Ce n’est pas pour demain

Le message est sans ambiguïté : le travail de la Fed n’est pas terminé, il va falloir maintenir des taux élevés plus longtemps que prévu. Pas de baisse du loyer de l’argent en juin…et peut-être même pas en septembre. Ce qui est certain, c’est que le décalage de taux d’intérêt qui va s’amorcer entre les deux bords de l’Atlantique devrait être structurellement favorable au dollar.

Plusieurs membres de la Réserve Fédérale américaine (Fed) se sont exprimés la semaine dernière. Le message est limpide : l’inflation est toujours trop élevée, la banque centrale a encore du travail. Cela implique que les taux d’intérêt pourraient rester élevés encore pendant quelque temps. Le scénario d’une baisse des taux en juin n’était déjà plus d’actualité depuis plusieurs semaines. Mais la possibilité d’une baisse en septembre, qui fait encore consensus, s’éloigne également. Il y a bien quelques signaux positifs. La Fed de San Francisco a annoncé la semaine dernière que la fameuse épargne supplémentaire de la Covid est enfin consommée. Cela pourrait réduire l’inflation liée à la demande dans les mois à venir. En outre, les prix à la consommation ont un peu reflué en avril, à 3,4% sur un an. C’est une bonne nouvelle. Mais c’est toujours un niveau important, évidemment. Même si la Fed n’a pas indiqué à partir de quel niveau d’inflation elle se sentirait suffisamment confiante pour baisser les taux, on peut affirmer sans trop de risque qu’une inflation supérieure à 3% n’est pas compatible avec une diminution du loyer de l’argent. Il y a encore quelques semaines de cela l’hypothèse d’aucune baisse des taux cette année était considérée comme farfelue par tous les intervenants de marché. Ce n’est plus le cas désormais. À toutes fins utiles, rappelons que l’inflation importante aux États-Unis est un problème pour la Fed au regard de son mandat. Mais l’inflation est surtout le reflet d’une économie en pleine forme, avec une consommation qui tient en dépit de vents contraires, et un soutien public à l’investissement qui est sans précédent. Ce n’est donc pas foncièrement une mauvaise inflation (les économistes ont souvent pour habitude de faire la distinction entre la bonne inflation et la mauvaise inflation…même distinction qui existe d’ailleurs pour la dette).
La semaine dernière, Washington a également annoncé l’amplification des mesures protectionnistes prises par l’administration Trump à l’égard de la Chine. Les taxes douanières vont augmenter de 100% sur les véhicules électriques, de 25% sur les batteries lithium-ion, de 50% sur les panneaux solaires et de 50% sur les semi-conducteurs d’ici 2025. La liste est non exhaustive. Le marché des changes a peu réagi. En revanche, cette hausse des taxes douanières pourrait, à la marge, compliquer la tâche de diminution de l’inflation. Un autre problème, à ce niveau, se profile également. Les matières premières connaissent une envolée des prix. Le cacao est toujours proche de son record historique, le prix du cuivre a atteint un record la semaine passée, celui du blé est revenu à ses niveaux d’août 2023 etc. De notre point de vue, la hausse actuelle et forte de la plupart des matières premières est un sujet qui a été complètement négligé par le marché. C’est pourtant primordial car cela pourrait provoquer un regain de l’inflation au cours de la deuxième partie d’année. À surveiller.
En outre, pendant que nous fantasmons tous sur une prochaine baisse des taux de 25 points de base par la Banque Centrale Européenne (BCE) en juin (elle a été encore confirmée par le gouverneur de la Banque de France), la banque centrale d’Argentine vient tout juste de baisser ses taux de…10% (50%à 40%). Pour mémoire, les taux étaient de 126% en décembre 2023. On peut critiquer le style du nouveau président argentin Milei…mais il faut reconnaître que c’est le premier dirigeant de l’Argentine depuis plus d’une décennie à prendre les mesures économiques nécessaires et difficiles pour lutter contre l’hyperinflation et remettre le pays sur de bons rails.
Enfin, la normalisation du marché du travail en cours outre-Manche renforce la possibilité d’une baisse des taux par la Banque d’Angleterre (BoE) en juin – au même moment que la Banque du Canada (BoC) et la BCE. Le marché monétaire prévoit désormais une baisse de taux de 13,9 points de base en juin, de 25,7 points de base en août et un total de 56,0 points de base en 2024. Cela ne devrait cependant pas avoir un effet notable sur la paire EUR/GBP qui est en situation de range depuis plusieurs trimestres. C’est l’une des grandes paires du marché des changes qui connaît la volatilité la plus faible.

Le point technique

Le point le plus marquant sur le marché des changes en ce mois de mai, c’est l’échec patent des interventions de la Banque du Japon (BoJ) pour freiner la baisse du yen. Ça ne fonctionne tout simplement pas. Selon des estimations non officielles, la BoJ a dépensé pas moins de 60 milliards de dollars en intervention sur le FX depuis le début du mois. Cela ne semble pas convaincre les spéculateurs d’arrêter d’être vendeur sur le JPY au regard du dernier rapport de la CFTC (équivalent du gendarme boursier américain). De notre point de vue, seule une intervention coordonnée avec le Trésor américain pourrait inverser la tendance baissière sur le JPY. Ce n’est cependant pas à l’ordre du jour. Nous considérons que le yen faible est un paramètre qui va être immuable cette année…et peut-être même en 2025.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06891,07451,09231,1010
EUR/GBP 0,83990,84230,86550,8698
EUR/CHF 0,95900,97230,99201,0010
EUR/CAD 1,44661,45441,48111,4890
EUR/JPY 164,55166,11170,01172,12

Les annonces à suivre

L’agenda économique n’est pas dense cette semaine. Le lundi de Pentecôte explique en partie cela. La seule actualité concerne le Royaume-Uni avec la publication des prix à la consommation (précédent à 3,2% en avril sur un an). En cas de poursuite de la dynamique baissière, il faut s’attendre à ce que les anticipations de baisse des taux en juin par le marché monétaire se renforcent.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 22/05/202408:00UKPrix à la consommation (Avril)Précédent à 3,2% sur un an
Le 23/05/202415:45USAPMI Services (Mai)Précédent à 51,3 (en expansion).

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