Patatras

Ceux qui pensaient que l’année 2024 serait celle de la baisse du dollar ont eu tort jusqu’à présent. Il est désormais acquis que la Fed ne va pas baisser ses taux en juin prochain. Le différentiel de taux qui va se créer entre les États-Unis et le reste du monde plaide pour le maintien d’un dollar fort. C’est une mauvaise nouvelle pour tous les partenaires commerciaux des États-Unis.

« Si l’inflation persiste, la Fed peut maintenir le niveau des taux inchangé aussi longtemps que nécessaire ». C’est la phrase choc de la semaine dernière. Elle a été prononcée par le président de la Fed, Jerome Powell. Elle confirme ce que le marché des changes savait depuis un moment : la Fed va baisser ses taux bien plus tard que les autres banques centrales des pays du G10. Dans la foulée, le taux des obligations souveraines des États-Unis a bondi à un point haut depuis novembre 2023 et le dollar américain a continué d’engranger les gains. Le dollar index, qui mesure l’évolution du billet vert face aux devises des principaux partenaires commerciaux des États-Unis, a renoué avec son niveau de début novembre 2023. Il est désormais acquis que la Fed ne va finalement pas amorcer le cycle de baisse des taux en juin. C’était pourtant le scénario central du marché jusqu’à il y a peu. De même, l’ampleur de la baisse des taux devrait être très limitée en 2024. Début janvier, le consensus tablait sur huit baisses de taux. Il n’en prévoit plus que deux. Pire, certains analystes considèrent que la Fed pourrait tout simplement ne pas baisser ses taux cette année. Dans une note qui n’est pas passée inaperçue la semaine passée, les stratégistes de la Bank of America ont indiqué s’attendre à ce que le statu quo monétaire perdure jusqu’en…mars 2025 ! Cela ne nous paraît pas crédible. Néanmoins, cela souligne à quel point les tensions inflationnistes sont persistantes de l’autre côté de l’Atlantique, ce qui complique sérieusement l’exercice de prévision. Même la Fed semble désarmée face au regain de l’inflation. Il s’explique à la fois par l’inflation dans les services – nous en parlions lundi dernier – mais aussi par une reprise de la boucle prix-salaire. Un Américain qui décide de changer d’emploi aujourd’hui peut escompter une hausse de salaire moyenne de 10%. C’est énorme.
Quelle conséquence pour le marché des changes ? Le dollar fort devrait rester la norme. On sait que l’un des facteurs qui influence le plus les taux de change est le différentiel de taux. Il est évident qu’il est très nettement favorable au dollar. Un investisseur peut prétendre placer son argent aux États-Unis à 5% alors qu’en zone euro le loyer de l’argent est à 4% et devrait chuter dès le mois de juin. On ne peut pas lutter contre cela. Ajoutons également la surperformance de l’économie américaine, les flux de capitaux qui vont directement sur la bourse américaine, les gains de productivité du secteur énergétique américain et on a un cocktail parfait pour une poursuite de la hausse du dollar. Pour une fois, d’ailleurs, la force du dollar ne semble pas être un sujet de préoccupation à Washington. En revanche, c’est un problème pour les partenaires des États-Unis. L’euro est évidemment pénalisé. Mais la situation est bien pire en Asie. Le yen japonais s’effondre. Il a atteint un point bas de 34 ans face au dollar. Le dong vietnamien a atteint un point bas historique face au dollar vert. Quant au won sud-coréen, les données portant sur le positionnement des spéculateurs indiquent qu’il n’a jamais été aussi survendu depuis 13 ans. Bref, un monde de dollar fort est un problème pour tout le monde, à l’exception des États-Unis.
Heureusement, l’inflation reflue dans d’autres parties du monde. La bonne nouvelle de la semaine dernière, c’est la baisse de l’inflation au Canada. L’inflation sous-jacente est retombée à 1,25% en moyenne sur les trois derniers mois. C’est un signal très positif. Pour nous, cela ouvre grand la porte à une baisse des taux dès le mois de juin par la Banque du Canada (en même temps que la Banque Centrale Européenne et la Banque Nationale Suisse). L’inflation est également plutôt en repli au Royaume-Uni mais il faudra certainement attendre plus de données pour savoir quand la Banque d’Angleterre va pouvoir agir. Une baisse des taux est exclue en mai prochain. En revanche, il y a un débat entre juin et août (nous penchons plutôt pour la dernière option en tenant compte des dernières statistiques). Le timing de la baisse des taux ne devrait toutefois pas beaucoup influencer la livre sterling. La paire EUR/GBP évolue dans une situation de range depuis déjà plusieurs mois.

Le point technique

Sur le marché des changes, l’hégémonie du dollar américain est incontestable et nous ne pensons pas que cela va changer de sitôt. Cela plaide en faveur d’une continuation de la baisse de l’EUR/USD. Nous pensons désormais qu’un test de la zone de 1,05 est possible à moyen terme, surtout après la baisse des taux de la Banque Centrale Européenne en juin prochain. Attention au yen japonais. La forte dépréciation face à quasiment toutes les devises (dollar, euro et yuan) renforce le scénario d’une intervention directe par Tokyo sur le marché des changes. Il faut donc penser à se couvrir en cas d’exposition à la devise car il pourrait y avoir des mouvements erratiques prochainement.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,05041,05901,07441,0854
EUR/GBP 0,83440,84010,86010,8655
EUR/CHF 0,95800,96540,98330,9903
EUR/CAD 1,44551,45011,47881,4834
EUR/JPY 162,55163,01165,55166,02

Les annonces à suivre

À l’agenda cette semaine : la réunion de la Banque du Japon et l’indice PCE core pour les États-Unis. La Banque du Japon n’a pas fermé la porte à une nouvelle hausse des taux cette année. Dans tous les cas, elle n’interviendra pas cette semaine. Nous savons que le Japon est engagé dans une politique de normalisation avec pilotage fin.
Attention concernant la publication de l’indice PCE core ce vendredi. La méthodologie de calcul est très différente de celle de l’indice des prix à la consommation (IPC). Par conséquent, les fortes tensions inflationnistes observables dans la dernière publication de l’IPC ne devraient pas être perceptibles dans le PCE core. Cela ne change pas la situation du point de vue de la politique monétaire outre-Atlantique.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 23/04/202415:45USAPMIs manufacturier et services (Avril)Tous les deux sont attendus en territoire d’expansion (> à 50).
Le 24/04/202410:00ALLIndice IFO (Avril)Précédent à 87,8.
Le 26/04/202405:00JAPRéunion de la banque centraleUne nouvelle hausse des taux est peu probable, à ce stade.
Le 26/04/202414:30USAIndice PCE core (Mars)Précédent à 2,8% sur un an.

Les informations présentées sur cette publication, vous sont communiquées à titre purement informatif et ne constituent ni un conseil d’investissement, ni une offre de vente, ni une sollicitation d’achat, et ne doivent en aucun cas servir de base ou être pris en compte comme une incitation à s’engager dans un quelconque investissement.