L’Europe dépendante

Tentative de rebond technique de l’euro face à plusieurs de ses contreparties. Mais il s’agit essentiellement de flux spéculatifs à l’achat qui n’ont pas vocation à inverser la tendance baissière de fond de l’euro. Les mauvaises nouvelles s’accumulent sur le front économique en zone euro. Mais il faut aussi compter avec une détérioration de la situation sur le front ukrainien qui pourrait aussi peser sur le taux de change de l’euro à l’avenir.

A l’approche des élections européennes de juin, nous allons entendre un peu partout le même discours : il faut une Europe indépendante et forte. La possibilité de l’élection de Donald Trump aux États-Unis devrait être un élément puissant favorisant une stratégie d’indépendance. C’est mal parti quand on regarde de près les chiffres. L’Europe est dépendante militairement de la puissance américaine (bouclier nucléaire). C’est connu. Elle est également dépendante désormais de l’énergie américaine : le gaz naturel liquéfié américain a remplacé le gaz russe à la suite de l’invasion de l’Ukraine il y deux ans de cela. C’est récent mais certainement durable. C’est en revanche moins connu que l’Europe est dépendante des États-Unis au niveau de la demande. Les exportations de la zone euro vers les États-Unis représentent le double de celles vers la Chine. Au cours de l’année 2023, elles ont atteint 450 milliards d’euros contre environ 200 milliards d’euros vers la Chine. Une partie du commerce avec les États-Unis est gonflé en raison des stratégies d’évasion fiscale des sociétés pharmaceutiques américaines qui produisent leurs médicaments protégés par des brevets en Irlande et les revendent à un prix prohibitif aux États-Unis. Mais cela n’explique qu’une partie de la progression. Si on regarde par exemple la demande américaine pour les automobiles et les pièces automobiles européennes, l’augmentation est fulgurante. Cette dépendance a un effet immédiat sur la balance commerciale en augmentant son excédent. La recherche économique nous explique que c’est positif pour l’euro, en théorie.
Dans les faits, c’est plus compliqué. Si, par le passé, l’excédent de la balance commerciale européenne a pu être un facteur explicatif de la force de l’euro, cet effet ne joue plus vraiment actuellement. Il y a trop de facteurs macroéconomiques qui pénalisent structurellement l’euro en ce début d’année. Les grandes économies de la zone sont proches de la récession. En France, la prévision de croissance a été revue drastiquement à la baisse de 1,4% à 1% cette année. Mais c’est certainement encore optimiste. L’acquis de croissance pour 2024, qui permet d’avoir une idée du profil de l’activité économique, est de seulement 0,1%. C’est extrêmement bas. Surtout, on voit assez mal quels vont être les moteurs de l’activité dans les mois à venir. Peut-être que le ralentissement supplémentaire de l’inflation va inciter les ménages à dépenser un peu plus. Ce n’est pas certain. La hausse du pouvoir d’achat est seulement prévue à +1% en 2024. Peut-être que la baisse des taux par la Banque Centrale Européenne (BCE) va enfin permettre un plus grand dynamisme du marché de l’immobilier. C’est possible. Mais n’oublions pas que la politique budgétaire sera plus restrictive cette année et donc sera un facteur de soutien moindre de la croissance. Bref, ce n’est pas gagné. Les investisseurs étrangers l’ont bien compris. Après avoir espéré une surperformance économique de la zone euro par rapport à l’économie américaine en 2024, ce qui avait soutenu le rebond de l’euro en fin d’année 2023, ils ont dû revoir leur stratégie. Tous les indicateurs confirment que ce scénario optimiste ne se réalisera pas et que la croissance américaine sera beaucoup plus forte que de ce côté de l’Atlantique. Dans ce contexte, les investisseurs ont un positionnement net à la vente sur l’euro depuis le début de l’année. En l’état actuel des choses, nous ne voyons pas ce qui pourrait inverser la tendance. Il y a en revanche beaucoup de mauvaises potentielles sur le front européen qui n’ont pas été intégrées dans les prix de l’euro – comme la possibilité d’une défaite de l’Ukraine face à la Russie. Ce n’est plus une hypothèse loufoque.

Le point technique

Dans l’immédiat, il n’y a pas de changements notables de tendance sur le marché des changes. L’euro a tenté ces dernières séances un rebond technique face à plusieurs devises, dont la livre sterling, le dollar américain et le dollar canadien. Mais il y a peu de chances que ce soit durable, selon nous. Ce sont essentiellement des flux spéculatifs. Nous restons baissiers sur l’EUR/USD, en particulier.
En Asie, le yen continue de s’effondrer. L’entrée en récession du Japon n’arrange pas les affaires de la monnaie nippone. Les exportations sont le seul moteur de l’archipel en ce moment. Assez logiquement, le marché des changes considère que Tokyo est satisfait d’un yen faible qui permet de booster les exportations. Cela devrait être le cas une grande partie de l’année. Même une normalisation de la politique monétaire par la Banque du Japon, qui est attendue par le consensus en avril, ne devrait pas changer la donne.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,05901,06221,08121,9045
EUR/GBP 0,83300,83900,8650,8611
EUR/CHF 0,93330,94090,96090,9645
EUR/CAD 1,44051,45001,47221,4790
EUR/JPY 159,11160,09163,55163,90

Les annonces à suivre

Ce n’est, une nouvelle fois, pas la semaine la plus dense de l’année. Beaucoup de statistiques du côté européen seront des confirmations des premières estimations (comme l’inflation en zone euro en janvier). L’indice PCE core pour les États-Unis sera le seul point d’attention majeur, selon nous. C’est une des deux statistiques portant sur la dynamique d’inflation que la Réserve Fédérale américaine (Fed) surveille de près, avec l’inflation dans les services, hors loyers. Du côté du marché des changes, nous nous attendons à ce que les principales tendances restent intactes. Attention toujours à la géopolitique même si elle a causé peu de remous dernièrement.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 27/02/202416:00USAConfiance des consommateurs du Conference Board (Février)Précédent à 114,8.
Le 29/02/202414:30USAIndice PCE Core (Janvier)Précédent à 2,9% sur un an.
Le 01/03/202411:00EURIndice des prix à la consommation (Février)Dernière estimation. Aucun changement par rapport à la précédente (2,9% sur un an).

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