Une économie à deux vitesses

Des deux côtés de l’Atlantique, l’économie est plus résiliente que cela n’avait été anticipé fin 2022. Mais il y a des points de fragilité évidents (hausse du loyer de l’argent et donc des conditions de refinancement, secteur manufacturier à la traîne, commerce international en repli etc.). Cela confirme le scénario d’un ralentissement économique cette année, marqué par le maintien de pressions inflationnistes élevées. Cela va certainement forcer les banques centrales à durcir leur politique monétaire plus que prévu à court terme…

Fin 2022, les analystes avaient prévu une récession importante en zone euro en 2023 (avec parfois une contraction du PIB pouvant être de près de 1% !). Les derniers indicateurs d’activité pour l’Union monétaire portant sur le mois de février confirment que ce scénario ne devrait pas se produire finalement. L’indicateur d’activité composite (qui regroupe à la fois l’activité dans le secteur manufacturier et dans celui des services) est désormais en territoire d’expansion, au-dessus du niveau de 50. Il a atteint 51,6 contre 49,1 en janvier. C’est un point haut de sept mois. La situation est similaire en Allemagne avec un indice composite à 51,1. Tout n’est pas rose pour autant. L’activité ne tient que grâce au secteur des services. Le secteur manufacturier et les commandes à l’export sont à la traîne. En France, les nouvelles commandes à l’export sont en baisse depuis un an, par exemple. La baisse enregistrée en février a même été la plus forte depuis la période de confinement de 2020. Cela reflète le ralentissement du commerce mondial (le consensus des analystes prévoit une baisse des volumes transportés de 4% cette année, ce qui est énorme). Le panorama économique est donc loin d’être uniforme.

Le même constat prévaut si on s’intéresse à la typologie des entreprises. Il y a des poches de fragilité évidentes au niveau des PME et des ETI. On commence à avoir des secteurs où les problèmes de trésorerie surviennent en France. Cela va souvent de pair avec des difficultés pour recruter une main d’œuvre qualifiée. Avec la hausse des taux directeurs (pour lutter contre l’inflation), les acteurs financiers sont plus réticents à prêter à des taux bas (la prime de risque augmente mécaniquement). Nous avons à l’esprit en particulier le cas d’une entreprise de type PME (nous ne citons pas le nom, pour des raisons évidentes) qui devait refinancer un Euro PP (un placement obligataire jugé plutôt sans trop de risques auprès d’un nombre limité d’investisseurs institutionnels). Il y a un an de cela, le taux proposé était de 3%, ce qui était tout à fait raisonnable. Il est désormais à un niveau prohibitif de 9%. Cet exemple (et il y en a bien d’autres) permet de souligner la diversité de l’écosystème français. Dans l’ensemble, cela tient. Les grandes entreprises vont même très bien (il suffit de s’attarder sur les résultats trimestriels qui sont en train d’être publiés, notamment ceux d’Accor ou d’Eramet – acteur majeur dans le secteur de la métallurgie). Pour les entreprises de taille plus petite, c’est parfois plus complexe. Il y a de tout. Il est probable que l’Etat devra, au cas par cas, encore jouer le rôle du pompier dans les mois et trimestres à venir. Nous ne sommes pas près de sortir de la phase du « quoi qu’il en coûte » (même si l’ampleur des mesures de soutien à l’économie a significativement diminué depuis le début de l’année).

Dans l’ensemble, nous restons convaincus que la récession va être évitée dans la zone euro. Certains de nos voisins en Europe centrale et orientale connaissent une récession technique (deux trimestres consécutifs de contraction du PIB). Mais elle est de faible ampleur. C’est le cas de la République Tchèque ou de la Hongrie en particulier. Du côté des Etats-Unis, il n’y avait pas beaucoup de statistiques importantes la semaine dernière. Notre scénario reste le même que dévoilé en début d’année : pas de récession non plus, simplement un ralentissement économique avec des pressions inflationnistes qui restent préoccupantes (l’indice PCE core, qui est la mesure préférée de l’inflation par la Réserve Fédérale américaine, est ressorti en progression de 0,6% sur un mois en janvier – soit beaucoup plus que la prévision à 0,4%). Tant que les flux de crédit continuent d’irriguer l’économie américaine (et notamment le secteur immobilier), une récession de vaste ampleur est peu probable. Le marché de l’emploi, même s’il s’agit d’un indicateur décalé par rapport au cycle économique d’environ six à neuf mois, est un autre facteur montrant la grande résilience de l’économie des Etats-Unis. Les oiseaux de mauvais augure se sont trompés. Il y aura évidemment une récession tôt ou tard, c’est le cycle normal de l’économie. Mais dire qu’elle puisse survenir cette année paraît hasardeux.

Le point technique

Sur le marché des changes, il n’y a pas de changement drastique de tendance. La volatilité est d’ailleurs plutôt réduite depuis plusieurs semaines sur les paires majeures. L’EUR/USD évolue désormais autour de la zone des 1,0550. Ce niveau commence à être intéressant pour les vendeurs de dollars. A moyen-terme, les fondamentaux (excellente résistance de l’économie européenne et flux de capitaux qui entrent en zone euro et soutiennent la monnaie unique) plaident en faveur d’un retour à la hausse de l’euro. La tendance est inchangée pour l’EUR/CHF. Le marché des changes considère que la Banque Nationale Suisse (BNS) sera plus hawkish (en faveur d’un durcissement monétaire) que son homologue de la zone euro. Depuis le début de l’année, la paire a perdu 1,38%. Ce n’est qu’un début. Nous tablons sur un retour dans la zone des 0,97-0,98 à court terme. Rien de très nouveau enfin pour l’EUR/GBP qui reste ancré dans une large bande de fluctuations d’environ 200 pips depuis plusieurs mois (autour de 0,88-0,90). Malgré le chaos économique qui règne de l’autre côté de la Manche, la livre sterling ne réagit pas plus que cela. C’est aussi la preuve que le forex est parfois déconnecté de la macroéconomie (ce qui peut arriver sur du court terme).

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,03361,04951,07501,0830
EUR/GBP 0,86150,87200,89360,9044
EUR/CHF 0,97600,98000,99701,0045
EUR/CAD 1,41151,42201,44981,4608
EUR/JPY 139,01141,03143,95145,06

Les annonces à suivre

Nous ne nous attendons pas à ce que cette semaine soit décisive sur le plan macroéconomique. La première estimation de l’inflation (indice des prix à la consommation) en zone euro en février est LA statistique majeure. Le consensus des analystes prévoit une baisse à 9% en variation annuelle – soit une chute de deux points de base. C’est peu. Cela ne va pas changer la donne concernant la trajectoire de la politique monétaire en zone euro. Personne ne doute que la Banque Centrale Européenne (BCE) va augmenter son taux directeur en mars de 50 points de base. C’est en revanche la suite qui soulève plus d’incertitudes. Il faudra d’autres indicateurs, en particulier sur l’inflation, pour savoir si des hausses d’ampleur plus faible (25 points de base) sont opportunes.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 28/02/202316:00USAConfiance des consommateurs du Conference Board (Février)Nouvelle hausse attendue à 109,5 contre 107,1 en janvier.
Le 01/03/202316:00USAIndice PMI manufacturier de l’ISM (Février)Hausse prévue à 47,9 contre 47,4 en janvier.
Le 02/03/202311:00EURIndice des Prix à la Consommation (Février) 1ère estimation pour le mois de février à 9,0% en annuel contre 9,2% précédemment.
Le 03/03/202316:00USAIndice PMI non manufacturier de l’ISM (Février)Léger repli attendu à 54,2 mais c’est toujours très loin de la zone à risque.

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