Surprise, surprise !

La Banque du Japon a enfin normalisé sa politique monétaire mais la politique des petits pas n’a pas plu au marché. Le yen s’est effondré à un point bas depuis 2008 face à l’euro. La Banque Nationale Suisse a surpris le marché en baissant son taux directeur bien plus tôt que prévu. Résultat : le franc suisse s’est affaissé. Du côté des autres banques centrales, il semble que c’est au mois de juin prochain qu’elles vont pour la plupart entamer leur cycle de baisse des taux.

Il y avait beaucoup de réunions de banquiers centraux la semaine dernière (Banque de Réserve d’Australie, Banque Nationale Suisse, Banque d’Angleterre, Réserve Fédérale américaine, Banque du Japon). Mais il y a eu peu de surprises. Toutes les banques centrales, à l’exception de la Banque du Japon (BoJ) et de la Banque Nationale Suisse (BNS) ont maintenu leur politique monétaire inchangée.
Comme attendu, la BoJ est enfin sortie de l’ère des taux négatifs. Toutefois, l’amplitude de hausse est limitée (10 points de base), ce qui explique pourquoi le yen ne s’est pas renforcé dans la foulée. Pire, il s’est effondré et a même atteint un point bas depuis 2008 face à l’euro. La BoJ n’a laissé augurer aucune nouvelle hausse des taux cette année. Ce n’est pas avec un taux directeur compris entre 0% et 0,10% que le yen va durablement renouer avec une tendance haussière. Nous estimons que le yen faible est là pour rester. Ce n’est pas un problème pour le Japon puisque cela va permettre de stimuler les exportations qui sont essentielles pour l’économie du pays. Par le passé, le Japon avait commis deux erreurs principales lorsqu’il pensait être sorti de la déflation. Il avait normalisé sa politique monétaire trop rapidement. Ce n’est pas le cas à présent. Par ailleurs, il avait laissé le yen augmenter trop vite, nuisant ainsi à la dynamique économique. On peut parier qu’il sera très vigilant concernant ce point cette fois-ci.
La surprise est venue de la Suisse. Il y avait des rumeurs concernant une possible baisse des taux par la BNS dès le mois de mars. Peu d’intervenants de marché pensaient que c’était crédible. Finalement, la banque centrale l’a fait. Le taux directeur helvétique a été abaissé de 25 points de base à 1,50%. Une nouvelle baisse des taux d’ampleur similaire est fortement probable en juin prochain.
Du côté des autres banques centrales, c’est le statu quo qui a dominé. Au Royaume-Uni, la baisse surprise de l’inflation en février, de 4% à 3,4%, n’a pas fait bouger la Banque d’Angleterre. Le marché est toujours divisé concernant l’amorce du cycle de baisse des taux. Seuls 56% des intervenants du marché monétaire anticipent une première baisse en juin prochain. Rien n’est écrit d’avance.
En revanche, ils sont convaincus que c’est en juin que la BCE (probabilité à 84%) et la Banque du Canada (80%) vont baisser le loyer de l’argent. À l’exception de la Banque de Réserve d’Australie qui hésite entre baisser les taux ou les monter, comme en témoigne son dernier communiqué, il semble qu’il y ait une forme de convergence entre les principales banques centrales sur l’opportunité d’agir en même temps.
Ce cycle d’assouplissement sera toutefois différent des précédents. Il intervient alors que la plupart de ces économies ne sont pas en récession (à part le Royaume-Uni mais c’est une récession technique). Certains affichent une résilience économique impressionnante, à l’instar des États-Unis. L’amplitude de baisse des taux sera limitée. Les banques centrales n’ont aucune raison de se précipiter avec des baisses de 50 points de base – 25 points de base, ça fera l’affaire. Du côté américain, même avec des taux élevés, les conditions financières sont encore très accommodantes. Enfin, l’inflation reste un problème à prendre en compte, ce qui oblige à faire preuve de prudence sur ce terrain.
En cas de synchronisation des politiques monétaires, comme le marché semble l’anticiper, il faut s’attendre à ce que la volatilité reste plutôt atone sur les principales paires de devises. Nous sommes revenus à des niveaux que nous n’avions pas connus depuis 2019 pour certaines monnaies. Dans ce contexte, le différentiel de taux ne sera certainement pas un facteur d’évolution majeur des taux de change. En revanche, nous pensons que le différentiel de croissance économique est une donnée à prendre en compte. Cela explique notamment la faiblesse relative de l’euro, selon nous. Même si la zone euro devrait éviter la récession cette année, sa croissance va être proche de zéro. Cela réduit les flux entrants de capitaux (attractivité économique plus faible) et accentue les flux sortants qui, sans surprise, vont se recycler de l’autre côté de l’Atlantique où ils sont quasiment sûrs de trouver un rendement plus élevé. Ce phénomène est structurel.

Le point technique

Sur le marché des changes, outre l’effondrement du yen que nous avons déjà mentionné, l’autre fait marquant c’est l’appréciation de la paire EUR/CHF à la suite de la décision surprise de la BNS. Le mouvement d’appréciation était déjà entamé depuis plusieurs semaines puisque la banque centrale suisse intervient depuis au moins le mois de janvier sur le marché FX pour affaiblir le CHF. À moyen-terme, un retour vers la parité n’est désormais plus exclu. Rien à signaler du côté de l’EUR/GBP qui est la paire majeure la plus stable. Le terrain de jeu est très réduit, avec un grand range entre 0,85 et 0,87 qui demeure depuis plusieurs mois.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06991,08801,10011,1069
EUR/GBP 0,83800,84110,86600,8711
EUR/CHF 0,94540,94550,98390,9930
EUR/CAD 1,44111,45911,48131,4901
EUR/JPY 158,98159,00166,12167,00

Les annonces à suivre

C’est une semaine calme qui se dessine, sans grands mouvements du côté des statistiques. Le gouvernement américain publiera la dernière estimation du PIB au T4 2023 – en ligne certainement avec la première estimation de 3,2%. Nous tablons sur une décélération de la croissance en 2024 avec une croissance à 2% ce trimestre. Mais ça reste tout à fait honorable, surtout si on compare avec l’Europe. Plusieurs facteurs expliquent la bonne santé de l’économie américaine :

  • Un déficit public élevé.
  • Pour la première fois en quarante ans, les États-Unis ont réussi le pari de l’indépendance énergétique et produisent plus de pétrole que n’importe quel autre pays dans l’Histoire.
  • L’économie est moins sensible aux taux élevés. Cela s’explique en particulier par le fait que 96% des prêts immobiliers à long terme sont à taux fixe alors qu’on croit habituellement qu’ils sont à taux flexible.
  • Le surplus d’épargne Covid a été consommé mais les aides étatiques continuent de soutenir la consommation des ménages américain.

Tout ceci est une bonne nouvelle pour le dollar américain qui fait toujours preuve d’une impressionnante force face à ses principales contreparties.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 26/03/202415:00USAConfiance du consommateur du Conference Board (Mars)Précédent à 106,7.
Le 28/03/202409:55ALLNombre de chômeurs (Mars)Le marché du travail fait face à la récession en baissant le nombre d’heures travaillées plutôt qu’en licenciant.
Le 29/03/202413:30USAIndice PCE core (Février)Précédent à 2,8% sur un an.

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