Deux salles, deux ambiances

Pour une fois, la zone euro s’en sort bien. Les indicateurs d’activité PMI pour les secteurs manufacturier et des services ont indiqué que la dynamique de reprise économique se poursuit dans l’Union monétaire en mai. Il s’agit d’estimations préliminaires mais qui ne sont habituellement pas soumises à une révision importante. L’activité dans le secteur des services a atteint 56,3 en mai (un chiffre supérieur à 50 indique une expansion) tandis que celle dans le secteur manufacturier était à 54,4 sur la même période. C’est un exploit quand on sait que beaucoup d’usines font face à une accumulation de difficultés : problèmes d’approvisionnement à cause de la guerre en Ukraine et des confinements successifs en Chine et hausse généralisée des coûts (à la fois sur les intrants, le coût du travail etc.). S’ajoute à cela un durcissement des conditions financières depuis le mois de février dernier qui aurait pu, en toute logique, entraîné un impact beaucoup plus néfaste sur l’activité. Il est encore trop tôt pour savoir si la bonne dynamique va se poursuivre mais on peut se réjouir de cette résilience inattendue. Les indicateurs PMI qui ont été publiés sont consistants avec une hausse du PIB de la zone euro d’environ 0,6% au second trimestre (par rapport au premier trimestre). C’est tout à fait honorable. Une récession en zone euro, qui a pu être évoquée par des analystes ces dernières semaines, est exclue au regard de ces chiffres.
De l’autre côté de la Manche, le panorama économique est très…différent. Il y a toutes les raisons de paniquer. Les indicateurs d’activité se sont effondrés en un mois. Le PMI service a atteint un point bas de quinze mois à 51,8 alors qu’il était ancré à 58,9 en avril. Le PMI manufacturier a chuté d’une ampleur similaire, à 51,8 contre 58,2 un mois plus tôt. Le pire est certainement à venir. Les attentes des chefs d’entreprise sont au plus bas. Les sujets d’inquiétude ne manquent pas : réduction drastique des marges, baisse des carnets de commande au niveau domestique et au niveau international (en partie lié au Brexit), inflation record qui se répand dans tous les secteurs d’activité. Dans le secteur des services (qui est le principal contributeur au PIB du pays), la chute des attentes en un mois est similaire à celle qui avait eu lieu en mars 2020 au début de la pandémie. Cela montre à quel point l’ambiance est morose de l’autre côté de la Manche. Seul le secteur du voyage et du tourisme (au sens large) affiche une croissance robuste. Les Britanniques, comme les Français, ont envie de profiter de la liberté retrouvée après des années de pandémie et du beau temps. Mais cela ne va pas durer car leur pouvoir d’achat est en chute libre. Étant donné la situation économique que nous avons dressé en quelques lignes, il ne fait pas de doutes que le Royaume-Uni est déjà en récession ou va l’être prochainement. Il y a environ trois semaines de cela, la Banque d’Angleterre avait d’ailleurs reconnu que les risques de récession avaient fortement augmenté en un laps de temps particulièrement court. Reste maintenant à savoir si cela aura un effet important sur la livre sterling. Pour l’instant, la monnaie britannique affiche un faible recul face à l’euro (-1,09% en variation mensuelle). Ce n’est pas dramatique.
Enfin, du côté américain, l’économie reste toujours solide bien qu’il y ait quelques signaux de faiblesse (qui ne sont pas préoccupants pour le moment). La semaine dernière, l’indicateur manufacturier de la région de Richmond (à l’Est des Etats-Unis) a chuté en territoire négatif à la surprise générale à -9 en mai contre +14 en avril. Il s’agit du troisième indicateur manufacturier régional publié récemment (après ceux des régions de New York et de Philadelphie) à enregistrer une forte chute mensuelle. La hausse généralisée des coûts et les pénuries au niveau de la chaîne logistique sont les deux principaux facteurs d’explication. Il ne faut pas paniquer. La croissance américaine devrait toutefois encore afficher de solides gains dans les mois à venir. Chez Mondial Change, nous ne pensons pas qu’une récession aux Etats-Unis cette année soit un scénario crédible.

Sur le marché des devises, l’euro a repris des couleurs face au dollar américain (+1,7% en variation hebdomadaire et près de +4% par rapport à son point bas de 2022 atteint à 1,0350 il y a quelques semaines de cela). Deux facteurs principaux expliquent le sursaut de la monnaie unique : le regain de l’appétit au risque (qui bénéficie aussi à d’autres monnaies face au dollar américain) et surtout les récents commentaires hawkish (en faveur d’un durcissement monétaire) de plusieurs membres de la Banque Centrale Européenne (beaucoup ayant aussi mentionné une attention particulière portée au taux de change de l’euro). A court terme, l’appétit au risque pourrait encore soutenir l’euro (avec une cible à 1,0891 qui constitue la principale résistance). A moyen terme, nous doutons que l’euro puisse surperformer le dollar américain étant donné les nombreux facteurs de risque. Nous interprétons les mouvements récents sur l’EUR/USD comme un sursaut qui n’a pas vocation à durer.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD1,03301,04971,08911,1020
EUR/GBP 0,82000,83540,86630,8807
EUR/CHF 1,00701,01851,05191,0630
EUR/CAD 1,31551,34211,39531,4219
EUR/JPY 131,66133,80138,08139,27

+33 (0)1 48 09 09 83

Cette semaine va être chargée pour les cambistes. La Banque du Canada doit durcir davantage sa politique monétaire. Le marché des devises a déjà intégré dans les cours du CAD une hausse d’un demi-point à 1,50%. D’autres hausses de taux sont à venir dans les mois à venir pour combattre l’inflation qui a atteint 6,8% en variation annuelle en avril. L’inflation sera aussi le principal sujet d’attention en zone euro avec la publication de l’estimation pour le mois de mai. Ce sera douloureux. Le consensus des analystes prévoit une progression à 7,6% en variation annuelle. Dans ces conditions, on voit mal comment la Banque Centrale Européenne pourrait s’abstenir plus longtemps de durcir sa politique monétaire. Il faut se préparer à une première hausse des taux en juillet prochain dans l’Union. Enfin, les chiffres du chômage aux Etats-Unis pour le mois d’avril sont attendus en fin de semaine. C’est un rendez-vous habituel pour les cambistes. Mais sans surprise. Le marché de l’emploi est toujours en pleine forme de l’autre côté de l’Atlantique !

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
31/0511:00Indice des prix à la consommation (Mai)C’est une nouvelle hausse qui est attendue à 7,6% en variation annuelle contre 7,4% en avril.
16:00Confiance des consommateurs du Conference Board (Mai)Forte baisse prévue par le consensus des analystes à 104,0 en mai contre 107,3 en avril
01/0614:15Créations d’emplois non agricoles (Mai) Précédent à 247k. A noter que cet indicateur a assez peu d’impact sur le marché des devises.
16:00Réunion de la banque centraleLe taux directeur pourrait être porté à 1,50% au moins contre 1,0% jusqu’à présent. C’est ce qui est attendu par le marché et intégré dans les prix.
03/0614:30Rapport sur l’emploi du Département du Travail (Mai)Taux de chômage annoncé en léger recul à 3,5% contre 3,6% en avril.

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