Trump est de retour !

La Banque Centrale Européenne (BCE) fait sa rentrée cette semaine. Si vous vous attendez à ce qu’elle dévoile un calendrier de baisses des taux, vous allez être déçus. Comme lors des semaines précédentes, la BCE devrait souffler le chaud et le froid et laisser planer le doute quant au timing de la première baisse.

2024 est une intense année électorale. Comme prévu, l’ancien président Donald Trump s’est imposé largement dans le caucus de l’Iowa, première étape de la primaire républicaine (51% des voix). Il confirme son statut de favori. Sauf surprise de dernière minute (notamment en cas d’inéligibilité décidée par les tribunaux), Trump devrait être le candidat du Parti républicain lors de l’élection présidentielle du 5 novembre prochain face au président sortant Joe Biden. A en croire une majorité d’analystes, c’est une mauvaise nouvelle. Dans un rapport publié la semaine dernière, Commerzbank a mis en garde contre une remise en cause de l’indépendance de plusieurs institutions américaines, dont la Réserve Fédérale (Fed), en cas de victoire du républicain. Cela va sans dire, selon la banque allemande, ce serait négatif pour les actifs libellés en dollar (actions et obligations en tête). Point important : pour l’instant, le candidat n’a jamais évoqué cette possibilité. Il ne prévoit pas une reprise en main de la politique monétaire par le politique. On a donc un peu l’impression que le marché joue à se faire peur.
Analysons les grandes lignes de son programme pour y voir plus clair. Il y a d’un côté les mesures difficiles voire impossibles à mettre en œuvre. Par exemple, il ambitionne de créer dix « villes de la liberté » de la taille de Washington (177.0 km², soit plus d’une fois et demie la superficie de Paris) où « on ira au bureau en voiture volante ». C’est le volet concernant la mobilité. Il est également confiant dans sa capacité à mettre un terme à la guerre entre l’Ukraine et la Russie en « 24 heures ». C’est optimiste. De l’autre, il y a les mesures plus susceptibles d’être mises en œuvre, en particulier le volet du protectionnisme économique. Il souhaite un droit de douane universel de 10% sur tous les produits importés aux États-Unis et l’élimination sur une période de quatre ans des importations chinoises de produits électroniques, d’acier et de produits pharmaceutiques. Tout cela peut aboutir à une intensification de la guerre commerciale. On peut aisément imaginer que les pays soumis à un droit de douane universel de 10% décident des mesures de rétorsion. Si c’est le cas, Trump a menacé de surenchérir et d’augmenter encore davantage les tarifs douaniers…Bref, cela peut être sans fin. Ce que l’histoire nous a enseigné, c’est que les droits de douane élevés sont négatifs pour la croissance car ils réduisent les échanges, aboutissent à un regain d’inflation et nuisent à la consommation. Mais c’est évidemment plus complexe. Les droits de douane peuvent aussi inciter à des relocalisations ricardiennes (se basant sur un avantage comparatif) dans les pays où les biens produits sont vendus. Cela peut se faire à coup de subventions. C’est un peu ce que font les États-Unis avec le secteur des semi-conducteurs. Afin de réduire la dépendance de la filière à la Chine et à une éventuelle intensification de la guerre commerciale, Washington a subventionné les relocalisations d’usines sur le territoire américain en mettant sur la table des milliards de dollars. C’est efficace. Comme on le voit, le protectionnisme économique n’est pas nécessairement mauvais.
Qu’en est-il pour les devises ? Le consensus considère qu’un regain de protectionnisme serait synonyme de baisse du dollar. Là encore, ce n’est pas si simple. L’évolution du billet vert va dépendre de nombreux autres paramètres, comme l’amplitude du cycle de baisse des taux par la Fed et à quel point la politique budgétaire américaine sera expansionniste. Ce sont deux facteurs qui ont certainement plus d’importance sur la tenue du dollar à moyen terme qu’une éventuelle victoire de Trump. Pour nous, le retour du républicain à la Maison Blanche devrait surtout renforcer la volatilité sur le marché des changes. En réaction aux polémiques lancées par Trump, nous pourrions avoir des mouvements abrupts sur le dollar, et potentiellement sur l’euro et le yuan. Le tout avec, en toile de fond, un risque géopolitique déjà élevé, une croissance en berne au niveau mondial et des routes commerciales qu’on pensait sûres mais qui ne le sont finalement pas. En soi, c’est déjà propice au retour de la volatilité.

Le point technique

Sur le marché des changes, le dollar index a atteint un point haut d’un mois dans la foulée de la victoire de Trump. Si on ajoute à cela les incertitudes concernant le rythme de baisse des taux des deux côtés de l’Atlantique (un sujet que nous avons longuement évoqué la semaine dernière), tout conduit logiquement à une baisse de l’EUR/USD. La paire affiche un repli de 1,4% depuis le début de l’année. Nous nous attendons à ce que le mouvement de baisse se poursuive. Face à ses autres contreparties, l’euro est en hausse. La progression de l’EUR/JPY est le phénomène le plus marquant de la semaine écoulée (+2,8% depuis le début de l’année). Maintenant que les cambistes ont compris que la Banque du Japon ne va pas normaliser prochainement sa politique monétaire, les vendeurs s’en donnent à cœur joie sur le yen japonais. L’euro est également en progression face au dollar canadien (CAD) – mais dans des proportions moindres. Cela s’explique surtout par une baisse du CAD, la devise étant pénalisée par le niveau très bas des matières premières, en particulier du pétrole. C’est, selon nous, un phénomène durable.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06501,07341,10551,1099
EUR/GBP 0,84540,85110,86990,8721
EUR/CHF 0,91230,92440,94560,9501
EUR/CAD 1,44111,45111,47451,4810
EUR/JPY 156,44158,44161,88162,67

Les annonces à suivre

C’est cette semaine que les banques centrales font leur rentrée. La Banque Centrale Européenne (BCE) va être le principal point d’attention. De plus en plus d’analystes s’attendent à ce que l’institution baisse les taux avant la Fed (ce qui renforcerait le biais baissier de l’euro face au dollar). Les arguments en faveur de ce scénario sont nombreux. Le processus de désinflation se poursuit sans encombre en zone euro. L’objectif d’inflation à 2% est désormais atteignable à moyen terme. Selon les dernières projections de la BCE, l’indice des prix à la consommation devrait atteindre 2,1% en 2025. Des mesures plus fines de l’inflation vont également dans ce sens. L’indice PCCI (Persistent and Common Component of Inflation) hors alimentation et énergie, qui est l’indicateur favori de la banque centrale pour mesurer les pressions inflationnistes en zone euro, a chuté sous 2% en novembre. C’est très encourageant. Enfin, tout porte à croire que la boucle prix-profit, qui a alimenté la hausse des prix sur une partie de l’année 2023, n’est plus un sujet. La bataille contre l’inflation n’est pas complètement terminée. Mais tout indique que le pire est désormais derrière nous. Voilà pour la partie économique. On sait que la BCE prend en compte aussi d’autres paramètres, y compris politiques, pour conduire la politique monétaire. Par le passé, elle a souvent été critiquée pour son excès de prudence. Il n’est pas improbable qu’elle commette de nouveau cette erreur en préférant que ce soit la Fed qui enclenche le cycle de baisse des taux plutôt qu’elle, alors que la conjoncture économique s’y prête.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 24/01/202416:00CANRéunion de la banque centraleTaux directeur principal maintenu à 5%
Le 25/01/202414:15EURRéunion de la banque centraleTaux directeur principal maintenu à 4,50% et taux de dépôt à 4,00%.
Le 25/01/202414:30USAPrécédent à 4,9%Précédent à -10,5.
Le 26/01/202414:30USAIndice PCE core (Décembre)Précédent à 3,2% sur un an et 0,1% sur un mois

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