DUO

Sur le marché des devises, il y a actuellement trois devises majeures en situation de surachat : l’euro, la livre sterling et le franc suisse. Cela signifie que des prises de profit sont possibles à court terme. La réunion de la Réserve Fédérale américaine (Fed), en fonction du ton adopté et de la réaction des cambistes, pourrait être le déclencheur d’un mouvement de ventes à court terme.

Il y a du bon et (beaucoup) de mauvais sur le front économique. Commençons par la seule banque centrale majeure qui s’est réunie la semaine dernière. La banque centrale de Suède (Riksbank) a augmenté comme prévu ses taux de 25 points de base. Elle s’attend à ce que le processus de durcissement monétaire se poursuive avec au moins une hausse de taux supplémentaire, en juin ou en septembre. Cette hausse en annonce une autre en Europe avec l’augmentation de 25 points de base du taux directeur de la Banque Centrale Européenne (BCE) ce jeudi. Nous allons y revenir dans un moment. L’autre point marquant, c’est que la Riksbank a signalé qu’une devise forte n’est pas nécessairement un élément négatif. En effet, c’est un moyen efficace de limiter l’inflation importée. Ce n’est pas sans rappeler la stratégie de la Banque Nationale Suisse (BNS) qui plaide depuis plusieurs mois pour un taux de change fort du CHF afin de lutter contre les pressions inflationnistes. C’est d’ailleurs plutôt un succès puisque le franc suisse est en progression de 0,25% face à l’euro et de 3,6% face au dollar américain depuis le début de l’année.

En zone euro, le vice-président de la BCE, De Guindos, a dit s’attendre à ce que les salaires augmentent substantiellement en 2023. Les marges bénéficiaires des entreprises ne devraient pas croître au même rythme que l’année précédente, selon lui. La hausse des salaires est, évidemment, une bonne nouvelle pour les ménages (surtout dans les pays où les salaires ne sont pas indexés à l’inflation, ce qui est le cas dans la plupart des pays de l’Union). Mais c’est une mauvaise nouvelle pour les banquiers centraux car cela signifie que les pressions inflationnistes vont être durables (risque de boucle prix-salaire), obligeant ainsi la BCE à accroître plus fortement le loyer de l’argent à moyen terme. A priori, des taux structurellement plus élevés en zone euro devraient toutefois apporter un soutien important à l’euro. C’est cette dynamique qui explique d’ailleurs en partie l’appréciation de la monnaie unique au cours des dernières séances.

De l’autre côté de l’Atlantique, le panorama économique se dégrade. Le consommateur américain commence à montrer des signes de faiblesse. L’indice du Conference Board portant sur le mois d’avril a chuté à 101,3 contre 104,0 prévu par le consensus des économistes. Le problème ne concerne pas tant la situation actuelle (en hausse par rapport au mois de mars) que les anticipations futures (forte chute de 74,0 à 68,1 en un mois). Il semble que la perspective d’une récession (ou au moins d’une période économique difficile) soit intégrée par les ménages américains. Cela tombe plutôt mal pour le président Biden qui souhaite être reconduit pour un nouveau et dernier mandat. Les sondages sont très loin d’être en sa faveur, à ce stade. Les indicateurs manufacturiers régionaux publiés la semaine dernière (Dallas, Empire State, Richmond, Philadelphie) confirment également que la dynamique économique connaît un fort ralentissement. Le patron de la chaîne de restauration rapide McDonald’s (plus de 14 000 restaurants à travers les Etats-Unis), Chris Kempczinski, se base sur un indicateur un peu particulier (anecdotique ?) pour estimer le ralentissement : ses clients prennent de moins en moins souvent des frites lorsqu’ils passent commande. C’est le signe que ça va mal. On peut en partie expliquer la baisse de l’activité par les déboires du secteur bancaire américain. Comme ce fut le cas pendant les années 1980 au moment de la crise des caisses d’épargne (plus de 3000 faillites d’établissements financiers en l’espace de dix ans), les acteurs bancaires font moins de crédit (dans le cas présent, surtout moins de crédit commercial). Dans une économie à fort effet de levier comme celle des Etats-Unis, moins de flux de crédit entrants signifie invariablement moins de croissance à court et à moyen terme. Il est probable qu’on va prochainement de nouveau parler du risque de récession aux Etats-Unis. Attention toutefois, ce risque n’est pas encore perceptible dans les données économiques ! Il faut donc s’abstenir de tirer des conclusions trop hâtives. Même si la croissance ralentit, elle est encore honorable. Elle a atteint 1,1% en variation annuelle au premier trimestre. Il y a exactement un an de cela, elle était ressortie en contraction de 1,6%. On peut parler de ralentissement mais pas encore d’effondrement.

Le point technique

Sur le marché des changes, le grand gagnant de ce début d’année est l’euro. La paire EUR/USD affiche une progression de près de 3% depuis janvier. Il est loin le temps où les cambistes étaient short (vendeurs) sur l’euro car ils craignaient que la crise énergétique cause une grave récession. Si on regarde le rapport Commitment of Traders de la CFTC (qui permet de connaître le positionnement des traders professionnels sur le marché des changes), l’euro est actuellement en position de surachat. C’est également le cas de deux autres devises majeures : la livre sterling et le franc suisse. Ainsi, nous n’excluons pas des prises de bénéfices à court terme sur ces devises. C’est généralement ce qui survient lorsqu’une monnaie fait l’objet de surachat. La réunion de la Réserve Fédérale américaine (Fed), en fonction du ton qui sera adopté et de la réaction des opérateurs, peut être le déclencheur d’un mouvement de prises de profit. Il faudra donc être particulièrement vigilant cette semaine et surtout bien penser à adopter la bonne stratégie de couverture du risque.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,08841,07761,12321,1288
EUR/GBP 0,85400,87400,89500,9091
EUR/CHF 0,94670,96291,00341,0220
EUR/CAD 1,44801,47431,52371,5485
EUR/JPY 142,80145,15149,83152,20

Les annonces à suivre

C’est une semaine dense qui commence. La réunion de la Fed va être le principal marqueur d’évolution des monnaies. Le consensus des économistes anticipe que la banque centrale américaine va augmenter son taux directeur de 25 points de base (entre 5,00 et 5,25%) et ouvrir la porte à une pause de politique monétaire. Cela se justifie au regard des dernières statistiques économiques que nous avons évoquées. Il est certain que la réunion va provoquer un rebond de volatilité sur les paires en USD. C’est habituel. Les cambistes prévoient également que la Fed va être contrainte de baisser ses taux cette année (en novembre prochain selon les contrats futures). Mais il est peu probable que ce soit un sujet évoqué par les membres du FOMC à ce stade. C’est un horizon trop lointain pour la politique monétaire. En zone euro, l’enjeu est moindre. Le dernier compte-rendu de la BCE a montré qu’une minorité de membres du Conseil des gouverneurs craint de durcir trop substantiellement la politique monétaire. Selon nous (et c’est aussi l’avis d’une majorité du marché), une hausse de 25 points de base du taux directeur est un scénario consensuel. D’autres hausses de taux sont probables d’ici l’été en zone euro (certainement à l’occasion de la réunion du mois de juin).

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 03/05/202314:15USARapport ADP sur l’emploi non agricole (Avril)Hausse à 150k contre 145k précédemment. Attention, ce n’est pas un très bon baromètre de la dynamique d’emploi aux Etats-Unis.
Le 03/05/202320:00USARéunion de la banque centraleHausse du taux directeur de 0,25% dans une borne comprise entre 5,00% et 5,25%.
Le 04/05/202314:15EURRéunion de la banque centrale Hausse du taux directeur principal de 25 points de base.
Le 05/05/202314:30USARapport sur l’emploi du Département du Travail (Avril)La dynamique de l’emploi est attendue en ralentissement : 181 000 nouveaux emplois en avril contre 236 000 en mars.

Les informations présentées sur cette publication, vous sont communiquées à titre purement informatif et ne constituent ni un conseil d’investissement, ni une offre de vente, ni une sollicitation d’achat, et ne doivent en aucun cas servir de base ou être pris en compte comme une incitation à s’engager dans un quelconque investissement.