Oups

La publication de l’inflation américain a constitué un choc pour le marché des changes. En début d’année, les cambistes tablaient sur au moins quatre baisses de taux par la Fed en 2024. Ils n’en anticipent plus que deux, avec un début du processus en septembre. Si c’est confirmé, cela devrait conforter la position forte du dollar par rapport aux autres devises, en particulier par rapport à l’euro.

On peut décortiquer les chiffres dans tous les sens, c’est mauvais. L’inflation américaine est trop élevée et elle accélère. L’indice des prix à la consommation a atteint 3,5% sur un an en mars contre 3,2% en février et un consensus à 3,4%. Hors éléments volatils, c’est pire. On atteint 3,8% sur un an et même 0,4% sur un mois (ce qui est beaucoup). En cause : l’inflation dans les services qui reste toujours très importante, en particulier les assurances et le transport. Ce n’est pas nécessairement structurel. Mais cela souligne clairement qu’il est encore trop tôt pour envisager une baisse des taux. À moins d’avoir des chiffres de l’emploi très décevants à court terme – ce qui est fortement improbable – une baisse des taux directeurs américains en juin devient difficile à justifier. D’ailleurs, le marché des changes ne croit pas à cette hypothèse. Une majorité des opérateurs table désormais sur seulement deux baisses de taux cette année, avec un début en septembre. En janvier dernier, le consensus prévoyait au moins quatre baisses de taux. Il faut nécessairement d’autres statistiques pour affiner ces anticipations. Mais ce qui est certain à ce stade, c’est qu’une baisse en juin, qui faisait encore consensus il y a trois semaines de cela, n’est désormais plus une éventualité crédible. Nous vous le disions en début d’année, la bataille contre l’inflation ne se gagne pas aisément, surtout dans un contexte américain où les ménages continuent de consommer et ont des hausses de salaire importantes (les revenus personnels ont bondi en début d’année et ceux qui changent d’emploi ont en moyenne une hausse de salaire de 10% !). Ce n’est pas le cas en zone euro… D’où le fait que le travail de la Banque Centrale Européenne (BCE) soit un peu plus facile.
Hors pays développés, l’attention se porte toujours sur la Chine. Pendant longtemps, les analystes espéraient que la Chine soit un relais de croissance mondial. C’est raté. La consommation est à la traîne. Ne parlons même pas du secteur de l’immobilier. Des analystes évoquent la possibilité de mesures de soutien directement aux ménages via le versement de cash (en économie, on parle d’helicopter money). Ce fut testé pendant la Covid sans grand succès dans plusieurs grandes villes. La Thaïlande s’oriente vers ce type de mesure à la suite de l’adoption d’un programme de distribution d’argent pour un montant de 14 milliards de dollars qui va être financé à la fois par le budget de l’État (donc les impôts) et les banques publiques. Ce qui est certain, c’est que la Chine va certainement regarder de près si ce dispositif fonctionne sur la durée et permet de stimuler l’économie via la consommation. À ce stade, nous pensons plutôt que la Chine va se contenter de mesures de soutien ciblées à destination du secteur des exportations. C’est ce qu’elle fait systématiquement lorsque l’économie montre des signes d’essoufflement. C’est assez efficace. En revanche, c’est insuffisant pour que la Chine retrouve son rôle de locomotive de l’économie mondiale.

Le point technique

Sur le marché des changes, les principales tendances sont inchangées. Les cambistes favorisent toujours le dollar américain. Pour la troisième semaine consécutive, les positions acheteuses de la part des investisseurs institutionnels et des spéculateurs ont augmenté sur le dollar (rapport Commitment of Traders de la CFTC). Cela s’explique en partie par le repricing du risque lié à l’élection présidentielle américaine (ce qui favorise le dollar en tant que valeur refuge) et par l’hypothèse que la Réserve Fédérale américaine (Fed) baisse ses taux moins rapidement et dans une ampleur plus faible que prévu en raison de pressions inflationnistes persistantes.

Le marché ne croit toujours pas à un retour en grâce du yen japonais même si la Banque du Japon a évoqué la possibilité d’une nouvelle hausse des taux dans le courant de l’année. Les positions vendeuses sur le yen sont à un point haut depuis dix-sept ans. On ne voit pas ce qui pourrait inverser la tendance. Une hausse des taux, même si elle avait lieu, serait certainement de faible ampleur donc cela ne changera pas la donne pour le yen. Tout au plus peut-on anticiper des prises de bénéfices à un certain stade qui pourraient redonner un peu de vigueur temporairement à la monnaie japonaise. Nous considérons que le yen faible va perdurer toute l’année.

La faible volatilité est l’autre point de vigilance à avoir en tête. La volatilité implicite sur la paire EUR/USD est inférieure à 5%. C’est anormal. C’est le cas pour toutes les paires majeures. L’absence de grand risque géopolitique (même s’il y a des sujets de tension) et la relative stabilité des données macroéconomiques expliquent certainement en partie cette atonie. Jusqu’à quand ? Difficile de le dire. Il faut reconnaître qu’on ne voit pas bien quel risque pourrait surgir à court terme sur les marchés financiers.

Plus anecdotique mais d’importance toutefois : le shekel israélien continue de s’effondrer du fait des craintes d’une escalade des tensions. Israël continue d’être frappé par les roquettes du Hamas, en dépit de l’offensive à Gaza, les attaques du Hezbollah, les attaques terroristes quasiment quotidiennes sur son territoire et fait en plus face à la menace d’une frappe iranienne. Ça fait beaucoup pour un si petit pays. Dans un tel contexte, aucune monnaie ne peut résister. La banque centrale s’est abstenue la semaine dernière de baisser ses taux par crainte de fragiliser encore davantage le shekel alors qu’une baisse des taux pourrait être bénéfique pour l’économie. À surveiller.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06011,06551,09211,1011
EUR/GBP 0,83880,84110,86110,8690
EUR/CHF 0,95440,96900,99551,0133
EUR/CAD 1,45341,46011,48551,4901
EUR/JPY 162,45163,11165,11166,01

Les annonces à suivre

Aucune statistique majeure cette semaine pour le marché des changes. Le chiffre du PIB chinois sera important à regarder mais on sait que sa fiabilité est faible. À la marge, si les résultats d’entreprises aux États-Unis sont bons – ce qui est probable – cela va peut-être un peu favoriser l’appétit au risque. L’inflation en zone euro sera un non-évènement puisqu’il s’agit de la deuxième estimation qui ne diffère jamais de la première. La porte est toujours grande ouverte pour une baisse des taux en zone euro au mois de juin.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 16/04/202404:00CHIPIB au T1Précédent à 5,2%.
Le 17/04/202411:00EURInflation (Mars)Deuxième estimation donc faible impact sur le marché.
Le 18/04/202414:30USAIndice manufacturier de la Fed de Philadelphie (Avril)Précédent à 3,2.

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