Ça pique

Le terrain de jeu pour les séances à venir devrait réserver peu de surprises sur le marché des changes. A part la consolidation en cours sur l’EUR/USD, qui pourrait se prolonger jusqu’à la zone de support située à 1,0865, la tendance reste inchangée sur les principales paires de devises. Les opérateurs continuent d’être optimistes et de rechercher du rendement, ce qui avantage en théorie les monnaies avec le taux d’intérêt le plus élevé.

Il y a des jours où il vaut mieux ne pas se lever. C’est certainement ce qu’a dû se dire Andrew Bailey, chef de la Banque d’Angleterre (BoE), mercredi dernier. Il a dû passer une sale journée. L’inflation britannique pour le mois de mars devait être un non-évènement. Elle a finalement surpris à la hausse. L’indice des prix à la consommation est ressorti à deux chiffres à 10,1% en variation annuelle. Mais il y a pire. L’inflation sous-jacente (celle qui exclut les produits volatils et permet de savoir à quel point l’inflation est enracinée dans l’économie) continue d’évoluer autour de 6% en variation mensuelle et ce, depuis près d’un an. L’inflation élevée est tirée à la fois par les marges des entreprises (comme c’est le cas en zone euro), la flambée de l’alimentation, un marché du travail qui continue d’enregistrer des hausses de salaires conséquentes après dix ans de modération et enfin le Brexit. A maints égards, le Royaume-Uni résume parfaitement les défis auxquels font face les banques centrales dans le cycle économique actuel. Bien qu’il soit souhaitable d’avoir une croissance économique plus faible pour lutter contre l’inflation (c’est en réprimant la demande qu’on peut faire chuter les prix), c’est politiquement et socialement compliqué à mettre en œuvre. On s’en doute bien, faire le choix de la récession (et il faudra certainement que la récession soit conséquente pour vraiment faire chuter l’inflation vers les 3-4%) entraîne des conséquences sociales particulièrement négatives. La BoE a choisi de ne pas franchir le Rubicon et hésite depuis plusieurs mois sur l’attitude à adopter, ouvrant la porte à une pause de politique monétaire alors que la désinflation n’est toujours pas amorcée. Étant donné les chiffres publiés la semaine dernière, on voit mal comment la BoE pourrait ne pas faire le choix d’augmenter son taux directeur de 25 points de base en mai prochain. Elle doit envoyer un signal clair aux marchés financiers sur sa volonté à renouer avec une inflation plus modérée. Mais le mal est déjà fait. Elle a tardé à réagir. Elle en paie le prix actuellement.

La situation britannique est extrême. Elle est empirée par le Brexit. Mais elle n’est pas sans rappeler ce que de nombreux autres pays, à différents niveaux, expérimentent aussi. En zone euro, l’inflation est aussi enracinée dans l’économie. Les profits des entreprises et les produits alimentaires ont pris le relais de l’énergie en 2023. Heureusement, il n’y a pas de boucle prix-salaire dans l’Union sinon ce serait pire. Mais tout près de nous, à l’Est de l’Europe, les hausses de salaires sont bien d’actualité et continuent d’alimenter une inflation à deux chiffres (en variation annuelle). A part dans certains pays (Etats-Unis, République Tchèque, pays asiatiques), le processus de désinflation est encore loin d’être sur de bons rails. Ce qui peut surprendre, c’est que beaucoup de banques centrales ont fait le choix de mettre le processus de durcissement monétaire sur pause, essentiellement en raison des craintes que font peser la hausse des taux sur la stabilité financière. C’est le cas du Canada, par exemple. Ces pays font donc le choix de l’inflation. Ils acceptent que la nouvelle normalité en termes de hausses des taux soit autour de 3,4, parfois 5% au lieu du traditionnel 2% – un niveau qui n’a rien de scientifique et qui s’est imposé à partir du début des années 1990 dans les économies développées. En zone euro, la publication du compte-rendu de la réunion de mars de la Banque Centrale Européenne (BCE) la semaine dernière montre que le débat sur un ralentissement de la hausse des taux est amorcé également. Nous ne doutons pas que la BCE décide d’opérer une hausse de son taux directeur de 50 points de base dans moins de deux semaines. Mais plusieurs membres du Conseil des gouverneurs semblent opter pour des hausses plus mesurées par la suite (de l’ordre de 25 points de base), justement afin d’éviter que cela ne crée trop de remous au niveau de la stabilité financière. Si on regarde les dernières données d’inflation dans l’Union, il est certainement prématuré de ralentir la hausse des taux. L’inflation sous-jacente est encore trop élevée. A moins de considérer qu’à ce stade du cycle, il est plus important de s’assurer que la stabilité financière soit garantie (autrement dit, qu’il n’y ait pas de nouvel accident au niveau des banques) plutôt que de faire refluer l’inflation encore davantage. Ce qu’on peut retenir des quinze dernières années, c’est qu’une banque centrale n’est pas en mesure d’atteindre plusieurs objectifs à la fois. Il faut faire des arbitrages. Aujourd’hui, il semble évident qu’au niveau mondial, on cherche surtout à éviter qu’une crise financière ne se produise (d’où la nécessité de ne plus ou pas trop augmenter le coût du capital à l’avenir).

Le point technique

Sur le marché des changes, l’EUR/USD est en phase de consolidation (baisse de 1,28% sur les cinq dernières séances). Nous sommes face à un marché technique, avec des prises de profit et une tendance à court terme baissière. En se basant sur l’analyse technique, il n’est pas improbable que l’EUR/USD touche un point bas autour de 1,0865 dans les séances à venir. A long terme, le différentiel de taux entre les deux bords de l’Atlantique devrait toutefois profiter à l’euro. En ce qui concerne l’EUR/CHF, la tendance de fond est inchangée depuis le début de l’année. C’est la baisse qui l’emporte (chute de 1,13% sur les cinq dernières séances et d’environ 1% depuis le début de l’année). L’objectif à long terme est toujours situé à 0,95 (résistance mensuelle). Le terrain de jeu pour l’EUR/JPY est inchangé également. Malgré une consolidation la semaine passée, l’euro a toujours un potentiel de hausse à moyen terme tant que la politique monétaire japonaise reste en l’état.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,08071,08651,10651,1225
EUR/GBP 0,85420,87590,89470,9081
EUR/CHF 0,94760,96621,00351,0221
EUR/CAD 1,44841,46481,50001,5258
EUR/JPY 140,39143,53148,56151,01

Les annonces à suivre

Sauf surprise de dernière minute, ce ne sera pas la macroéconomie qui sera le moteur du marché des changes cette semaine. L’indice du climat des affaires en Allemagne n’est, par exemple, pas considéré comme un market mover. Tout au plus cela peut faire bouger de 10-15 pips l’EUR/USD. Nous regarderons d’un œil la publication du PIB américain au premier trimestre. Il devrait confirmer que l’économie américaine ralentit (rythme de croissance de 2% par rapport au trimestre précédent) mais qu’une récession est encore très loin. Beaucoup d’analystes ont souligné que les déboires des banques régionales américaines vont induire une forte restriction du crédit qui pourrait précipiter l’économie américaine. Ce n’est pas certain. Dans les années 1980, les Etats-Unis avaient connu des déboires bancaires similaires avec les caisses d’épargne. Cela n’avait pas provoqué de récession. Le pire n’est jamais certain.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 24/04/202310:00ALLIndice du climat des affaires (Avril)Précédent : 93,3.
Le 25/04/202316:00USAConfiance des consommateurs du Conference Board (Avril)Consensus à 104,2
Le 26/04/202314:30USACommandes de biens durables (Mars) Consensus à -0,3% contre -0,1% en variation mensuelle.
Le 27/04/202314:30USAPIB trimestriel (T1)Consensus à 2,0% contre 2,6% au T4 2022.
Le 28/04/202314:00ALLIndice des prix à la consommation (Avril)Consensus à 0,7% contre 0,8% en mars.
Le 28/04/202314:30USAIndice PCE core (Mars)Les analystes tablent sur une hausse de 0,4% en mensuel contre 0,3% en février.

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