Frapper fort

En dépit des risques économiques nombreux et des décisions surprises de plusieurs banques centrales, la volatilité reste anormalement réduite sur le marché des changes. Cela ne concerne d’ailleurs pas que les devises. On observe un phénomène similaire pour les autres classes d’actifs. Ce n’est jamais une bonne nouvelle lorsque la volatilité est aussi basse. Cela signifie que le marché n’a pas intégré les scénarios de risques et, évidemment, s’ils surviennent, cela peut entraîner d’importants décalages de prix. Prudence à l’approche de l’été.

Ça devait être une semaine terne. Finalement, elle fut émaillée de surprises, en grande partie à cause des banques centrales. Sur les quatre réunions de banques centrales à l’agenda, deux sont allées au-delà des attentes, une a déçu et une autre a pris une décision conforme au consensus. Sans surprise, la Banque Nationale Suisse (BNS) n’a pas pris à revers le marché. Elle a augmenté comme prévu son taux directeur de 25 points de base à 1,75%. Il s’agit de la cinquième hausse des taux consécutives. D’autres hausses de taux sont en ligne de mire, probablement dès la rentrée prochaine, afin de lutter contre les pressions inflationnistes. Comparativement, elles sont moins importantes dans la Confédération que dans les autres pays européens mais la BNS veut éviter à tout prix l’erreur commise par certaines de ses consœurs, à savoir tarder à augmenter les taux directeurs. Celles qui l’ont fait l’ont payé cher. C’est notamment le cas de la Banque d’Angleterre (BoE) et de la Norges Bank (banque centrale norvégienne). En novembre dernier, la Norges Bank avait réduit l’ampleur de la hausse des taux à 25 points de base, puis elle avait fait une pause en janvier dernier. La semaine dernière, elle a été obligée de réaffirmer son engagement à lutter contre l’inflation en augmentant plus sensiblement que prévu son taux directeur, de 50 points de base à 3,75%. Il s’agit de la onzième hausse de taux pendant ce cycle. La Banque d’Angleterre est confrontée à une situation similaire. Les dernières statistiques, en particulier celles portant sur l’inflation sous-jacente (qui est suivie de près par les banquiers centraux), ne laissaient pas beaucoup de choix à l’institution. Les pressions inflationnistes se renforcent et sont plus durables. Il n’y a pas encore de désancrage des anticipations d’inflation. Mais le risque est réel. Il fallait donc taper du point sur la table la semaine dernière, d’où la hausse du loyer de l’argent de 50 points de base alors que le consensus tablait sur 25 points de base. Dans les deux cas, il est évident que d’autres hausses de taux vont survenir. Le marché monétaire anticipe que le taux terminal outre-Manche devrait atteindre 6% cette année (après au moins une nouvelle hausse de taux de 25 points de base en août prochain). La seule déception est venue de la banque centrale de Turquie. Elle a mis fin à sa politique monétaire incohérente qui consistait à avoir un loyer de l’argent bas alors que le pays fait face à l’hyperinflation. Elle a augmenté le taux directeur principal, mais dans des proportions moindres qu’attendues par le marché. La hausse fut de 650 points de base (ce qui est beaucoup, toutefois) à 15%. Il s’agit de la première hausse depuis le mois de mars 2021 et elle fait suite à dix baisses de taux consécutives (qui ont eu pour conséquence d’accroître très sensiblement les pressions inflationnistes dans le pays). Le marché des changes n’a pas dissimulé sa déception et la lire turque (TRY) a lourdement chuté lors de la séance de jeudi dernier.
Même s’il est évidemment trop tôt pour savoir comment l’inflation va vraiment évoluer dans les mois à venir, il apparaît évident que le cycle de durcissement monétaire est très loin d’être terminé. Les banques centrales ont parfaitement conscience qu’en augmentant aussi sensiblement les taux directeurs, cela va gripper l’économie (c’est déjà en marche). Mais elles font le choix rationnel (qu’on peut contester) qu’il vaut mieux une économie temporairement en berne qu’une inflation durablement élevée, parfois autour de 4-5% sur un an.
Heureusement, il y avait aussi quelques lueurs d’espoirs concernant la trajectoire économique la semaine dernière. L’inflation (évidemment, ça reste le sujet d’attention numéro un) est toujours trop élevée en zone euro mais elle commence à refluer et surtout les pressions inflationnistes ne sont plus aussi diffuses qu’avant. En octobre dernier, près de 80% des composants qui permettent de mesurer l’évolution de l’indice des prix à la consommation étaient en hausse. C’était préoccupant. En mai dernier (dernières données disponibles), ce n’était le cas que de 30% des composants. On est bien sûr loin d’avoir gagné la bataille contre l’inflation mais il y a quelques signaux encourageants que nous voulions absolument partager avec vous.

Le point technique

Sur le marché des changes, la dynamique favorable pour l’euro semble s’atténuer. La semaine allant au 18 juin constitue la meilleure performance hebdomadaire de l’année pour l’EUR/USD. Mais la monnaie unique manque de catalyseurs pour aller plus. Il faudrait par exemple de nouvelles statistiques américaines confirmant un ralentissement économique important. En attendant, il est probable que la paire évolue dans un range étroit à court terme. La mauvaise performance de la couronne suédoise continue également. La devise a atteint un plus bas historique face à l’euro la semaine passée. Son précédent record remontait à 2009 (niveau de 11,78). Il est probable que la dépréciation ne s’arrête pas de sitôt. Lorsque la confiance du marché est rompue, il est très difficile de revenir en arrière. Enfin, l’effondrement du yen japonais s’est encore accéléré la semaine dernière. Nous arrivons à des niveaux de baisse inquiétants qui pourraient inciter les autorités nippones à intervenir sur le marché des changes (EUR/JPY autour de 156). C’est un risque à prendre en considération cet été.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,07221,08101,10991,1145
EUR/GBP 0,83200,84000,88900,9123
EUR/CHF 0,95150,96990,99461,0050
EUR/CAD 1,42301,43221,45901,4666
EUR/JPY 148,90150,34158,99160,00

Les annonces à suivre

Sauf surprise de dernière minute (et c’est bien arrivé la semaine passée), il ne devrait pas y avoir beaucoup de market movers cette semaine sur le marché des changes. La volatilité continue d’être anormalement basse. Ce n’est pas un phénomène qui touche uniquement les devises. On l’observe également sur l’obligataire et les actions. C’est anormal, surtout étant donné les nombreux facteurs de risque qui planent sur l’économie mondiale. Une telle anomalie de marché peut perdurer longtemps. Il faut juste avoir conscience qu’elle existe (et donc envisager des scénarios de protection de ses avoirs dans la perspective d’un éventuel retournement du marché). A la marge, on prêtera attention à l’indice PCE core aux Etats-Unis pour le mois de mai. C’est la mesure préférée de l’inflation pour la Réserve Fédérale américaine. Mais cela ne devrait pas avoir beaucoup d’effet sur les paires en dollar.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 26/06/202310:00ALLIndice IFO du climat des affaires (Juin)Précédent à 91,7.
Le 27/06/202316:00USAConfiance des consommateurs du Conference Board (Juin)Hausse de 25 points de base.
Le 30/06/202308:00UKPIB au premier trimestre Précédent à 0,2% sur un an.
Le 30/06/202314:30USAIndice PCE core (Mai)Précédent à 0,4% en variation mensuelle.

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