« Fed-dependent »

Nous y sommes : la BCE va enfin amorcer son cycle de baisse des taux. Nous tablons sur une baisse de 25 points de base ce jeudi. C’est déjà intégré par le marché des changes. L’enjeu est surtout de savoir combien d’autres baisses de taux sont à venir en 2024. Spoiler : il est probable que la BCE reste plutôt prudente sur ce sujet.

Enfin ! Le grand jour approche. C’est ce jeudi que la Banque Centrale Européenne (BCE) va enclencher le processus de baisse des taux. Il y a encore quelques semaines de cela, des interrogations subsistaient sur le timing de la BCE. En effet, historiquement, la banque centrale n’a jamais baissé ses taux avant la Réserve Fédérale américaine (Fed). Mais la situation a changé. La croissance est stagnante en zone euro alors qu’outre-Atlantique le maintien de pressions inflationnistes montre que la demande agrégée est toujours très dynamique. La BCE ne peut pas se permettre d’attendre plus longtemps pour apporter un soutien à l’économie de la zone euro. Ce soutien sera toutefois limité dans un premier temps. La banque centrale devrait enclencher une baisse de seulement 25 points de base de son taux directeur principal. D’autres baisses sont à venir. Le marché monétaire table sur deux à trois baisses supplémentaires cette année, et un rythme similaire en 2025. C’est cohérent avec nos attentes.
La BCE va certainement rappeler qu’elle est « data-dependent » ce jeudi. Concrètement, elle ne devrait pas s’engager dès à présent à baisser ses taux en juillet. Le gouverneur de la Banque de France, qui est aussi membre du conseil des gouverneurs de la BCE, est favorable à deux baisses consécutives. Mais il n’y a pas encore consensus. Certains gouverneurs, minoritaires, souhaitent s’assurer que les pressions inflationnistes pouvant résulter des hausses de salaire négociées dans plusieurs pays de la zone euro (en particulier en Allemagne) n’engendrent pas d’effets négatifs durables.
Plus que le rythme de baisse des taux cette année, c’est l’évolution de l’euro qui nous préoccupe. La BCE a beau rappeler qu’elle n’est pas « Fed-dependent », si elle baisse ses taux cette année de 50 voire 75 points de base tandis que la Fed ne bouge pas les taux, il faut s’attendre à quelques remous sur la paire EUR/USD. La question du taux de change a d’ailleurs été évoquée par le gouverneur de la banque centrale autrichienne la semaine passée. Il soutient une baisse des taux en juin, confirme que la BCE est « data-dependent » mais il reconnaît qu’on ne peut pas faire abstraction du différentiel de taux qui va inévitablement s’accentuer des deux côtés de l’Atlantique. En toute logique, cela devrait entraîner une dépréciation de l’euro face au dollar qui risque d’accroître l’inflation importée en zone euro. Nous estimons qu’il faut que la paire EUR/USD soit entre 1,05 et 1,03 pour que le taux de change devienne un vrai casse-tête pour la BCE. Nous n’y sommes pas encore.

Au contraire, l’euro tend plutôt à s’apprécier face au billet vert. Comment expliquer cela ?
– Prises de bénéfices sur le dollar après un très bon premier trimestre
– Visibilité de la politique monétaire en zone euro, à court terme
– Flux de capitaux entrant qui vont se recycler sur le marché des actions européens à la recherche d’entreprises sous-valorisées. C’est un phénomène qu’on observe depuis un mois et qui, selon nous, explique en grande partie la hausse de l’euro. Mais ça risque de ne pas durer. Il s’agit surtout d’un positionnement tactique (opportuniste) des fonds spéculatifs et des gestionnaires d’actifs. À moyen terme, la croissance sur le marché des actions se trouve plus aux États-Unis qu’en zone euro.
– Quelques bonnes nouvelles économiques sur le front manufacturier en zone euro.

Malheureusement pour la monnaie unique, tout cela n’est certainement pas suffisant pour avoir une inversion durable de la tendance de fond baissière. S’il y a une chose qu’il faut retenir sur le marché des changes, c’est qu’à la fin le différentiel de taux est systématiquement un puissant facteur d’évolution des devises. Au regard des prévisions, ce différentiel va plutôt être défavorable à l’euro à partir de l’été. Vigilance, par conséquent.

Le point technique

Dans l’immédiat, le marché continue de vendre le dollar. Le dollar index a chuté de 0,90% en l’espace d’un mois. Ce n’est pas non plus dramatique. Il s’agit essentiellement de prises de bénéfices. Cette baisse n’est pas uniforme. Elle est plus importante sur les devises majeures que sur les devises émergentes, particulièrement les monnaies de la zone Asie. Ces dernières sont en chute libre face au dollar, à l’image du yen japonais.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,06881,07131,09871,1011
EUR/GBP 0,84400,84900,86440,8701
EUR/CHF 0,96000,96090,99871,0015
EUR/CAD 1,45991,47221,49441,5011
EUR/JPY 167,22168,00171,00172,10

Les annonces à suivre

Outre la BCE qui va être le principal point d’attention cette semaine, la Banque du Canada (BoC) doit se réunir. Nous pensons qu’elle pourrait aussi baisser ses taux de 25 points de base. Ce n’est pas complètement intégré dans les prix du marché donc il faut s’attendre à un peu de volatilité.
Sur le plan des statistiques, le rapport sur l’emploi américain est toujours observé de près. Mais cela ne devrait pas influencer la direction de la politique monétaire américaine à court terme. Elle est en mode pilotage automatique, au moins jusqu’à la rentrée de septembre. Il faudrait une baisse importante des prix à la consommation dans les semaines à venir pour envisager une baisse des taux en juillet, par exemple. Ce n’est pas notre scénario. Nous envisageons que l’inflation américaine soit un plateau autour de 3% pendant la majeure partie de l’été, avant une chute sous ce niveau symbolique à partir du mois d’octobre.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 05/06/202415:45CANRéunion de la banque centraleTaux directeur actuellement à 5%. Une baisse des taux de 25 points de base est possible.
Le 06/06/202414:15EURRéunion de la banque centraleBaisse des taux de 25 points de base.
Le 07/07/202414:30USARapport sur l’emploi (Mai)Précédent à 175k.

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