Un cap est franchi

C’est confirmé, les grandes banques centrales occidentales pivotent et vont amorcer un cycle de baisse des taux directeurs l’an prochain pour soutenir l’économie. Pour l’instant, les actifs à risque, en particulier l’euro, sont les principaux bénéficiaires. Mais nous pensons que cela ne va pas durer. Le marché est trop négatif concernant le dollar américain. Les fondamentaux de l’économie américaine sont très bons. Nous nous attendons à ce que la croissance économique soit plus forte de l’autre côté de l’Atlantique qu’en zone euro, ce qui va finir par soutenir le dollar.

C’est fait. Cela fait plusieurs mois que les marchés attendaient. Enfin ! Les banques centrales effectuent leur pivot de politique monétaire. L’année 2023 fut marquée par un durcissement inédit des conditions monétaires – hausse de 520 points de base des taux directeurs au niveau mondial. L’année à venir sera celle de la baisse des taux. Le calendrier exact n’est pas encore défini. Une minorité d’analystes considère que le cycle d’assouplissement va débuter dès la fin du premier trimestre 2024. La majorité table plutôt sur le deuxième trimestre. A ce stade, cela ne change pas grand-chose. Les anticipations de baisses des taux vont, dans tous les cas, continuer de fluctuer dans les semaines à venir en fonction de l’évolution des statistiques et des discours des banquiers centraux. Ce qui est remarquable dans le processus qui s’amorce, c’est que pour la première fois, les réductions de taux attendues ne sont pas la conséquence d’une récession mais bien de la volonté de prolonger le cycle d’expansion économique. L’économie faiblit. En France, la croissance devrait péniblement atteindre 0,8% l’an prochain. Aux Etats-Unis, ce sera sûrement mieux, compris entre 1,2-1,5% en fonction des instituts de sondage. L’objectif des banques centrales est donc de donner un coup de fouet aux économies, en permettant une relance du crédit et de la consommation.
Il y a bien-sûr des exceptions. En Norvège, aucun pivot n’est en ligne de mire. Jeudi dernier, la Norges Bank a décidé d’augmenter son taux directeur alors que toutes les autres banques centrales maintiennent ou baissent les taux. Le loyer de l’argent s’établit désormais à 4,5% et il devrait rester à ce niveau encore longtemps selon la banque centrale qui reste préoccupée par les tensions inflationnistes. Il y a également le cas de la Banque du Japon. Cela fait exactement un an que les investisseurs évoquent régulièrement une possible sortie des taux négatifs. Il y a quelques semaines de cela, le consensus pensait que ce mois-ci ce serait le bon moment pour relever les taux. Patatras, la banque centrale a été limpide : elle ne juge pas qu’une sortie des taux négatifs soit appropriée pour le moment. La réunion des 18 et 19 décembre devrait donc être un non-événement. Ce n’est pas en décembre que le yen japonais va reprendre durablement du poil de la bête.
Il reste une grande incertitude pour l’an prochain, c’est la Chine. Est-ce que l’année 2024 sera celle de la grande reprise de l’économie chinoise ? Pas forcément. La semaine dernière a eu lieu la Central Economic Work Conference. C’est une conférence stratégique pour définir les priorités économiques du gouvernement chinois. Elle a abouti à plusieurs décisions clés :

  • Le gouvernement souhaite engager une vaste réforme fiscale mais il a conscience que cela va prendre beaucoup de temps.
  • A court terme, il souhaite mettre en œuvre en 2024 une baisse de la fiscalité ciblée qui va surtout concerner les secteurs des hautes technologies et de l’industrie manufacturière. Autrement dit, ce sont les deux segments que Pékin souhaite soutenir au maximum.
  • Aucune hausse des dépenses n’est prévue. Le gouvernement central, les provinces, le parti et les agences gouvernementales vont devoir se serrer la ceinture dans un contexte où le niveau de dette reste une source majeure de préoccupation.
  • De nouvelles mesures de soutien à destination du secteur de l’immobilier sont inévitables, même si aucune mesure précise n’a été dévoilée pour l’instant.
  • Cela semble indiquer que la reprise chinoise sera encore poussive en 2024, avec une croissance entre 4-5%. C’est bien. Mais c’est un rythme de croissance certainement insuffisant pour la Chine au regard de son développement économique. En aucune façon la Chine ne sera un relais de croissance mondiale l’an prochain, selon nous. Tout excès d’optimisme concernant l’économie chinoise, comme ce fut le cas début 2023, risque d’aboutir à une déception.

Le point technique

Sur le marché des changes, l’approche d’un cycle de baisse des taux dans un contexte de croissance molle et non de récession tend plutôt à être négatif pour le dollar et positif pour les valeurs à risque, comme l’euro. C’est la théorie. Mais nous continuons de douter que l’euro puisse surperformer le dollar sur la durée lorsque l’économie européenne affiche un niveau de croissance beaucoup plus faible que celui de l’économie américaine. Ça ne s’est jamais produit par le passé et nous ne voyons pas quel élément pourrait faire que cette fois-ci, c’est différent. D’ailleurs, la hausse de l’euro face au dollar reste mesurée (+1,8% sur les cinq dernières séances). Nous continuons de penser qu’un rééquilibrage aura inévitablement lieu sur la paire EUR/USD, soit avant les fêtes, soit après, avec une cible de taux de change plutôt autour de 1,06-1,07.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06501,07231,11501,1199
EUR/GBP 0,84120,84450,87020,8799
EUR/CHF 0,93110,93920,96420,9699
EUR/CAD 1,45011,46021,48991,5002
EUR/JPY 153,50154,01157,01158,55

Les annonces à suivre

Du point de vue des statistiques, c’est la dernière semaine importante de l’année avant la trêve de Noël. Les chiffres d’inflation en zone euro et au Royaume-Uni seront à surveiller même s’ils ne vont pas remettre en cause les récentes décisions de politique monétaire et la perspective de baisse des taux. La Banque du Japon est la dernière grande banque centrale à se réunir les 18 et 19 décembre. Soyons directs, il n’y a rien à attendre. Dans une communication il y a une dizaine de jours de cela, la Banque a affirmé ne pas considérer qu’une sortie des taux négatifs soit opportune en décembre alors que le marché des changes bruissait de rumeurs en ce sens. Il devient de plus en plus difficile de savoir dans quelle direction va pencher la politique monétaire nippone. Une chose est certaine, la fenêtre d’opportunité pour normaliser les taux se referme rapidement. Ce sera difficile de le faire lorsque les autres banques centrales vont les baisser. Affaire à suivre.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 18/12/202310:00ALLIndice IFO du climat des affaires (Décembre)Précédent à 3,2% sur un an.
Le 19/12/202311:00EURIndice des prix à la consommation (Novembre)Précédent à -0,5% sur un mois.
Le 20/12/202308:00UKIndice des prix à la consommation (Novembre)Précédent à 4,6% sur un an.

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