Le consensus de marché prévoit un cycle de baisse des taux imminent et de forte ampleur dans les pays développés cette année. Ce n’est en rien certain. Les banquiers centraux et les statistiques ne corroborent pas ce scénario. Comme ce fut le cas en 2023, il est probable que les anticipations de marché concernant la politique monétaire soient fortement erronées. L’ajustement des anticipations ne se fera pas sans mal. Pour le marché des changes, cela pourrait se traduire par un regain de la volatilité.
Fin 2023, le consensus de marché tablait sur une baisse agressive des taux par les banques centrales des pays développés, avec la Banque Centrale Européenne (BCE) amorçant le cycle de baisse dès le mois de mars 2024. Ça s’avère plus compliqué que prévu. Les statistiques publiées entre mi-décembre et aujourd’hui dressent un panorama économique contrasté. L’inflation continue de refluer rapidement en zone euro mais la récession n’est plus aussi certaine qu’auparavant. Le fort bond des crédits aux ménages et aux entreprises dans la dernière enquête trimestrielle de la BCE ne corrobore pas ce scénario. En outre, plusieurs voix d’importance au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE ont laissé entendre qu’une baisse des taux précipitée n’est pas à l’agenda. La BCE souhaiterait s’assurer qu’il n’y a pas de boucle prix-salaires en zone euro qui viendrait prendre le relais de la boucle prix-profits qui a sévi en 2022 et sur une partie de l’année 2023. Le marché a donc peut-être tort de penser que la BCE va dégainer la première.
On retrouve les mêmes incertitudes du côté des États-Unis. Il y a de très mauvais indicateurs, en particulier portant sur la dynamique dans le secteur manufacturier. Il sera d’ailleurs intéressant de surveiller l’indice manufacturier de la Fed de Philadelphie qui sera publié le 18 janvier. Mais de l’autre côté, il y a aussi des indicateurs très solides, notamment sur le marché de l’emploi. Les États-Unis ont créé 216 000 emplois en décembre. Même si les mois précédents ont été révisés à la baisse, la croissance de l’emploi atteint toujours 165 000 en moyenne sur trois mois, ce qui est tout à fait honorable. En outre, la croissance moyenne des salaires a augmenté, passant de 4,0% en novembre à 4,1% en décembre. Tout cela ne va pas dans le sens d’une baisse prochaine et d’ampleur des taux comme l’anticipe le consensus des analystes.
Le même problème de décalage entre les anticipations du marché et la réalité s’est posé en 2023. A l’époque, il n’était pas question de baisse des taux mais de hausse des taux pour lutter contre les pressions inflationnistes. Le consensus avait anticipé une hausse de 141 points de base des taux de la BCE. Ce fut finalement 250 points de base. Même chose pour la Réserve Fédérale américaine (Fed) : hausse prévue de 66 points de base qui s’est transformée dans la réalité en une hausse de 150 points de base. Il s’agit dans les deux cas d’un différentiel énorme de 100 points de base. Le marché a souvent tendance à être trop extrême dans ses anticipations de politique monétaire. Dans le cas précédent, nous pensons qu’il a tort d’anticiper des baisses de taux de fortes ampleurs. Notre argument principal : l’économie ne va pas suffisamment mal pour agir ainsi. En ce qui concerne la BCE, nous pensons que deux à trois baisses de taux de l’ordre de 25 points de base chacune constitue un scénario économique cohérent au regard des dernières statistiques. Le consensus prévoit plus 140 à 150 points de base de baisse. Comme ce fut le cas l’an dernier, il faudra que le décalage entre les anticipations et la réalité se résorbe, ce qui va sûrement entraîner beaucoup de volatilité pour les devises, notamment l’euro et le dollar. Si on ajoute à cela le cycle géopolitique actuel qui est mouvementé, on a tendance à croire chez Mondial Change que l’année 2024 sera celle du retour de la volatilité. Pour l’instant, elle est contenue. C’est normal en cette période de l’année. Mais elle pourrait ressurgir plus vite que prévu. Pour les entreprises, c’est certainement le bon moment pour revoir leur stratégie de couverture de change, avant que ce ne soit trop tard.
Le point technique
La semaine qui s’est écoulée sur les devises n’a pas été rythmée par les statistiques, peu nombreuses, mais plutôt par les mouvements techniques. Beaucoup de paires sont en situation de range, ce qui n’est pas anormal en cette période de l’année. C’est notamment le cas de l’EUR/USD. Mais nous continuons de penser que la paire a plus de chances de renouer avec la zone située à 1,08 que de rebondir durablement au-dessus de 1,10. Le retour du risque géopolitique et la perspective d’une baisse des taux plus tard que prévu par la Fed constituent deux arguments importants de soutien au dollar à moyen terme.
Nous nous attendons également que la paire EUR/CHF se stabilise dans les mois à venir autour de 0,93 (horizon un mois à trois mois). Mi-décembre 2023, la BNS a indiqué que les interventions de grande ampleur sur le FX n’étaient plus nécessaires et que le taux de change du CHF était approprié. A moins d’un fort sursaut de l’aversion au risque à court terme, la zone de prix autour de 0,93 nous paraît optimale.
Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.
Supports | hebdo | Résistances | hebdo | |
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S2 | S1 | R1 | R2 | |
EUR/USD | 1,0789 | 1,0854 | 1,1089 | 1,1121 |
EUR/GBP | 0,8432 | 0,8501 | 0,8697 | 0,8724 |
EUR/CHF | 0,9188 | 0,9245 | 0,9434 | 0,9512 |
EUR/CAD | 1,4415 | 1,4501 | 1,4777 | 1,4890 |
EUR/JPY | 155,99 | 157,44 | 159,88 | 160,10 |
Les annonces à suivre
C’est cette semaine que la campagne présidentielle pour l’élection du 5 novembre commence. La primaire républicaine de l’Iowa a lieu le 15 janvier. Donald Trump espère assommer Ron DeSantis et Nikkey Haley pour confirmer son statut de favori malgré les nuages judiciaires. Les candidats se disputent 40 délégués dans cet État sur un total de 2467 en jeu. Ils sont attribués à la proportionnelle. Par exemple, si Trump remporte 42% des voix, il obtient 17 délégués. L’Iowa est un petit État rural du Midwest mais d’importance. Il possède une population à 90% blanche et majoritairement évangélique, ce qui en fait un bon baromètre pour les Républicains. Sauf surprise de dernière minute, tous les sondages indiquent que Trump devrait être le candidat des Républicains pour novembre. Cela signifie qu’il faudra s’attendre à un regain de volatilité et probablement à un sursaut de l’aversion au risque plus nous allons nous rapprocher de l’élection (elle est encore loin, toutefois).
Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.
Jour | Heure | Pays | Indicateur | À quoi s'attendre ? |
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Le 16/01/2024 | 08:00 | ALL | Indice des prix à la consommation (Décembre) | Précédent à 0,1% en variation mensuelle. |
Le 17/01/2024 | 11:00 | EUR | Indice des prix à la consommation (Décembre) | Précédent à 2,9% en variation annuelle. Il s’agit de la seconde estimation – impact faible sur le marché. |
Le 18/01/2024 | 11:00 | USA | Indice manufacturier de la Fed de Philadelphie (Janvier) | Précédent à -10,5. |
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