Toujours plus haut

L’inflation accélère. Les banques centrales n’ont pas d’autres choix que d’envoyer des signaux très clairs au marché des changes sur leur volonté de combattre les pressions inflationnistes. Outre-Manche, l’indice des prix à la consommation (IPC) a dépassé les attentes au mois de mars, à 7% en variation annuelle. Le consensus des analystes prévoit désormais que l’inflation britannique connaîtra un pic autour de 10% cette année. Outre-Atlantique, l’IPC a atteint le niveau stratosphérique de 8,5% sur la même période. En excluant les éléments les plus volatils (comme les prix de l’énergie), l’inflation reste douloureusement élevée à 6,5%. Les prix à la production (qui ont un impact direct sur les marges des entreprises) ont également fortement augmenté à 11,2% en variation annuelle (là encore, c’est plus que le consensus qui tablait sur 10,6%). Un peu partout dans les pays développés et les pays émergents, l’inflation est désormais hors de contrôle. Pendant de longs mois, les entreprises ont essayé de rogner sur leurs marges mais ce n’est dorénavant plus possible. Les hausses de prix sont répercutées sur les consommateurs. Au cours des dernières semaines, plusieurs pays ont averti que la consommation a certainement fortement ralenti au premier trimestre, bien avant que la guerre en Ukraine n’éclate (selon nous, c’est une lecture très simpliste de considérer que la guerre est la cause de tous les maux actuels de l’économie mondiale).
Face à l’envolée des prix, les banques centrales ne peuvent opter que pour une seule stratégie : durcir la politique monétaire. Comme prévu, la Banque du Canada (BoC) a porté son taux directeur principal à 1% contre 0,50% précédemment. Il s’agit de la plus forte hausse en l’espace de vingt ans. D’autres vont survenir très rapidement. Les cambistes prévoient que le taux directeur canadien pourrait monter au cours du cycle économique actuel jusqu’à au moins 3% (cela implique au moins 10 hausses de taux de 25 points de base dans les trimestres à venir). En outre, la BoC prévoit d’enclencher à partir du 25 avril prochain la réduction du bilan avec le non-remplacement des obligations arrivées à échéance (cela s’apparente à une forme de durcissement monétaire). L’EUR/CAD a peu réagi à cette annonce. Tout était déjà intégré dans les prix du marché depuis plusieurs semaines.
En zone euro, la Banque Centrale Européenne (BCE) reste plus prudente sur la voie à suivre. « La guerre en Ukraine affecte sévèrement l’économie de la zone euro et a considérablement accru l’incertitude », a noté Christine Lagarde jeudi dernier. La BCE est particulièrement floue sur la remontée des taux, ce qui semble indiquer des dissensions entre les faucons et les colombes au sein du Conseil des gouverneurs. La progression de l’inflation devrait toutefois la forcer à agir tôt ou tard (l’IPC frôle le niveau des 8% en variation annuelle en mars). Beaucoup d’analystes anticipent que la réunion de juin prochain va fournir un calendrier plus clair de hausse des taux directeurs. Il faudra donc encore patienter. L’EUR/USD a poursuivi sa baisse dans la foulée de la réunion en s’échangeant sous les 1,08.
Enfin, la hausse de l’inflation met la pression sur les petits pays émergents. Les grandes économies émergentes sont pour l’instant résilientes, notamment grâce à la crédibilité de leurs banques centrales qui ont augmenté très tôt les taux directeurs. Toutefois, ce n’est pas anodin, nous avons eu le premier défaut souverain depuis la pandémie la semaine dernière. Le Sri Lanka (petite île située dans l’océan Indien près de l’Inde) a fait défaut sur une partie de sa dette libellée en dollar américain. L’objectif du gouvernement sri lankais est d’utiliser ses dollars pour continuer à importer des produits de première nécessité plutôt que pour régler les créanciers détenteurs de la dette du pays. Il est probable que d’autres pays soient confrontés à ce choix difficile à court terme. Les maillons faibles se trouvent essentiellement en Afrique et dans le Sud de l’Asie. Il y aura d’autres défauts souverains. C’est certain. Mais pour le moment cela n’entraîne pas de remous sur le marché des changes, en tout cas pas sur les principales monnaies.

La paire EUR/USD est en repli ces dernières séances. Il est difficile de ne pas voir l’euro baisser davantage face à la monnaie américaine. L’analyse technique indique que le prochain niveau de support à surveiller se situe autour des 1,0730 (point bas du 24 avril 2020). En cas de cassure, on peut légitimement attendre une baisse en direction des 1,0650. Etant donné les informations en notre possession à l’heure actuelle, nous ne voyons strictement pas ce qui pourrait empêcher ce scénario baissier de se produire. Nous maintenons également une vision baissière pour l’euro face au dollar canadien (qui est aidé par le durcissement monétaire de la BoC) et face à la livre sterling (qui affiche une très bonne résilience).

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD1,04801,06501,10841,1183
EUR/GBP 0,80200,81680,83480,8429
EUR/CHF 0,99301,00101,02831,0421
EUR/CAD 1,32211,34321,38591,4080
EUR/JPY 132,23134,48137,41138,80

+33 (0)1 48 09 09 83

C’est une nouvelle semaine de transition pour le marché des changes. Il y aura peu d’indicateurs économiques majeurs (voir tableau ci-dessous). Comme nous nous y attendions, la guerre en Ukraine n’est plus un sujet pour les cambistes. Sauf surprise, nous devrions donc assister à une baisse de la volatilité sur les principales paires dans les séances à venir et au maintien des tendances des dernières semaines.

Bon lundi de Pâques à toutes et à tous.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
20/0416:00Ventes de logements existants (Mars)Baisse à 5,80M contre 6,02M en février.
21/0411:00Indice des prix à la consommation (Mars)Dernière estimation pour le mois de mars attendue à 7,5% en variation annuelle (aucun changement par rapport à l’estimation précédente)
14:30Indice manufacturier de la Fed de Philadelphie (Avril)Consensus des analystes à 20,9 contre 27,4 en mars.
22/0409:30PMI manufacturier (Avril)Consensus à 55,8 contre 56,9 en mars. C’est toujours un chiffre très positif.

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