Un bal de banquiers centraux

Dans les conditions de marché actuelles, on voit mal ce qui pourrait permettre un rebond durable de l’euro face au dollar américain. La paire a perdu près de 7,4% depuis le début de l’année. Ce n’est certainement que le début. Il est encore trop tôt pour savoir si la parité sera atteinte (il s’agit plus d’un niveau symbolique que d’un important seuil technique). Mais il est évident que le potentiel de baisse de la monnaie unique est très important à court et à moyen termes.

D’un côté, la Réserve Fédérale américaine (Fed) adopte un positionnement agressif dans son processus de durcissement monétaire (hausse du taux directeur de 75 points de base la semaine passée ce qui est une première depuis vingt-huit ans). Elle laisse la porte ouverte à des hausses d’amplitude similaire à très court terme (en juillet). Cela renforce le dollar américain, sans surprise. De l’autre côté, la Banque Centrale Européenne (BCE) a toujours une communication un peu inadaptée. Lors de sa réunion de juin, la banque centrale avait déçu le marché en ne prêtant pas davantage attention aux risques de fragmentation financière au sein de la zone euro (hausse du coût d’emprunt et baisse de la liquidité sur le marché obligataire des pays du Sud de la zone euro). Elle a été contrainte mercredi dernier d’organiser une réunion d’urgence pour traiter de la question (c’est une première depuis mars 2020). On aurait pu espérer que la banque centrale annonce des mesures concrètes. Ce ne fut pas le cas. Elle a principalement indiqué qu’un outil pour gérer les écarts de coûts d’emprunt entre pays de la zone euro sera dévoilé prochainement. C’est insuffisant. Comme souvent, la BCE agit avec retard. Cela pénalise l’euro. Surtout, cela va coûter des points de croissance alors que tous les récents indicateurs confirment que la dynamique de la reprise ralentit.

Il y a beaucoup de signaux inquiétants de part et d’autre de l’Atlantique. La semaine passée, les ventes au détail en mai aux Etats-Unis se sont contractées pour la première fois de l’année (-0,3% en variation mensuelle). C’était inévitable. La forte progression de l’inflation va pousser les consommateurs à limiter leurs dépenses. Il est probable que la dynamique va rester pendant quelques mois positives dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration (du fait de la saison estivale). Mais le pire reste à venir. La vague de licenciements qui débute aux Etats-Unis est aussi inquiétante. En l’espace de quelques jours, plusieurs grands groupes ont annoncé des licenciements (Compass, Coinbase, Redfin Corporation etc.). Le nombre de salariés ayant perdu leur emploi est autour de 100 000 selon nos estimations. Ce n’est malheureusement qu’un début. La détérioration du marché de l’emploi aux Etats-Unis est inévitable du fait de la conjonction entre l’inflation élevée et l’augmentation vertigineuse du coût du capital (il devient de plus en plus difficile de se refinancer). Nous avions très peu de statistiques européennes la semaine écoulée. Toutefois, les indicateurs publiés depuis quelques semaines confirment qu’une tendance similaire est en train de se mettre en place en Europe également.

Chez Mondial Change, nous pensons qu’il est trop tôt pour parler d’un réel risque de récession. Il s’agit probablement plus d’un sujet pour 2023. En revanche, il est évident que la reprise économique va fortement ralentir au cours du deuxième semestre un peu partout. La Chine pourrait être la seule exception puisque de plus en plus de mesures de soutien sont annoncées en perspective du Congrès de l’automne prochain qui a pour objectif principal la reconduction du président chinois Xi Jinping pour un nouveau mandat. La relance chinoise sera bénéfique pour l’Europe du fait des échanges commerciaux (plus bénéfique à l’Allemagne qu’à la France). Toutefois, il faudra être patient. En économie, on estime que le stimulus chinois met environ six à neuf mois pour avoir un impact réel sur les statistiques.

La volatilité était importante sur les devises la semaine passée du fait des banques centrales. L’EUR/USD a évolué dans une borne de 240 points environ, l’EUR/CHF dans une borne de 350 points (du fait de la hausse surprise de 50 points de base du taux directeur par la Banque Nationale Suisse) et l’EUR/JPY dans une borne de 496 points ! Même l’EUR/GBP a connu une envolée vers les 0,8720 avant de revenir vers sa zone de croisière située autour de 0,85 en fin de semaine. L’analyse technique confirme toujours la tendance baissière sur l’EUR/USD. Le prochain niveau à surveiller est la zone de support située à 1,0387 (qui serait probablement atteinte au cours de l’été). Étant donné l’incertitude économique, on ne peut pas exclure que certaines banques centrales soient davantage interventionnistes sur les taux de changes (en particulier les banques centrales de Suisse et du Japon). Il faudra adopter la bonne stratégie de couverture du risque avant que nous entrions dans la période des vacances qui est celle de tous les dangers (notamment parce que les volumes échangés ont tendance à fortement baisser).

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD1,02521,03871,07361,0978
EUR/GBP 0,81710,83810,86720,8801
EUR/CHF 0,99111,00411,03901,0601
EUR/CAD 1,33211,34751,38501,4124
EUR/JPY 136,45139,18143,28144,69

+33 (0)1 48 09 09 83

Cette semaine, la macroéconomie devrait passer en arrière-plan sur le marché des changes. Il y aura peu de statistiques importantes (à l’exception peut-être de l’inflation au Royaume-Uni en mai). Les grandes tendances des dernières semaines sur les changes devraient perdurer, en particulier sur l’EUR/USD. La possibilité d’un rebond technique est faible. Il faudra enfin surveiller les tensions sur l’obligataire européen (essentiellement les coûts d’emprunt des Etats du Sud de la zone euro). C’est un élément qui fragilise indéniablement la monnaie unique et qui va inciter les investisseurs étrangers à sortir leurs capitaux de l’Union.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
22/0608:00Indice des prix à la consommation (Mai)Première estimation attendue à 9,1% contre 9,0% en avril.
23/0610:00PMI composite (Juin)Première estimation à 55,3 contre 54,8 en mai. Pour rappel, les PMI sont des mauvais indicateurs avancés de la croissance économique depuis la pandémie.
15:45Indice PMI composite de Markit (Juin) Le consensus des analystes prévoit un indice à 53,5 (toujours en territoire d’expansion).
24/0610:00Indice IFO du climat des affaires (Juin)Nouveau repli prévu à 91,4 contre 93,0 en mai.
16:00Nouvelle estimation de l’indice de confiance de l’Université du MichiganLe consensus est optimiste (59,1 contre 50,2 en dernière estimation).

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