Coup de mou

Dans un monde où la croissance décroche et où l’économie américaine surperforme, il est risqué d’être positionné à la vente sur le dollar américain. C’est le premier enseignement qu’on tirera en ce début d’année. Le second, c’est que le Japon semble peut-être finalement bien s’accommoder d’un yen faible qui permet de stimuler ses exportations dans un contexte où le commerce international est grippé. Il n’y aura peut-être pas de normalisation de la politique monétaire finalement.

Petit coup de mou de la croissance mondiale. Le Japon est en récession. C’est également le cas du Royaume-Uni. La Chine est en décélération structurelle. Le miracle allemand n’est plus. En France, la croissance molle persiste. La Commission Européenne a révisé sa perspective pour 2024 à seulement 0,9% (contre 1,4% prévu par le gouvernement). Faut-il s’inquiéter ? Pas nécessairement. La croissance dans les pays développés renoue avec ses niveaux d’avant-crise. En zone euro, cela signifie que le PIB ne pourrait augmenter que de 0,6-0,8% cette année (borne de prévision des économistes). Il y a toutefois une bonne surprise. L’économie américaine se porte mieux que prévu. Le consensus des économistes Bloomberg prévoit une croissance à 1,2% en 2024. Et ce n’est qu’un début. Elle pourrait être un peu plus élevée si les bonnes statistiques perduraient sur le front de la consommation, de l’emploi et de l’investissement à la fois privé et public. Nous ne serions pas surpris si le PIB américain réussit à croître de 1,5% cette année.
La semaine dernière, nous avons également eu confirmation que le processus de désinflation se poursuit aux États-Unis. Certes, c’est moins rapide que prévu. Les analystes espéraient que l’indice des prix à la consommation ressortirait à 2,9% sur un an en janvier. Il était finalement à 3,1%. La réaction du marché des changes fut initialement négative. Selon nous, il faut s’abstenir de surinterpréter cette statistique. Le chiffre du mois de janvier est systématiquement très volatil. Il faut en outre regarder plutôt l’évolution de l’inflation sous-jacente (hors prix de l’énergie et de l’alimentation) pour mieux appréhender les forces inflationnistes à l’œuvre. Bonne nouvelle, l’inflation sous-jacente est tombée le mois dernier à un point bas depuis mai 2021. C’est significatif. C’est surtout très encourageant. La période d’inflation très forte fut une parenthèse plus courte que prévu.
En Suisse, l’inflation en janvier baisse également, dans des proportions plus fortes que prévu. L’inflation sous-jacente a chuté de 0,4% sur un mois et l’inflation des produits importés s’est effondrée de 1,3% sur un mois et de 0,9% sur un an. C’est essentiellement l’effet de la force du franc suisse. Une devise forte réduit l’inflation importée, et réciproquement. La politique monétaire du franc fort a réussi à ramener l’inflation dans les clous. Ce n’était pas facile sachant qu’une partie des prix sont administrés en Suisse (25% du poids de l’indice des prix à la consommation) et qu’ils ont fortement augmenté de 1,3% sur un mois en janvier.
Au Japon, le recul très prononcé du yen face à toutes les grandes devises provoque un déclassement colossal du pays. L’archipel vient de céder sa place de troisième économie mondiale à l’Allemagne. C’est un peu électrochoc. Cela ne devrait toutefois pas exercer une quelconque influence sur la direction de la politique monétaire de la Banque du Japon (BoJ). Le consensus des économistes prévoit une normalisation des taux en avril prochain. Nous sommes sceptiques. Cela fait plus d’un an qu’on en parle dans les salles de marché mais ça ne se matérialise jamais. Nous commençons à nous demander si la BoJ n’est pas plutôt satisfaite de la politique monétaire actuelle qui permet de sortir de la déflation et qui, en baissant le taux de change du yen, donne un avantage compétitif indéniable aux entreprises nippones sur les marchés mondiaux.
Un mot sur l’Afrique pour finir : le projet d’une monnaie commune vient encore de ressurgir. La semaine dernière, le Niger, qui est contrôlé par une junte depuis 2023, a proposé au Burkina Faso et au Mali ce projet présenté comme une « étape de sortie de la colonisation ». Cette monnaie commune devrait, en théorie, remplacer le franc CFA. Il y a peu de chances que cela aboutisse. C’est un éternel serpent de mer en Afrique. Le Mali ne semble pas vouloir donner suite. Par le passé, il a déjà abandonné le franc CFA. Mal lui en a pris.

Le point technique

Sur le marché des changes, l’événement de la semaine dernière fut le point haut de six mois atteint par la livre sterling face à l’euro à la suite de la publication de bonnes statistiques britanniques portant sur le marché du travail qui repoussent l’urgence d’une baisse des taux. La récession technique britannique ne devrait pas être un élément déterminant pour le calendrier d’assouplissement monétaire. Elle est de très faible ampleur. Surtout, les dernières statistiques portant sur l’activité manufacturière et la confiance du consommateur vont plutôt dans le sens d’un renforcement de la croissance en ce début d’année.

L’eurodollar a effectué quelques tentatives de rebond mercredi et jeudi mais sans grand succès. La tendance de fond est toujours baissière. La mauvaise dynamique économique en Europe est un frein majeur à un rebond durable de l’euro. Le différentiel de croissance entre les deux bords de l’Atlantique devrait plus peser que le possible différentiel de taux cette année. Pour être très direct, au regard de la performance de l’économie américaine, il est très difficile d’être positionné vendeur sur le dollar américain.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06011,06231,08881,1011
EUR/GBP 0,84000,84220,86150,8666
EUR/CHF 0,92220,93020,95090,9655
EUR/CAD 1,43251,44111,46121,4788
EUR/JPY 158,11159,09162,99163,50

Les annonces à suivre

C’est une semaine particulièrement calme sur le front des statistiques avec les chiffres d’inflation pour l’économie américaine. Sans surprise, la désinflation devrait poursuivre son cours. Nous doutons que cette donnée exerce une réelle influence sur les taux de change et la politique monétaire. L’enjeu pour la Réserve Fédérale (Fed) est surtout de s’assurer que l’inflation reflue sur la longue durée. Jusqu’à présent, c’est le cas.
En toile de fond, on surveillera le processus électoral américain. Les interrogations sont de plus en plus nombreuses concernant la santé mentale du président Joe Biden, âgé de 81 ans. Nous doutons qu’il soit poussé à se retirer de la course à la présidentielle par le parti démocrate. Mais c’est une possibilité qu’on ne peut pas totalement exclure…En tout cas, le sujet mérite une attention particulière.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 22/02/202411:00EURIndice des prix à la consommation (Janvier)Il s’agit de la deuxième estimation…qui ne diffère jamais de la première donc impact faible sur le marché.
Le 23/02/202408:00ALLPIB trimestriel au T4 2023Précédent à -0,3% en variation trimestrielle.
Le 23/02/202410:00ALLIndice IFO du climat des affaires en Allemagne (Février)Précédent à 85,2.

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