Ça pique

L’inflation n’a pas pris de vacances en juillet et en août. En estimation préliminaire, l’indice des prix à la consommation (IPC) en zone euro a atteint un nouveau record, à 9,1% sur un an en août contre 8,9% en juillet (consensus à 9%). C’est un douloureux rappel en cette rentrée que l’inflation est là pour rester. Comme l’a rappelé à juste titre lors de la REF 2022 du Medef Alexandre Bompard, directeur général de Carrefour : « Cessons les débats sans fin sur la date de pic de l’inflation. L’inflation est là, elle est durable, il n’y aura pas de retour à la normale demain ». Ça, c’est dit. Dans le détail, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. L’inflation continue de croître à un rythme soutenu en Allemagne. Le dernier chiffre de l’IPC est ressorti à 7,9% sur un an (contre 7,5% prévu). La Bundesbank, la banque centrale allemande, s’attend à ce que l’inflation atteigne probablement 10% dans les mois à venir. Le principal moteur de hausse est toujours le même, c’est l’énergie. Les prix de l’énergie (gaz et électricité) ont atteint des niveaux records au cours de l’été sur les marchés de gros. Le contrat à terme à un an pour l’électricité en Allemagne a atteint le niveau stratosphérique de 900 euros par mégawattheures. C’était inimaginable il y a deux ans de cela. On considérait qu’un prix proche des 75 euros par mégawattheures était déjà très élevé. Nous sommes entrés dans un nouveau monde.
En France et en Espagne, l’inflation a un peu reflué selon les derniers chiffres. En France, elle a atteint 5,8% sur un an en août contre 6,1% le mois précédent. En Espagne, elle s’inscrit sur la même période à 10,4% contre 10,8% en juillet. Ça reste douloureusement élevé, néanmoins. Tous les acteurs économiques (ménages, gouvernement et entreprises) ont bien compris qu’il va falloir s’adapter à cette nouvelle donne. Toutes les entreprises avec lesquelles nous avons échangé depuis quelques semaines révisent à la baisse leurs perspectives d’embauche et d’investissement. Toutefois, la situation française est plutôt bonne comparée à celle des autres pays européens (la consommation résiste, les faillites d’entreprise restent encore anormalement basses, la croissance est plutôt solide etc.). En revanche, nous voyons mal comment les entreprises britanniques vont pouvoir résister. Au cours du mois d’août, les banques Citigroup et Goldman Sachs ont révisé drastiquement leurs perspectives d’inflation pour le Royaume-Uni. L’IPC devrait atteindre le niveau indécent de 20% sur un an en 2023 si les prix de l’énergie continuent de rester élevés (ce qui est probable). On ne voit pas comment une PME peut s’adapter à un environnement économique si dégradé sans mise en place d’aides publiques massives (ce qui n’est pas sur la table pour le moment outre-Manche). Ce sera une hémorragie économique. L’IPC est déjà à un niveau douloureux (10,1% sur un an en juillet !).
De notre point de vue, nous n’échapperons pas à la poursuite du « quoi qu’il en coûte » (peut-être avec un peu plus de ciblage). Selon les données publiées par le centre de réflexion bruxellois Bruegel (qui est très renommé en économie), la France a déjà dépensé près de 44 milliards d’euros depuis septembre 2021 pour aider les ménages et les entreprises à faire face à l’envolée de la facture énergétique (c’est l’équivalent de la moitié du budget annuel de l’éducation nationale). Et l’année n’est pas finie. Il est probable qu’on atteigne un montant proche des 70-80 milliards d’euros pour 2022. Seule l’Allemagne a fait plus (66 milliards d’euros). Le bouclier tarifaire est le principal dispositif mis en œuvre en France. Il a coûté jusqu’à présent 20 milliards d’euros. Mais il ne s’adresse pas aux entreprises. Il faudra certainement que Bercy réfléchisse à un dispositif de soutien à destination des entrepreneurs. Parler de sobriété énergétique est essentiel (comment réduire sa facture énergétique en baissant la température moyenne dans les locaux par exemple). Mais il faudra aller un peu plus loin pour garantir que les TPE et les PME ne fassent pas les frais des vents contraires sur le marché énergétique.

Sur le marché des changes, la volatilité est de retour. C’est une certitude. C’est un facteur de risque supplémentaire pour les entreprises qui sont exposées à cette problématique (soit du fait des importations ou des exportations). D’où la nécessité d’adopter une couverture de change adaptée. C’est une mesure de prévention indispensable pour éviter de mauvaises surprises.
Notre vision du marché du marché n’a pas changé depuis notre dernière newsletter du mois de fin juillet. Nous sommes convaincus que les risques nombreux auxquels fait face la zone euro à court terme vont conduire à une dépréciation prolongée de l’euro face à ses principales contreparties. Nous avons raison pour l’instant. L’euro est en forte baisse sur trois mois : -6,80% face au dollar américain, -5,84% face au franc suisse et -2,48% face au dollar canadien. Au cours de l’été, l’euro a atteint un nouveau point bas face au dollar, à 0,9926. La paire EUR/USD semble désormais bien ancrée sous la parité. Il peut y avoir des rebonds techniques (comme ce fut le cas en milieu de semaine dernière). Mais ils n’ont pas vocation à perdurer. Notre objectif à court terme se situe à 0,9816 (c’est tout à fait atteignable dans les semaines à venir). Il y a une exception : l’EUR/GBP. L’euro a bénéficié ces dernières séances des inquiétudes concernant l’inflation au Royaume-Uni (en particulier la révision à la hausse de la prévision d’IPC par Goldman Sachs). Cela a permis à l’EUR/GBP de s’envoler au-dessus des 0,8600. La pression vendeuse sur le GBP pourrait s’accroître dans les semaines à venir à cause des incertitudes portant sur l’économie britannique. Concrètement, nous pourrions avoir une stabilisation de l’EUR/GBP autour des 0,86 (alors que la paire avait tendance à évoluer entre les 0,8330 et les 08500 pendant l’été).

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD0,96480,98161,01531,0321
EUR/GBP 0,84160,85200,87080,8778
EUR/CHF 0,92940,95160,98660,9960
EUR/CAD 1,28141,29661,33951,3685
EUR/JPY 136,12138,00141,86144,73

+33 (0)1 48 09 09 83

C’est le retour des banques centrales cette semaine et surtout de la Banque Centrale Européenne (BCE). Au cours des dix derniers jours, quasiment tous les principaux acteurs de la BCE (à l’exception du chef économiste Philip Lane) ont plaidé en faveur d’une hausse importante du taux directeur lors de la réunion du 8 septembre. Le marché des changes table sur une hausse de 75 points de base (alors qu’une hausse plus mesurée de 50 points de base était encore évoquée il y a quelques semaines de cela). La BCE n’a certainement pas le choix. L’inflation est hors de contrôle en zone euro. Elle doit montrer qu’elle est en mesure de la combattre. Les anticipations de forte hausse du taux directeur ont alimenté le rebond technique en milieu de semaine dernière de l’euro (que nous avons évoqué plus haut). Nous doutons toutefois que ce soit suffisant pour inverser la tendance sur les principales paires en euro. Il faudra certainement s’attendre à beaucoup de volatilité sur les taux de change jeudi après-midi. Le maître-mot de la semaine est la vigilance.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
06/0916:00Indice ISM non manufacturier (Août)Nouvelle baisse attendue par le consensus à 53,5 contre 56,7 en juillet (chiffre susceptible d’être révisé)
07/0916:00Réunion de la banque centraleUne hausse d’au moins 50 points de base est prévue par les analystes.
08/0914:15Réunion de la banque centrale. Suite aux propos tenus par Isabel Schnabel (membre du Directoire de la BCE) à Jackson Hole, le marché des changes table sur une hausse des taux ‘significative’, de l’ordre de 75 points de base.

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