L’environnement de marché est toujours dominé par le dollar américain qui est à la fois soutenu par l’aversion au risque et la perspective que la Réserve Fédérale américaine maintienne ses taux directeurs élevés sur la durée. Dans les prochaines séances et semaines, ce qui va vraiment compter, c’est la perception du risque qui est en partie liée à la hausse des taux de rendement sur le marché obligataire et à la trajectoire des marchés actions. Si les taux obligataires poursuivent leur progression, il est probable que le dollar va continuer d’engranger des gains.
Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour l’euro. La zone euro avait réussi à éviter la récession l’an dernier malgré la crise énergétique. Il n’est pas certain qu’elle puisse encore réussir cet exploit dans le contexte de hausse du loyer de l’argent. L’Allemagne est en récession. C’est la conséquence du ralentissement économique en Chine et de la fin du modèle allemand qui a reposé pendant plusieurs décennies sur un prix de l’énergie russe particulièrement bas. Les derniers indicateurs d’activité pour la France sont en territoire de contraction. Ceci est cohérent avec un risque de récession élevé. Dans le reste de l’Union, les emprunts immobiliers à taux flexible (qui ne sont pas la norme en France) commencent à grignoter le pouvoir d’achat des ménages. S’ajoute à cela la présence d’une inflation alimentaire qui pénalise les plus défavorisés. Les prix de l’huile d’olive, des bovins (contrats à terme sur les bovins vivants), du cacao et du jus d’orange sont à des points hauts historiques. Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, nous avons appris que le rôle de l’euro dans les paiements internationaux a fortement diminué en l’espace de huit mois. Selon les données fournies par Swift il y a une semaine, la part de la monnaie unique européenne a chuté à 23% en août dernier contre 38% en début d’année. C’est un coup dur. Contrairement à ce qu’on a pu entendre depuis quelques mois, ce n’est pas le dollar mais bien l’euro qui s’efface de la surface des paiements internationaux. On parle de dé-euroïsation. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce recul soudain sur un laps de temps réduit. On peut supposer que la chute de la part de l’euro reflète la baisse des importations de gaz russe en Europe dans le cadre des sanctions et qui étaient payées en euro. On peut également supposer que des facteurs plus structurels viennent s’ajouter, comme le repli de l’Europe dans les échanges commerciaux internationaux. Ce ne serait pas surprenant. Lorsqu’on regarde l’évolution des flux de capitaux depuis le début de l’année, on constate que les investisseurs étrangers sont plus prudents à l’égard de l’Europe et préfèrent localiser leurs avoirs aux États-Unis plutôt que sur le Vieux-Continent. C’est évidemment un élément qui pousse à la baisse l’euro sur la longue durée puisque ces flux influent sur l’évolution de la balance des paiements.
En cette période, les grandes banques internationales sont en train de publier leurs prévisions de taux de change pour l’année prochaine. Ce qui est frappant, c’est que de nombreuses banques sont plutôt optimistes concernant l’EUR/USD avec une cible qui est souvent comprise entre 1,12 et 1,15 pour 2024. C’est par exemple le cas de la Société Générale. Nous savons d’expérience que les prévisions à long terme sur le marché des changes sont hasardeuses tant il y a de paramètres à prendre en considération (balance commerciale, politique monétaire, différentiel de taux, psychologie des intervenants de marché, appétit/aversion au risque etc.). Toutefois, on peut cerner avec précision les grandes tendances à l’œuvre. Chez Mondial Change, nous avons du mal à voir l’euro durablement remonter. Nous nous attendons à ce que la Banque Centrale Européenne (BCE) maintienne sa politique monétaire inchangée à moyen terme. La transmission de la politique monétaire au reste de l’économie est efficace et concerne tous les pays de l’Union. En outre, le processus de désinflation, bien qu’il ne soit pas linéaire, est bien amorcé. Il n’y a donc pas de raison d’augmenter de nouveau les taux. De fait, la politique monétaire ne devrait pas être un élément différenciant pour l’euro dans l’immédiat. En revanche, la macroéconomie et la perception du risque par les cambistes devraient exercer une influence certaine. A moins d’un miracle, la croissance de la zone euro devrait être encore en retard par rapport à celle des États-Unis. Si on ajoute à cela l’environnement économique mondial plus incertain, il est vraisemblable que les flux de capitaux continuent de se recycler sur le marché américain. Cela devrait donc pousser l’euro à la baisse. L’économie américaine présente de nombreux atouts. La dernière publication de l’indice ISM manufacturier pour le mois de septembre prouve que les États-Unis ont encore une capacité de rebond importante. Toutes les composantes de l’ISM sont ressorties en hausse la semaine dernière, sauf les prix payés qui s’effondrent. C’est une bonne nouvelle. Cela éloigne le spectre d’une éventuelle stagflation (activité économique terne avec une inflation durablement élevée). D’ailleurs, le marché des devises a bien accueilli cette publication. L’EUR/USD a de nouveau chuté sous le seuil de 1,05 dans la foulée.
En Asie, le marché bruisse de rumeurs concernant une intervention du ministère des Finances japonais sur le Forex. Les autorités nippones ont démenti par communiqué de presse mardi dernier. Mais les mouvements de marché sur le JPY en début de semaine dernière rendent plausibles une telle hypothèse. Il y a exactement un an de cela, le Japon était déjà intervenu pour soutenir sa monnaie face au dollar américain. Si la dépréciation du yen se poursuit, ce qui est plausible, on ne peut pas exclure une intervention coordonnée des autorités japonaises et américaines, comme ce fut le cas à maintes reprises par le passé. C’est généralement le seul levier efficace à actionner pour réellement influencer sur la durée le taux de change d’une monnaie. Une intervention en solitaire est généralement vouée à l’échec. C’est un coup d’épée dans l’eau qui se résume à un gaspillage des réserves de change. Ailleurs en Asie, les banques centrales de la zone émergente (hors Chine) commencent à s’interroger sur l’opportunité d’une baisse des taux (ce qui est déjà le cas en Amérique latine, par exemple). Toutefois, la force du dollar américain semble hypothéquer à court terme l’amorce d’un cycle d’assouplissement monétaire en Asie. Ce sera certainement plus un sujet pour 2024, si le dollar index reflue un peu.
Le point technique
Nous restons toujours dans un environnement de marché dominé par le dollar américain. C’est notamment perceptible face à l’euro qui reste dans une tendance baissière de fond (quasiment -2% face au dollar sur un mois). Il est probable à court terme que l’EUR/USD se stabilise dans la zone située autour de 1,05. Le potentiel de baisse à moyen terme est intact, avec peut être une incursion autour de 1,0400-1,0350 d’ici la fin de l’année, en fonction de la rapidité à laquelle la conjoncture se dégrade en zone euro. Pour l’instant, nous ne voyons pas ce qui pourrait inverser cette tendance.
Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.
Supports | hebdo | Résistances | hebdo | |
---|---|---|---|---|
S2 | S1 | R1 | R2 | |
EUR/USD | 1,0390 | 1,0433 | 1,0645 | 1,0710 |
EUR/GBP | 0,8499 | 0,8545 | 0,8733 | 0,8799 |
EUR/CHF | 0,9445 | 0,9502 | 0,9704 | 0,9801 |
EUR/CAD | 1,4100 | 1,4203 | 1,4560 | 1,4599 |
EUR/JPY | 154,33 | 155,01 | 158,01 | 158,50 |
Les annonces à suivre
La semaine qui débute sera consacrée essentiellement à l’inflation avec la publication des statistiques pour le mois de septembre en Allemagne (mercredi), aux États-Unis (jeudi) et en France (vendredi). Il ne devrait pas y avoir de surprise majeure. Le chiffre pour les États-Unis sera scruté de près. Le consensus s’attend à une poursuite du repli après un chiffre de 3,7% sur un an en août dernier. Bien qu’il y ait depuis trois mois des tensions à la hausse sur l’énergie (bond du prix du baril de pétrole de 40% sur la période), cela ne remet pas en cause le processus de désinflation dans les pays développés. En termes de politique monétaire, nous considérons que la Réserve Fédérale américaine (Fed) a certainement atteint le taux terminal. C’est également le cas de la BCE comme nous l’indiquions précédemment. A court terme, la politique monétaire devrait donc jouer un rôle mineur sur l’évolution des monnaies. Le débat sur l’opportunité d’une baisse des taux ne devrait se poser qu’en début d’année prochaine, en fonction de l’ampleur du ralentissement économique. Dans l’immédiat, ce qui va compter, c’est la perception du risque qui est en partie liée à la hausse des taux de rendement sur le marché obligataire et à la trajectoire des marchés actions.
Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.
Jour | Heure | Pays | Indicateur | À quoi s'attendre ? |
---|---|---|---|---|
Le 11/10/2023 | 08:00 | ALL | Indice des prix à la consommation (Septembre) | Précédent à 0,3% sur un mois. |
Le 11/10/2023 | 14:30 | USA | Indice des prix à la production (Septembre) | Précédent à 0,7% sur un mois. |
Le 12/10/2023 | 14:30 | USA | Indice des prix à la consommation (Septembre) | Précédent à 3,7% sur un an. Nouveau repli attendu par le consensus des économistes. |
Les informations présentées sur cette publication, vous sont communiquées à titre purement informatif et ne constituent ni un conseil d’investissement, ni une offre de vente, ni une sollicitation d’achat, et ne doivent en aucun cas servir de base ou être pris en compte comme une incitation à s’engager dans un quelconque investissement.