On ne sait plus qui croire

Depuis 2008, la communication des banques centrales (le forward guidance, en anglais) a été un facteur de stabilité des marchés financiers, y compris du marché des changes. Désormais, on ne sait plus qui croire. En juin dernier, la Réserve Fédérale américaine (Fed) a augmenté son taux directeur de 75 points de base. Son président, Jerome Powell, avait pourtant martelé jusqu’à la dernière minute son intention de procéder à une hausse de 50 points de base. C’est maintenant au tour de la Banque Centrale Européenne (BCE) de jeter aux oubliettes le forward guidance. Le loyer de l’argent en zone euro a été augmenté de 50 points de base jeudi dernier. Il y a encore moins de dix jours de cela, le gouverneur de la Banque de Finlande, Olli Rehn (proche de Christine Lagarde), considérait qu’une hausse de 25 points de base serait un premier pas approprié. La fin de facto du forward guidance signifie que la politique monétaire va être moins lisible à court terme ce qui va accroître la volatilité sur tous les actifs financiers, et sur les devises bien-sûr. Adopter une stratégie de couverture du change adaptée est plus qu’essentiel. C’est un moyen de se couvrir contre la volatilité excessive. C’est également le moyen de faire des économies, ce qui n’est pas négligeable en période de forte inflation (les coûts à la production ont augmenté de près de 28% sur un an en France selon les derniers chiffres).
Le contexte économique continue de se dégrader également. L’immobilier est un vecteur de croissance important outre-Atlantique. Les mises en chantier de logements ont fortement ralenti en juin, à 1,5 million. C’est le plus bas chiffre depuis septembre 2021. La demande diminue fortement à la fois du fait d’un prix moyen des logements record et d’une progression fulgurante en l’espace de seulement quelques mois des taux hypothécaires. Pour l’instant, la Fed ne semble pas s’en inquiéter. Mais si le dégonflement de la bulle immobilière est brutal, l’économie américaine est assurée de tomber en récession. Ce n’est pas notre scénario central pour le moment. C’est toutefois un risque à prendre en considération. Se pose également de plus en plus la question de savoir si la Fed ne fait pas trop, trop rapidement dans le cadre de son durcissement monétaire actuel. Le marché des changes est sceptique sur la capacité de la Fed à augmenter dans la durée les taux. Les analystes tablent sur une pause dans le cycle de hausse dès le mois de février prochain.
Enfin, le risque politique fait son retour en zone euro. C’était attendu. L’Italie se dirige vers des élections générales anticipées en septembre ou en octobre prochain (la date n’a pas encore été fixée). Le Premier ministre Mario Draghi a décidé de jeter l’éponge ayant perdu le soutien de son principal allié, le Mouvement Cinq Etoiles. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour la zone euro. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’euro non plus. Toutefois, il est peu probable que nous nous dirigions vers une nouvelle crise de la dette souveraine (comme ce fut le cas en 2012). Deux choses ont changé en l’espace de dix ans. Le secteur bancaire européen est assaini et consolidé. Les banques espagnoles ne sont pas fragiles, par exemple. Les deux principales banques systémiques en Italie ont un solide bilan. Les cinq banques de tailles inférieures sont fragiles. Mais cela ne suffit pas à provoquer une panique bancaire au niveau de la zone euro. En outre, la BCE a appris de ses erreurs. Jeudi dernier, Lagarde a dévoilé un outil anti-fragmentation complet qui vise à éviter que le coût d’emprunt de certains Etats membres ne s’envolent du fait d’une panique spéculative. Il s’agit du TPI, pour Transmission Protection Instrument. Les pays qui pourront en bénéficier devront respecter un certain nombre de critères (par exemple la soutenabilité de la dette et ne pas être en procédure de déficit excessif). Mais ces critères sont finalement peu contraignants. Nous comprenons que la BCE souhaite avoir les coudées franches pour intervenir quand bon lui semble si des tensions financières venaient à survenir. La zone euro fait face à de nombreux défis : crise énergétique, inflation persistante, tensions sociales, crise politique dans certains Etats-membres, exposition à la guerre en Ukraine etc. La bonne nouvelle, c’est qu’elle est mieux armée pour y faire face qu’en 2008 (crise financière mondiale) et en 2012 (crise de la dette).

Sur le marché des changes, l’euro affiche un repli de près de 11% face au dollar américain depuis le début de l’année. A court terme, la tendance est baissière tant que la paire ne réussit pas à franchir la résistance située à 1,0350. Ce n’est pas certain qu’elle soit en mesure de le faire prochainement. Il n’y a quasiment aucun catalyseur à la hausse pour l’euro en ce moment. Les indicateurs techniques et les fondamentaux plaident en faveur d’une baisse durable de la monnaie unique et d’un nouveau test de la zone de parité. Le support majeur à surveiller dans les semaines à venir se situe à 0,9985.

Nous n’anticipons pas de changement majeur à court terme pour la paire EUR/GBP qui devrait continuer d’évoluer dans un grand range compris entre 0,84 et 0,86. En revanche, il pourrait y avoir un regain de volatilité sur la paire EUR/JPY au cours de l’été. L’USD/JPY reste à un niveau très élevé (autour des 138 et hausse de près de 20% depuis le 1er janvier), ce qui pourrait inciter la Banque du Japon à intervenir sur les changes pour soutenir la monnaie de l’archipel. C’est une possibilité qui est sur la table depuis plusieurs mois et qui pourrait finir par se matérialiser. Par ricochet, une intervention sur les changes pourrait conduire à une baisse de l’EUR/JPY. Le niveau de support situé à 137,71 sera à surveiller de près dans ce cas-là.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD0,97870,99851,03501,0578
EUR/GBP 0,82640,83910,86450,8772
EUR/CHF 0,95990,96570,99961,0150
EUR/CAD 1,27771,29741,33691,3566
EUR/JPY 137,71139,00143,59146,54

+33 (0)1 48 09 09 83

La réunion de politique monétaire de la Fed est le point d’orgue de la semaine. C’est la dernière réunion de banque centrale d’un grand pays développé avant celle de la Banque d’Angleterre prévue le 4 août prochain. Powell a laissé entendre qu’une hausse de 75 points de base est sur la table. Mais comme nous l’avons vu, il est difficile de faire confiance aveugle à la communication des banques centrales désormais. Plusieurs acteurs de marché prévoient une hausse de 100 points de base. Ce n’est pas exclu. L’inflation aux Etats-Unis est toujours trop élevée (l’indice des prix à la consommation est ressorti à 9,1% en variation mensuelle en juin). On observe un repli de l’inflation sous-jacente (hors prix de l’énergie). Mais celui-ci est encore trop faible pour indiquer que le pic d’inflation serait proche. La Fed a certainement compris que sa fenêtre d’opportunité pour durcir la politique monétaire se réduit du fait du ralentissement économique à l’œuvre. Il est probable qu’elle souhaite être plus agressive à court terme. Peu importe l’ampleur de la hausse des taux cette semaine (75 ou 100 points de base), nous restons convaincus que l’orientation haussière du dollar américain face à ses principales contreparties (y compris l’euro) demeure à court et à moyen terme. Le dollar index (qui mesure l’évolution du billet vert face aux monnaies des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis) affiche une progression de 11,56% depuis le 1er janvier de cette année. Ce n’est qu’un début, selon nous.
Le mois d’août sera calme au niveau des indicateurs macroéconomiques et des réunions de banque centrale (comme tous les ans). Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de sursaut impromptu de la volatilité sur les changes. La Banque d’Angleterre sera la seule banque centrale d’un grand pays développé à se réunir. Le gouverneur Andrew Bailey a indiqué qu’une hausse d’au moins 50 points de base est envisageable. Elle est en partie intégrée dans les cours de la livre sterling. L’inflation est le problème numéro un outre-Manche. Elle est hors de contrôle. Elle devrait rapidement dépasser le seuil psychologique des 10%. Certains pays se dirigent vers un appauvrissement durable de leur population du fait de l’envolée générale des prix. C’est moins le cas en France où l’inflation augmente mais est parmi les plus basses en zone euro (juste derrière Malte). En outre, des dispositifs de redistribution permettent d’éviter un appauvrissement trop important du premier quintile de revenus (les 15 à 20 % de la population les plus pauvres). Nous aurons l’occasion de rediscuter de l’inflation très prochainement. C’est le thème de l’année 2022.

Comme tous les ans, nous faisons une pause au mois d’août. L’Hebdo Devise de Mondial Change reprend le 5 septembre prochain. Merci pour votre fidélité. Très bonnes vacances de la part de toute notre équipe.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
25/0710:00Indice IFO du climat des affaires (Juillet)Hausse à 92,9 contre 92,3 précédemment.
26/0716:00Confiance des consommateurs du Conference Board (Juillet)Baisse prévue à 98,5 contre 98,7 précédemment.
27/0720:00Réunion de la banque centrale. Conférence de presse de J. Powell à partir de 20:30 A ce stade, le marché des changes anticipe une hausse d’au moins 75 points de base du taux directeur principal.
28/0714:30PIB au deuxième trimestreL’économie américaine devrait éviter la récession en ce début d’année avec une hausse du PIB au T2 prévue à 0,9%.
29/0711:00Indice des prix à la consommation (Juillet)Douloureuse nouvelle hausse à 8,8% après 8,6% en juin.
04/0813:00Réunion de la banque centraleA ce stade, le marché des changes prévoit une hausse de 50 points de base du taux directeur
05/0814:30Rapport sur l’emploi américain (Juillet)Précédent : 372 000 créations d’emplois et taux de chômage à 3,6%.
01/0914:15Enquête ADP sur l’emploi (Juin) ADP a revu sa méthodologie. L’enquête portant sur le mois de juin devait être publiée en juillet. Elle l’est finalement en septembre. Le consensus prévoit 200 000 créations de postes.

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