Compliqué

Une baisse des taux outre-Atlantique est de moins en moins probable cette année. Le marché monétaire table désormais sur une seule baisse en novembre prochain. Mais rien n’est garanti. Même Powell, lors de son intervention de mercredi dernier, a douté d’une baisse cette année. A moyen terme, le maintien de taux élevés est structurellement en faveur d’un dollar fort. C’est une mauvaise nouvelle pour les autres devises. Attendez-vous à ce que les banques centrales des autres pays suivent le chemin de la Banque du Japon et interviennent directement sur le marché des changes pour venir à la rescousse de leurs devises. Désordre monétaire à venir !

Lors de sa réunion de mercredi dernier, le président de la Réserve Fédérale américaine (Fed), J. Powell, a été contraint de ménager la chèvre et le chou. Au regard de l’évolution de l’inflation, il ne pouvait pas sérieusement annoncer un calendrier précis de baisses des taux. Ce qui est certain, c’est qu’elles auront lieu, mais beaucoup plus tard que prévu. L’inflation est résistante. L’inflation super core, qui mesure l’inflation dans les services hors alimentation, énergie et loyer, augmente de nouveau et se rapproche de 5% sur un an. C’est un seuil problématique qui montre que la bataille contre l’inflation élevée n’est clairement pas terminée. Il a toutefois donné des gages d’assouplissement. Il a notamment réduit le rythme de réduction du bilan (ce qui s’apparente à une mesure de soutien à l’économie). Dès le mois prochain, la réduction du bilan passera de 60 milliards de dollars à 25 milliards de dollars par mois. Cela devrait avoir pour effet de garantir de bonnes conditions de refinancement aux ménages, aux entreprises et à l’État américain et d’éviter un possible accident financier sur le marché monétaire.
Il y a désormais peu de doutes sur le fait que c’est la Banque Centrale Européenne (BCE) qui va commencer le cycle de baisse des taux au niveau des grandes économies développées. Ce sera effectif dès le mois prochain. Les arguments se multiplient en faveur d’une baisse des taux. L’inflation chute, la boucle prix-salaires se dégonfle très rapidement et la croissance montre des signes de reprise (il faut donc la soutenir !). Au regard de l’évolution de la conjoncture dans l’Union, nous tablons sur une baisse des taux par la BCE en juin et aussi en juillet (-25 points de base à chaque fois).
Le découplage de taux d’intérêt qui est en train de se créer entre les deux bords de l’Atlantique risque d’être synonyme de désordre monétaire. On le voit déjà en Asie. Le maintien par la Fed de taux directeurs élevés induit une hausse structurelle du dollar américain, et donc une baisse de autres monnaies. Certaines banques centrales sont contraintes d’augmenter leurs taux en urgence – ce fut le cas de l’Indonésie récemment. D’autres optent pour une intervention directe sur le marché des changes – ce fut le cas du Japon à deux reprises la semaine passée. Mais, à chaque fois, l’effet positif est de court terme. Tant que la Fed ne change pas la direction de la politique monétaire, il faut s’attendre à une chute généralisée des autres monnaies (avec quelques exceptions comme le peso mexicain). Cela risque d’être également négatif pour la croissance mondiale. En effet, un dollar fort induit des coûts de refinancement pour les pays émergents plus élevés.

Le point technique

Sur le marché des changes, la principale actualité a concerné le yen japonais. Les autorités sont intervenues à deux reprises directement sur le FX la semaine dernière : lundi et mercredi. A chaque fois, la banque centrale a profité d’un jour férié, marqué par une liquidité plus faible, pour intervenir. Selon les premières estimations, le Japon a dépensé environ 5500 milliards de yens lors de la journée de lundi et environ 3660 milliards de yens mercredi. Cela peut paraître beaucoup. Mais la Banque du Japon (BoJ) a énormément de munitions. Si elle le souhaite, elle peut continuer à intervenir pendant encore très longtemps. Le problème, c’est le manque de coordination avec les autorités américaines. Par le passé, seules des interventions coordonnées entre Tokyo et Washington ont réussi à avoir un effet durable sur les taux de change, comme dans les années 1990…Pour l’instant, ce n’est pas le cas et ce n’est même pas d’actualité. Sans surprise, le yen se renforce finalement assez peu. Sur les cinq dernières séances, la monnaie japonaise est en hausse de seulement 0,73% face à l’euro et de 0,89% face au dollar américain. On ne peut pas dire qu’on soit face à une inversion de tendance. Tant que le Japon agit seul, nous pensons que la tendance de fond va rester baissière pour le yen. Attention toutefois, les paires en JPY sont susceptibles de connaître une forte volatilité à court terme.
La tendance reste toujours baissière pour l’EUR/USD avec une chute de 0,20% sur les cinq dernières séances. Nous pensons qu’un retour vers la zone située autour de 1,05 est toujours possible en raison du différentiel de taux entre les deux côtés de l’Atlantique. Mais cela ne pourrait se matérialiser que durant l’été. Le dollar reste fort – le dollar index a renoué avec son niveau du 1er novembre 2023.
Enfin, toujours rien de nouveau pour l’EUR/GBP. Cette paire évolue finalement assez peu depuis plusieurs années. Elle reste ancrée entre 0,85 et 0,87. Nous ne voyons pas ce qui pourrait changer la donne à court terme.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,05901,06221,08551,0920
EUR/GBP 0,83900,84240,86120,8688
EUR/CHF 0,95900,96330,98120,9890
EUR/CAD 1,44431,45221,47121,4801
EUR/JPY 162,55163,11166,01167,03

Les annonces à suivre

C’est une semaine sans annonce majeure qui nous attend. Les interventions de la BoJ vont certainement continuer, avec un effet faible sur le yen. La réunion de la Banque d’Angleterre (BoE) devrait aboutir à un statu quo. En revanche, il sera intéressant de connaître la répartition des votes alors que le marché est toujours hésitant sur le timing de la première baisse des taux. Ça se joue entre le mois de juin et le mois d’août. L’avantage du mois de juin, c’est que cela permettrait une coordination avec la BCE et la Banque du Canada. Sur les neuf membres du comité de politique monétaire de la BoE, nous pensons que sept vont voter en faveur de taux inchangés et que deux vont voter en faveur d’une baisse des taux de 25 points de base (Dhingra et Ramsden).

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 09/05/202413:00UKRéunion de la banque centraleAucun changement de politique monétaire

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