout, le marché boursier indien connaît la meilleure performance des pays émergents et est à un point haut historique avec une valorisation de 3800 milliards de dollars. C’est clairement un argument phare pour attirer les investisseurs étrangers dans le pays. La combinaison entre une croissance soutenue dans un monde de croissance faible avec un afflux de capitaux entrants est normalement un élément de soutien à long terme de la devise locale. A garder en tête si vous êtes exposés au marché indien.
Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.
Supports | hebdo | Résistances | hebdo | |
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S2 | S1 | R1 | R2 | |
EUR/USD | 1,0513 | 1,0588 | 1,0799 | 1,0901 |
EUR/GBP | 0,8423 | 0,8509 | 0,8787 | 0,8850 |
EUR/CHF | 0,9409 | 0,9509 | 0,9789 | 0,9890 |
EUR/CAD | 1,4110 | 1,4209 | 1,4504 | 1,4610 |
EUR/JPY | 153,91 | 154,13 | 158,14 | 158,99 |
Les annonces à suivre
Cette semaine sera calme sur le front des statistiques. De manière assez inhabituelle, nous serons attentifs à la publication mardi de la confiance du consommateur américain en septembre (Conference Board). Ce n’est pas une donnée de premier plan. Mais nous considérons que le consommateur va être le vrai test pour l’économie américaine dans les mois à venir. C’est donc important de suivre de près tous les indicateurs portant sur la confiance et la consommation. Nous n’excluons pas une mauvaise surprise au niveau du PIB au quatrième trimestre après une croissance probablement très soutenue au troisième trimestre. Cinq facteurs principaux vont peser sur le budget des ménages : la disparition de l’épargne excédentaire liée à la Covid, le credit revolving qui a explosé et qui est à des conditions bien moins favorables, la hausse des taux d’intérêt, la flambée des prix de l’essence et la reprise du remboursement des prêts étudiants en octobre après un gel de trois ans qui était lié aux confinements Covid. Il est donc probable qu’on ait un accident sur la consommation ce trimestre. Pour autant, cela ne signifie pas que l’économie américaine soit face à un risque réel de récession. Cela nous paraît exclu. Nous sommes simplement face à une phase de ralentissement qui est normale à ce moment du cycle. L’attractivité de l’économie américaine demeure comme le prouve l’afflux constant de capitaux étrangers sur le marché américain. C’est d’ailleurs un élément de soutien à long terme du dollar américain.
Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.
Jour | Heure | Pays | Indicateur | À quoi s'attendre ? |
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Le 25/09/2023 | 10:00 | ALL | Indice IFO du climat des affaires (Septembre) | Précédent à 85,7. |
Le 26/09/2023 | 16:00 | USA | Confiance des consommateurs du Conference Board (Septembre) | Précédent à 106,1. |
Le 29/09/2023 | 14:30 | USA | Indice PCE core (Août) | C’est la mesure privilégiée de l’inflation par la Réserve Fédérale américaine. Précédent à 4,2% sur un an. |
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