Face à la guerre en Ukraine, les banques centrales réagissent en ordre dispersé. Il y a d’abord le camp des prudents. Plusieurs banques centrales ont opté pour le statu quo de politique monétaire lors de la semaine passée, invoquant entre autres l’incertitude liée à l’Ukraine. C’est par exemple le cas de la banque centrale de Malaisie. On trouve dans ce camp la Banque Centrale Européenne (BCE) également. La réunion de ce jeudi devrait être un non-évènement. Plusieurs membres du Conseil des gouverneurs, l’organe qui décide de l’évolution des taux et du programme de rachats d’actifs, ont appelé à la prudence ces derniers jours. Ils souhaitent en premier lieu évaluer les conséquences de l’invasion de l’Ukraine sur la stabilité du secteur bancaire et financier européen avant d’ajuster, si nécessaire, la politique monétaire. La patronne de la BCE, C. Lagarde, va certainement mettre beaucoup l’accent sur ce point lors de sa prise de parole prévue jeudi après-midi.
Il y a aussi le camp des intrépides où figure en bonne place la Banque du Canada (BoC). La guerre n’a pas changé ses plans. Comme prévu, la BoC a augmenté son principal taux directeur de 25 points de base à 0,50% la semaine passée. En outre, elle a laissé entendre que d’autres hausses sont à venir afin de combattre les tensions inflationnistes (l’inflation au Canada a atteint 5,1% en variation annuelle en janvier dernier). Il faut reconnaître que la situation au Canada est très différente de celle en zone euro. Le pays n’est pas du tout dépendant de la Russie en termes d’approvisionnements en hydrocarbures. Les relations commerciales sont limitées. Enfin, géographiquement, il y a un océan qui les séparent.
A mi-chemin entre ces deux camps, on trouve la Réserve Fédérale américaine (Fed). J. Powell, président de l’institution, a plaidé pour le maintien de la hausse des taux directeurs en mars lors de son audition biannuelle devant le Congrès. Il s’est dit « enclin à soutenir une hausse de 25 points de base ». Sauf surprise de dernière minute, les autres membres du FOMC devraient s’aligner sur cette position. L’éventualité d’une hausse des taux plus prononcée, de l’ordre de 50 points de base, appartient désormais au passé. La banque centrale américaine veut envoyer un message clair aux marchés financiers concernant sa volonté de lutter contre l’inflation. En même temps, elle souhaite garder une marge de manœuvre afin d’évaluer avec plus de précisions les effets de la guerre en Ukraine sur l’économie mondiale et le commerce international. A ce stade, il y a peu de certitudes. Powell a d’ailleurs reconnu qu’il n’est « pas encore possible de savoir » si la guerre en Ukraine affectera le processus de resserrement monétaire de la Fed.
Les conséquences macroéconomiques sont difficiles à évaluer dans l’immédiat. Certains instituts économiques avancent des chiffres mais il faut les prendre avec précaution. La situation évolue vite sur le terrain en Ukraine. L’institut proche du patronat Rexecode estime que la croissance française pourrait être amputée de 0,8 point cette année à cause de la guerre. Cela signifie que le PIB pourrait n’augmenter que de 3,2% en 2022 contre une prévision initiale du gouvernement de 4%. C’est un ordre de grandeur. Ce ne sera, dans tous les cas, pas indolore. D’autres sont beaucoup plus pessimistes. La banque d’origine suisse Lombard évoque la possibilité que la zone euro entre en récession cette année. Dans tous les cas, il est évident que plus la guerre perdurera, plus les perturbations économiques seront importantes au niveau du transport maritime, des matières premières (énergie, produits agricoles) et des marchés financiers dans leur ensemble. Cela va se payer en points de croissance en moins.
Nous sommes passés en l’espace d’une dizaine de jours d’une sortie de crise post-Covid qui s’annonçait sous de bons auspices (à l’exception du problème déjà présent de l’inflation) à une nouvelle crise, en l’occurrence géopolitique, entraînant des répercussions mondiales.
Sur le marché des changes, la volatilité a fortement rebondi en fin de semaine dernière. C’est ce qui explique pourquoi les bornes de fluctuation pour la semaine à venir sont très grandes (tableau ci-dessous). L’euro subit une dégringolade qui est même plus importante qu’au début de la crise Covid. C’est une chute libre. L’euro s’est déprécié de 2,5% la semaine passée face au dollar américain, de 2,6% face au franc suisse et au yen et de 2,1% face au dollar canadien. L’euro a aussi fortement chuté face à la livre sterling. La paire est passée pour la première fois depuis le début de l’année sous les 0,83. Tout porte à croire que le mouvement baissier va perdurer. Les cambistes considèrent, certainement à raison, que l’euro va être la monnaie la plus pénalisée par la guerre. Pour l’instant, un rebond technique n’est pas d’actualité. Il faudrait qu’un cessez-le-feu soit annoncé ou que les négociations avancent plus sérieusement. C’est hors de propos au moment où nous écrivons ces lignes. Les supports techniques ci-dessous sont à surveiller de très près dans les heures à venir.
Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.
SUPPORTS | HEBDO | RÉSISTANCES | HEBDO | |
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S2 | S1 | R1 | R2 | |
EUR/USD | 1,0730 | 1,0834 | 1,1176 | 1,1330 |
EUR/GBP | 0,8020 | 0,8155 | 0,8354 | 0,8420 |
EUR/CHF | 0,9937 | 1,0029 | 1,0296 | 1,0470 |
EUR/CAD | 1,3530 | 1,3720 | 1,4226 | 1,4434 |
EUR/JPY | 122,08 | 124,10 | 130,79 | 133,01 |
+33 (0)1 48 09 09 83
Cette semaine, sans surprise, le marché des changes va continuer d’évoluer au gré des informations portant sur la guerre en Ukraine. De nouvelles sanctions financières et économiques de la part des Européens à l’encontre de la Russie sont dans les tuyaux. Elles pourraient être annoncées en milieu de semaine. Les indicateurs économiques risquent de passer en arrière-plan, même lorsqu’ils sont importants. L’indice des prix à la consommation aux Etats-Unis en février fait partie des statistiques majeures cette semaine. Le consensus des analystes table sur un repli à 7,3% en variation annuelle. Il s’agit toujours d’un niveau très élevé qui oblige la Fed à agir. Enfin, comme nous l’avons indiqué plus haut, la réunion de la BCE devrait être sans surprise. L’institution devrait se borner à indiquer qu’elle se tient prête à agir si les conditions venaient à se dégrader à cause de la guerre (en particulier au niveau de la stabilité financière).
Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.
JOUR | HEURE | PAYS | INDICATEUR | A QUOI S'ATTENDRE ? |
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08/03 | 11:00 | Dernière estimation du PIB au T4 2021 | Hausse de 3,7% en variation annuelle. | |
09/03 | 16:00 | Rapport JOLTS sur les nouvelles offres d’emploi (Janvier) | Consensus à 10,300M – proche des records. | |
10/03 | 13:45 | Réunion de la banque centrale | Mise à jour des projections économiques et maintien de la politique monétaire en l’état. | |
14:30 | Indice des prix à la consommation (Février) | Le consensus table sur un repli à 7,3% en variation annuelle. Mais attention, le consensus s’était lourdement trompé pour le chiffre de janvier qui était ressorti nettement en hausse à 7,5%. | ||
11/03 | 16:00 | Indice de confiance de l’Université du Michigan (Mars) | Hausse prévue à 67,5 contre 62,8 précédemment. |
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