Douche froide

C’est en Asie qu’il faudra avoir les yeux rivés dans les semaines à venir. Au Japon, les autorités entrouvrent la porte à une possible intervention pour freiner la dépréciation du yen. En Chine, le gouvernement envoie des signaux contradictoires concernant ses intentions pour le yuan – dépréciation ou appréciation, on ne sait plus. Attention au retour de la volatilité !

Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour l’Europe. Les principaux instituts économiques allemands ont révisé fortement à la baisse leurs prévisions de croissance pour la première économie de la zone euro, à 0,1% en 2024. C’est un coup dur. Cela confirme que le problème de l’Allemagne est structurel et non pas uniquement conjoncturel. Le pays doit trouver un nouveau business model qui soit compatible avec des prix de l’énergie plus élevés et réorienter son secteur des exportations qui reste encore très dépendant de la demande chinoise. Cela va prendre plusieurs années. En France, la croissance est habituellement faible. Ce sera encore le cas probablement cette année. Le problème, c’est l’explosion du déficit public. Il a atteint 5,5% en 2023 et tout indique que l’année 2024 sera compliquée également. Pour faire face à un tel déficit, il y a seulement trois solutions : hausse de la croissance qui améliore les recettes (peu probable), baisse des dépenses (oui…mais difficile) et hausse de la fiscalité. C’est certainement cette dernière solution qui va l’emporter. Il faut s’attendre à ce que la fiscalité des entreprises soit de nouveau orientée à la hausse. Évidemment, l’objectif de baisse du déficit public à 3% du PIB en 2027 n’est pas atteignable. Tout le monde s’en doutait. Sans surprise, les agences de notation vont sanctionner la France ce mois-ci. Dans ce contexte budgétaire et économique tendu, on voit mal comment l’euro pourrait surperformer le dollar américain cette année. Rappelons que c’était le scénario mis en avant par beaucoup d’analystes ces derniers mois. Ils se sont trompés.
De l’autre côté de l’Atlantique, tout ou presque va pour le mieux. Le consensus des économistes s’attend à un scénario de no-landing pour l’économie américaine (pas de récession). La croissance devrait être proche de 2,2% cette année tandis que les anticipations d’inflation sont à 3%. Tout cela valide le scénario d’une baisse des taux par la Réserve Fédérale (Fed) à partir du mois de juin, mais dans une ampleur faible puisqu’il n’y a pas d’urgence à soutenir l’économie américaine. J. Powell, son président, prévoit trois baisses de taux cette année pour un total de 75 points de base. Cela correspond aussi à nos attentes. C’est cohérent. Nous ne pensons pas, à ce stade, que cela devrait impacter négativement le dollar américain. Le dollar fort devrait être une donnée constante en 2024.
Du point de vue économique, la Chine est la principale incertitude de l’année en cours. Il est évident qu’il n’y aura pas de grand plan de relance budgétaire. L’objectif est d’éviter que l’argent injecté dans l’économie n’alimente les bulles et le shadow banking. Mais on peine à voir ce que souhaite la Chine pour sa devise. Au cours des derniers mois, le yuan a eu tendance à s’affaiblir – logique car cela permet de relancer les exportations qui sont le moteur principal de l’économie. Cependant, depuis environ une semaine, la Chine, via les banques commerciales étatiques, est intervenue pour soutenir le yuan qui avait franchi le seuil de 7,20 face au dollar américain. Il semble – et nous disons cela avec la plus grande prudence – que Pékin souhaite à court terme stabiliser la paire USD/CNH autour de ce niveau. Il faut donc être prudent. Une instabilité de la monnaie chinoise s’est systématiquement traduite par des remous économiques et financiers au niveau mondial par le passé.
Enfin, un mot rapide sur le dollar australien. Les cambistes n’ont jamais été aussi massivement investis à la vente sur le dollar australien, selon les dernières données du rapport hebdomadaire Commitment of Traders de la CFTC (équivalent du régulateur boursier américain). C’est une première. L’incertitude entourant la politique monétaire australienne explique en grande partie le pari à la baisse des investisseurs. Le dernier compte-rendu de la banque centrale a mis en avant qu’une hausse des taux est tout aussi possible qu’une baisse des taux. Cela nous rappelle aussi que la bataille contre l’inflation élevée est, parfois, dans certaines zones, plus compliquées qu’initialement prévu.

Le point technique

Sur le marché des changes, la série noire continue pour l’EUR/USD : baisse de 0,61% en un mois et de 2,36% depuis le début de l’année. La mauvaise macroéconomie européenne explique, en partie, les déboires de l’euro. Nous continuons de penser qu’un retour de la paire vers les 1,670-80 est possible à court terme. Ce n’est toutefois pas du côté de l’EUR/USD que la volatilité pourrait être la plus élevée dans les séances à venir. Les autorités japonaises se préoccupent de plus en plus de la faiblesse du yen – que nous avons à maintes fois évoquée. Pour l’instant, Tokyo se limite à des interventions verbales qui n’ont pas le résultat escompté. On ne peut pas exclure une intervention directe sur les taux de change (achats de yens et ventes de dollars). Il faut donc avoir bien conscience de ce risque si vous êtes exposés au yen.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06011,06781,09891,1055
EUR/GBP 0,84000,84120,86120,8701
EUR/CHF 0,94900,95910,98900,9912
EUR/CAD 1,45011,4601,48551,4922
EUR/JPY 159,44161,11165,12166,00

Les annonces à suivre

Il y a un chiffre important cette semaine, c’est celui de l’inflation au mois de mars en zone euro qui sera publié mercredi. Une forte chute pourrait renforcer la possibilité d’une baisse des taux par la Banque Centrale Européenne (BCE) dès ce mois-ci. Le chiffre de l’inflation en Espagne en mars qui a été rendu public mercredi dernier est, en tout cas, encourageant. L’inflation sous-jacente (hors éléments volatils) est ressortie à 0,5% sur un mois – ce qui est légèrement sous sa moyenne de long terme (0,6%). Comme la BCE l’a indiqué récemment, le choc d’offre a été le principal moteur de hausse de l’inflation dans l’Union. Celui-ci est désormais terminé. Cela ouvre donc la porte à un assouplissement bienvenu de la politique monétaire qui pourrait apporter un peu d’air frais au secteur de l’immobilier, à l’investissement et aux consommateurs. Nous tablons toujours sur une amorce du processus de baisse des taux en juin, en même temps que la Réserve Fédérale américaine et la Banque du Canada.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 01/04/202415:00USAIndice ISM manufacturier (Mars)Précédent à 47,8.
Le 03/04/202413:15USAEnquête ADP sur l’emploi privé (Mars)Précédent 140k.
Le 05/04/202413:30USARapport sur l’emploi du Département du Travail (Mars)Précédent à 275k.

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