Chaos monétaire

La semaine passée fut dense et éprouvante. Les banques centrales ont continué de durcir leur politique monétaire. Les tours de vis ont été importants : +50 points de base au Royaume-Uni, +75 points de base aux Etats-Unis et en Suisse (la politique monétaire suisse emboîte habituellement le pas de celle de la zone euro) et +100 points de base en Suède (ce fut une surprise mais cela n’a pas permis de soutenir la couronne suédoise sur le marché des devises). Les banques centrales n’ont pas d’autres choix que d’agir ainsi pour tenter de faire refluer l’inflation qui se répand dans tous les pans de l’économie. La combinaison entre des conditions financières moins accommodantes (en lien avec la hausse des taux directeurs), l’inflation qui entraîne un appauvrissement généralisé et les difficultés diverses qui perturbent les chaînes d’approvisionnement (grève dans les ports au Royaume-Uni, engorgement des ports en Californie et politique zéro Covid en Chine) contribue à une forte dégradation de l’environnement économique.
Il y a quelques jours de cela, la Banque d’Angleterre (BoE) a reconnu que le Royaume-Uni est certainement déjà entré en récession. Ce n’est pas une surprise au regard de l’effondrement des ventes au détail au mois d’août (pire performance mensuelle que pendant la crise financière mondiale de 2007-09). C’est la première grande économie développée à l’être. C’est ce qui explique pourquoi la hausse du taux directeur fut un peu moindre qu’anticipé par les analystes du marché des changes (50 points de base au lieu de 75 points de base). D’autres pays risquent de connaître le même sort : l’Allemagne et la France dès le quatrième trimestre de cette année, peut-être les Etats-Unis au cours de l’année 2023 (mais ce n’est pas pour l’instant le scénario central de la Réserve Fédérale américaine). L’inflation continue également de croître. Elle atteint des niveaux qui deviennent de plus en plus insoutenables. L’indice des prix à la production (IPP) en Allemagne au mois d’août a été un réel électrochoc. Il a bondi de 7,9% en variation mensuelle (alors que le consensus ne tablait que sur une progression de 2,4%), ce qui porte l’IPP à un niveau record depuis la fin de la Seconde guerre mondiale à 45,8% en variation annuelle. C’est énorme. Il y a un an de cela, personne n’aurait pu imaginer un tel dérapage de l’inflation. Lorsqu’on regarde dans le détail, c’est pire. La hausse des prix de l’énergie atteint 139% en variation annuelle. Sans surprise, beaucoup d’entreprises ne sont pas en mesure de suivre. S’ajoute à cela le fait que l’inflation se répand désormais sur tous les segments, aussi bien les biens intermédiaires (le bois, le textile, le caoutchouc) que les biens de consommation non durables (les produits de nettoyage ou les fournitures de bureau). La situation ne devrait pas s’améliorer dans l’immédiat. Le pic d’inflation est clairement devant nous en Europe (alors qu’il est certainement dépassé aux Etats-Unis). Dans le meilleur des cas, l’inflation en zone euro devrait atteindre un sommet seulement au premier trimestre de l’année prochaine et ensuite lentement diminuer.
Dans ce contexte, le « quoi qu’il en coûte » a toutes les chances de perdurer. C’est d’ailleurs certainement nécessaire afin d’éviter des faillites d’entreprises en cascade. Comme au moment de la Covid, les États essaient tant bien que mal de mettre les économies sous bulle. Selon les données compilées par l’institut de recherche bruxellois Bruegel (et mises à jour la semaine dernière), le montant total débloqué par les gouvernements européens pour ‘accommoder’ les ménages et les entreprises face à la hausse des prix atteint 500 millions d’euros depuis septembre 2021. Le montant réel est toutefois plus élevé puisque Bruegel ne prend pas en compte les récents paquets anti-inflation présentés par le Royaume-Uni et l’Allemagne. Il est vraisemblable que d’ici l’année prochaine, plus d’un milliard d’euros ait été dépensé dans ce cadre-là. Il faut également ajouter toutes les mesures prises pour aider les acteurs du secteur de l’énergie. Il peut s’agir de l’octroi de prêts, de facilités de liquidités ou de nationalisations (comme c’est le cas en Allemagne). A ce jour, cela représente environ 450 milliards d’euros. Pour donner un ordre de grandeur, c’est plus de la moitié du plan de relance européen post-Covid, appelé NextGenerationEU. Il est probable que ce ne soit qu’un début. Dans les prochaines semaines, d’autres Etats européens ont prévu d’annoncer de nouvelles mesures d’aide. Initialement, tous ces dispositifs étaient présentés comme temporaires. Ils deviennent en réalité durables (permanents).

Sur le Forex, c’est un peu le chaos. Vendredi dernier, l’Agefi titrait : « le marché des changes vole en éclats ». Le risque de récession ainsi que le durcissement monétaire à l’œuvre dans la plupart des pays entraînent un regain de volatilité sur les principales monnaies et un repli sur le dollar américain (phénomène que nous avons souvent commenté ici). Résultat : des banques centrales décident d’agir pour stopper la chute de leur monnaie face au dollar américain. Pour la première fois depuis 1998, la Banque du Japon est intervenue massivement pour soutenir le yen la semaine dernière. Le Trésor américain a même donné son aval dans un communiqué largement commenté dans les salles de marché. Il a reconnu que la chute du yen était disproportionnée et que le Japon a le droit d’intervenir. Il faut s’attendre à ce que les banques centrales soient de plus en plus interventionnistes dans les mois à venir du fait de la chute de nombreuses monnaies. Étant donné l’effondrement de la livre sterling face au dollar américain au cours des dernières séances (-4,4% en variation hebdomadaire), nous ne serions pas surpris que la BoE décide à son tour d’agir. L’euro chute dans des proportions importantes également (-3,06% en variation hebdomadaire). Lors de la séance de vendredi, la paire EUR/USD a atteint un point bas de 22 ans à proximité des 0,97. Ce n’est plus qu’une question de temps avant que la cible des 0,96 ne soit atteinte. A l’inverse de la BoJ, la Banque Centrale Européenne n’est pas coutumière d’interventions sur les taux de change. Il est peu probable qu’elle recoure à cette arme. Cela signifie qu’il n’y a rien à l’horizon qui soit susceptible de stopper la glissade de l’euro.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD0,94740,96000,99441,0171
EUR/GBP 0,86140,87590,90560,9276
EUR/CHF 0,90640,93130,98171,0060
EUR/CAD 1,28841,30581,34041,3578
EUR/JPY 135,27137,18142,52145,95

+33 (0)1 48 09 09 83

A l’inverse de la semaine dernière, il y a peu d’annonces importantes prévues à l’agenda économique. L’indice IFO du climat des affaires en Allemagne devrait de nouveau chuter – reflétant les anticipations d’entrée en récession de la première économie de la zone euro. Cela devrait avoir peu d’impact immédiat sur le taux de change de l’euro. Enfin, l’indice de confiance des consommateurs aux Etats-Unis (publié par le Conference Board) est prévu quasiment stable en septembre. C’est une bonne nouvelle si c’est confirmé. Malgré le niveau élevé de l’inflation (8,3% en août en variation annuelle), le consommateur américain fait preuve d’une résilience incroyable. C’est ce qui pourrait permettre à l’économie américaine d’éviter de justesse la récession.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
26/0910:00IFO – Climat des affaires (Septembre)Nouvelle baisse prévue à 86,8 contre 88,5 en août.
27/0916:00Confiance des consommateurs du Conference Board (Septembre)Le consensus des économistes table sur une quasi-stabilité à 103,0 en septembre contre 103,2 en août.
30/0911:00Indice des prix à la consommation (Septembre) Dernière estimation (consensus à 9,1% en variation annuelle). D’habitude, la dernière publication est un non-évènement pour le marché des devises.

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