Le vrai risque de ce début d’année

C’est la rentrée et nous espérons que vous avez passé d’agréables fêtes de fin d’année. Comme c’est toujours le cas en janvier, le consensus de marché fait part de ses craintes pour les mois à venir. Tout le monde évoque le risque d’une forte chute du yuan qui pourrait relancer la guerre des devises. Ce n’est pas notre avis. Il faudrait plutôt s’inquiéter de ce qui se passe sur le marché obligataire américain en ce moment.

Et c’est reparti pour un tour ! Le consensus de marché prédit une nouvelle guerre des devises cette année. La Chine laisserait le yuan s’effondrer en réponse à la menace de guerre commerciale brandie par les Américains. En retour, cela pousserait d’autres pays, notamment en Asie, à déprécier leur monnaie afin de renforcer artificiellement leur compétitivité-prix. Nous serions de nouveau face à la situation des années 2010 lorsque plusieurs pays ont volontairement laissé leur monnaie se déprécier pour sortir de la crise financière.
Est-ce crédible ? Pas vraiment. Certes, en l’espace de deux mois, le yuan a chuté de 5% par rapport au dollar américain. Et c’est sans doute une réponse à la menace de nouveaux tarifs douaniers. Cependant, il est peu probable que Pékin autorise sa monnaie à chuter beaucoup plus en 2025. La Chine a un excédent commercial de plus de 1000 milliards de dollars. Ses exportations ont augmenté en volume de 12% sur un an tandis que les importations ont ralenti fortement ; signe que la demande intérieure est à la traîne. Habituellement, dans de telles circonstances, on ne recommande pas de déprécier (ou dévaluer) la monnaie. C’est uniquement le levier de la relance budgétaire qui peut permettre de rééquilibrer la balance commerciale et de stimuler de nouveau l’économie.
Sur le papier, cela peut sembler aisé. Mais c’est compliqué dans le cas chinois. Le gouvernement central possède une ample marge de manœuvre budgétaire, étant peu endetté. C’est une autre affaire pour les gouvernements locaux. En outre, il est difficile pour la Chine de bien canaliser les mesures de relance dans les secteurs qu’elle souhaite prioriser. Par le passé, toutes les relances ont abouti à créer des bulles spéculatives, particulièrement dans l’immobilier et le secteur public. Une relance budgétaire est évoquée depuis des mois par le consensus de marché. Pour l’instant, elle ne se concrétise pas. Peut-être faudra-t-il encore attendre… Ce qui est certain pour nous, c’est qu’une forte dépréciation du yuan n’est pas à l’ordre du jour. Cela n’aiderait en rien l’économie chinoise. Pire, cela pourrait provoquer de nouveaux déséquilibres en accélérant la fuite des capitaux.
Le vrai problème pour 2025, c’est ce qui est en train de se passer sur le marché obligataire. Nous assistons depuis le mois de septembre à une hausse des taux de rendement (ou, dit autrement, du coût de l’argent). C’est complètement contre-intuitif. L’amorce d’un cycle de baisse des taux par la Réserve Fédérale américaine (Fed) se traduit en général par une baisse des taux de rendement. Certains considèrent que c’est la reflation attendue avec l’arrivée de Trump (certaines mesures économiques mises en avant par la nouvelle administration américaine sont inflationnistes). Ce n’est pas notre avis. Il semble plutôt que le marché obligataire considère que la Fed est en retard par rapport au cycle économique et qu’elle va être contrainte de baisser ses taux plus rapidement que prévu cette année, si le marché de l’emploi montre de nouveau des signes de fragilité.
Cette hausse des taux de rendement sur l’obligataire ne touche pas que les Américains. Elle se propage à l’ensemble du monde, y compris à la France, puisque les taux américains – sans surprise – donnent le là sur le marché obligataire. Les conséquences peuvent être énormes : hausse du coût du capital, difficulté de refinancement pour les entreprises les plus endettées, alourdissement du fardeau de la dette pour le secteur public etc. Quel impact pour le marché des changes ? En théorie, une hausse des taux obligataires conduit à une appréciation du dollar américain (puisque les rendements offerts sur la dette américain augmentent et sont donc plus attrayants). Cela confirme notre vision pour 2025 : ce sera une année de dollar fort, surévalué, comme ce fut le cas en 2024. Actuellement, le dollar est surévalué de 9% par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux des États-Unis. Ce niveau devrait être maintenu pendant quasiment toute l’année.

Le point technique

Sur le marché des changes, la semaine dernière a été calme, sans surprise. Il n’y a pas eu de changements de tendance notable. L’EUR/USD suit toujours un mouvement baissier marqué. Un point bas de deux ans a été atteint lors de la séance de jeudi dans un marché manquant de liquidité. Le dollar s’est également renforcé face à la livre sterling, atteignant un point haut depuis mai 2024. Pour les autres paires de devises majeures, il y a eu assez peu de mouvements. L’EUR/JPY est toujours proche du point pivot situé à 161 tandis que la paire EUR/CAD reste autour du range compris entre 1,48-1,50. Ce sera certainement dans les séances à venir qu’il y aura un peu plus de volatilité.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,02001,02251,04501,0490
EUR/GBP 0,82000,82230,84200,8455
EUR/CHF 0,92000,92330,94320,9478
EUR/CAD 1,47091,47881,49031,5000
EUR/JPY 159,89160,10162,56163,35

Les annonces à suivre

L’année commence sur les chapeaux de roue avec les chiffres de l’inflation en zone euro en décembre. Sans surprise, l’inflation reste proche de la cible (2,2% sur un an en décembre). Mais il pourrait y avoir à court terme des tensions à cause de la hausse des prix de l’énergie, en particulier du gaz qui a atteint un point haut depuis deux ans. Rien qui ne remette en cause, toutefois, le processus de baisse des taux.

Outre-Atlantique, à cause d’un changement de méthodologie il y a un an, l’enquête ADP n’est plus du tout suivie par le marché. En revanche, la rapport NFP, attendu en fin de semaine, sera crucial pour savoir ce qui va attirer l’attention de la Fed dans les mois à venir (est-ce que ce sera l’inflation ou le marché du travail ?). On peut s’attendre dans la foulée à un regain de volatilité sur les paires en USD. C’est un rapport important.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 07/01/202511:00EUROZONEIndice des prix à la consommation (Décembre)Consensus à 2,2% sur un an.
Le 08/01/202514:15USACréations d’emplois non agricoles (Décembre)Peu d’impact. L’enquête ADP est désormais considérée comme peu représentative du marché du travail
Le 09/01/202514:30USA
Rapport NFP (Décembre)Précédent à 227k.

Les informations présentées sur cette publication, vous sont communiquées à titre purement informatif et ne constituent ni un conseil d’investissement, ni une offre de vente, ni une sollicitation d’achat, et ne doivent en aucun cas servir de base ou être pris en compte comme une incitation à s’engager dans un quelconque investissement.